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Nostalgie : Il était une fois MARSEILLE, 152ème  anniversaire de la synagogue de la rue Breteuil

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juifs

A toutes les époques, Marseille et la Provence  accueillirent beaucoup de Juifs, à tel point qu’en l’an 179, le pape Victor s’inquiéta : il s’était aperçu du fait que les Chrétiens célébraient leurs Pâques en même temps que la Pâque juive.

Lorsqu’au VIème  siècle les Juifs furent expulsés de ce qu’était la France en cette période, ils se réfugièrent à Marseille. Au XIIème siècle, Maïmonide (le Rambam)[1], affirme sa profonde estime pour les rabbins de Marseille. Benjamin de Tudèle[2] visita  à la même époque les communautés de Marseille et d’Arles en vantant la science de leurs dirigeants. Alors que dans toute la France les Juifs subissaient des vexations, des persécutions, et des expulsions, les Juifs provençaux étaient traités à l’égal des Chrétiens.

C’est le 13 septembre 1394 que Charles VI proclama un édit de bannissement contre les Juifs de France. A cette époque, Marseille ne faisant pas partie du royaume français, l’édit ne fut pas appliqué. Cependant, lorsqu’en 1493 la Provence fut réunie à la France, le roi Charles VIII permit à la ville d’Arles d’expulser ses Juifs et, un peu plus tard c’est Louis XII qui ordonna de faire sortir les Juifs de toute la Provence.

Pourtant, après l’Inquisition, les Juifs fuyant l’Espagne et le Portugal vinrent grossir le nombre des Juifs de Marseille. Les rois de France accordèrent des privilèges à la ville de Marseille où régnait la paix et, où fut noté un développement économique considérable. Louis XVI désigna le 12 février 1788, Daniel de Beaucaire dit Rigaus « de nationalité juive, espagnole et portugaise, citoyen de Marseille, en qualité de syndic et agent des Juifs de nationalité juive et espagnole et portugaise avec la charge de délivrer des certificats à toute personne qui viendrait se fixer dans son ressort et d’attester en outre qu’elles ont les qualités nécessaires pour jouir des privilèges accordés à cette catégorie d’Israélites ».

Relativement peu de Juifs étaient installés à Marseille ou dans les Bouches-du-Rhône, au XVIIIème siècle jusqu’en 1791 le Comtat Venaissin fut relié à la France ce qui eut pour effet de voir la communauté juive de Marseille  augmenter en nombre car,  les Cavaillonais, les Carpentrassiens,  les Avignonnais  et les habitants de l’Isle sur Sorgues changeaint à cette époque, semble-t-il ,  plus facilement de domicile et préféraient se diriger vers la grande ville. Grâce à la Révolution Française,  les Juifs furent affranchis de la servitude douloureuse sous laquelle ils vivaient depuis des siècles. Mirabeau, l’Abbé Grégoire, Labaud de St Etienne rendirent plus facile l’émancipation des Juifs, ce qui amena leur reconnaissance envers la France qu’ils considérèrent comme leur patrie. Une fois la liberté de culte reconnue, et la liberté de culte garantie, ce n’est toutefois qu’après La Terreur que l’essor communautaire fut remarquable.

La communauté juive de Marseille ne disposait pas de synagogue en cette période. Les réunions avaient donc lieu chez le chef de la communauté. En 1812, la population juive accrue, un immeuble fut loué dans lequel fut aménagée une synagogue. Les Juifs peu connus, suscitaient une grande curiosité de la part des autres habitants de la ville, au sujet des coutumes, des mœurs, de la loyauté, de la religion ou de la morale. Napoléon permit alors aux Juifs d’affirmer leur attachement et leur amour de la patrie et de prouver la pureté de leurs sentiments religieux et moraux.

Un négociant de Marseille : Sébastien  Constantini, représentait la communauté lors de réunions de notables juifs de France à Paris.  L’administration des communautés juives fut réglementée : on permit l’établissement d’une synagogue et d’un consistoire comprenant un Grand Rabbin, un rabbin et trois notables pour chaque département d’au moins 2,000 Juifs. Le Consistoire siégeait au Consistoire Central. Le consistoire de Marseille régissait les Bouches-du-Rhône mais aussi les départements du Gard, Hérault, Isère, Rhône, Var,  et le Vaucluse qui totalisaient une population de 2,527 Juifs et les Alpes-Maritimes furent annexées peu après au Consistoire de Marseille.

Le premier Grand Rabbin appelé à exercer ses fonctions à Marseille fut Mardochée Roquemartine[3]  élu le 1er mars 1809 à la[4]Préfecture des Bouches-du-Rhône et intronisé en grande pompe le 24 mai 1809. C’est grâce à lui que fut acquis un immeuble sis au 70 de la rue Grignan.  En 1855, les locaux étant devenus trop exigus, la population juive ayant plus que doublé en l’espace de quarante ans, et l’immeuble menaçant de s’écrouler d’autre part, et après expertise, il fut décidé de fermer ce lieu qui fut remplacé par la location d’un immeuble situé à la fin du Cours Bonaparte (Cours Pierre-Puget). Pendant ce temps d’immenses travaux furent entrepris afin de consolider l’immeuble de la rue Grignan. Par la suite, le Conseil Municipal vota une subvention de 35,000 Frs  destinée à la construction d’une synagogue ainsi qu’un projet d’aliénation de la rue Grignan. La vente rapporta 130,000 Francs.

La première pierre fut posée au 117 rue Breteuil le 15 juillet 1863. L’architecte désigné fut Salomon Nathan[5], qui veilla à la construction de la synagogue qui fut inaugurée le 22 septembre 1864. Le style byzantin et mauresque du bâtiment émerveilla les nombreuses personnalités civiles et militaires, consuls étrangers, les dames du consistoire et les œuvres de bienfaisance. Messieurs Adolphe Carcassonne, Membre du Consistoire, Valensi et Morpugo, Administrateurs du Temple, faisaient les honneurs. Parmi les personnalités présentes,  l’assistance remarqua la présence de Mrs Allegri du Consistoire Central représentant la ville de Paris, Bery représentant la ville de Marseille, Mossé Grand Rabbin d’Avignon, Weill  Grand Rabbin de Nîmes, Nitter de Nice, entourant le Grand Rabbin de Marseille, et Mr Cahen présidait la cérémonie.

Après l’introduction des sifré Torah, un cortège de jeunes-filles vêtues de blanc et couronnées de fleurs entrèrent précédant les rabbins, les membres du Consistoire et les administrateurs de la synagogue. Une symphonie d’orgues fut interprétée et un chœur entonna : « Pithou li shaâré tsedek ».  La musique, composée par M° Castellan de Marseille. Le ministre-officiant (hazan) récita « Baroukh hamakom » puis, le doyen de la communauté, Monsieur Abram, centenaire, ouvrit l’Arche Sainte et le chœur chanta le mizmor le David pendant qu’une petite troupe présenta les armes. Le ministre-officiant entonna le psaume d’inauguration Mizmor HaBayit  le David et le Grand Rabbin Cahen prononça un discours suivi d’un chant chorale. Après l’allocution de Mr Valabrègues, le Grand Rabbin prononça une bénédiction pour l’Empereur. Puis, on fit passer des corbeilles parmi le public afin de procéder à une quête au profit des pauvres pendant que l’organiste déployait ses talents et, la cérémonie prit fin avec la bénédiction pour l’assemblée faite par le Grand Rabbin.

Un journaliste de l’époque publia à cette occasion : «…Les honneurs officiels rendus par tous les représentants du pouvoir à la foi hébraïque qui, naguère soulevait contre elle tant d’aversion et de mépris au sein du christianisme, et les armes que nos soldats présentent aux symboles d’un culte que nos pères soumirent à une humiliation si cruelle, que faut-il en penser ? Que faut-il en dire ? Les paroles de patriotisme, de concorde, de tolérance universelle et de fraternité humaine sont belles, vraies et justes, mais nouvelles…. ».

A Marseille, fonctionnaient à la même époque, une société de bienfaisance des Dames Israélites qui s’occupaient des jeunes-filles et des enfants, une Mutualité « les Enfants de Jacob », une société d’apprentissage des arts et métiers qui plaçait les jeunes gens et les surveillait pendant leur apprentissage, un orphelinat implanté à Salon, un Talmud Torah, une école juive subventionnée par la ville et un hôpital juif.

Le premier cimetière se trouvait Traverse des Juifs et avait été acheté le 15 octobre 1783 par Mr Salomon Da Silva et Mr Mardochée C. Darmon pour la somme de 2,400 livres, achat enregistré par M° Courbet. Ce cimetière fut géré par le Comité Israélite de Bienfaisance. Ce lieu s’étant avéré trop petit,  et n’ayant, par la suite plus servi pendant trente ans, les plans et les actes ont été égarés. Ce terrain fut racheté en 1855 par la Sté des Forges et des Chantiers de la Méditerranée. Un deuxième cimetière de 1,585 m2 fut acheté le 15 Frimaire de l’An 13 (1806). Les acquéreurs en étaient Isaac Abraham Costa et Isaac Tama qui conclurent l’affaire pour 4,800 Francs. Le cimetière « St Pierre »  fut cédé à la communauté par la municipalité.

La communauté de Marseille traversa sans problème majeur le XIXème siècle et à la veille de la seconde guerre mondiale, elle comptait entre 2 ou 3,000 âmes.

En 1929, un jeune rabbin, très érudit se vit confier le poste de Grand Rabbin de Marseille : il s’agissait  d’Israël  Salzer[6]  qui avait déjà exercé son office de rabbin à Dijon, un an auparavant.  A cette époque deux boucheries fonctionnaient l’une était située rue d’Aubagne et l’autre rue de la République. Un restaurant casher très connu et apprécié proposait ses spécialités rue Francis de Pressensé,  il était tenu par Mme Feuerlicht ; le second était place de l’Opéra.  Pour les matsot, il existait un four dans un immeuble situé au 160 Cours Lieutaud,  puis, par la suite il fut déplacé au sous-sol de la synagogue de la rue Breteuil. Des commandes parvenaient de plusieurs communautés dont des communautés marocaines.

Il n’existait pas de quartier juif à proprement parlé cependant, au XXème siècle après l’affaire Drumont, les Juifs qui avaient fui Oran ou Tlemcen s’installèrent plus volontiers dans le quartier de l’Opéra. Se dirigèrent vers Marseille aussi des familles fuyant la Russie ou la Pologne qui préférèrent se regrouper dans le quartier de la Joliette.

Avant la seconde guerre mondiale, la Sté Marseillaise de secours aux réfugiés accueillit beaucoup de familles en provenance d’Allemagne,  d’Autriche, de Roumanie et de Bulgarie par exemple venant s’ajouter aux familles juives en provenance de Turquie puis par la suite aussi de Grèce.  Ces personnes déplacées étaient hébergées et nourries rue des Convalescents. Une fois de plus on déplora l’étroitesse des locaux il fallut donc louer des chambres d’hôtels.

Lors de l’occupation de Marseille par les Allemands, la communauté signifia au président du consistoire qu’il semblait que toute assemblée ou réunion  s’avèrerait très dangereuse. En effet, un vendredi soir une rafle eut lieu à la synagogue de la rue Breteuil en janvier 1943 où tous les fidèles furent raflés et déportés et dont plus personne n’eut de nouvelles.

Les Allemands brûlèrent une grande partie des Archives et de la Bibliothèque consistoriale, ils endommagèrent une partie de la synagogue. C’est tout-à-fait par hasard que furent retrouvés quelques volumes d’archives chez le Bâtonnier David et la communauté fut regroupée ensuite grâce au Grand Rabbin Salzer et à Mrs Fédia Cassin et Michel Abraham.

Cet article ne saurait s’achever sans rendre un hommage – in memoriam – au Grand Rabbin Salzer qui, au péril de sa vie, après la rafle, enroula autour de son corps des sifré Torah  et couvert d’un épais pardessus se rendit sur les Allées Gambetta pour prendre un car se rendant à Cavaillon où l’attendait Mlle Mossé laquelle « prenait livraison » des sifré Torah et les enterrait, la nuit, dans le cimetière local, démontrant d’un courage et d’une témérité peu ordinaires et c’est à la Libération que les sifré Torah regagnèrent leur place dans l’arche sainte de la rue Breteuil !

Dans les années 1950 après qu’arrivèrent les Juifs de Tunisie et d’Egypte dans un premier temps, le Talmud Torah fonctionnait avec le rabbin Simon Marciano dans l’une des salles qui se trouvaient à droite en entrant dans l’enceinte de la synagogue, puis, plus tard dans les années 60,  la direction du Talmud Torah qui se développa rapidement grâce à l’arrivée des Juifs d’Algérie fut confiée à Mr Joseph Luisada et à son épouse. Des classes furent ouvertes jusqu’à l’étage situé au-dessus de la Azara (Ezratnashim) puis des « succursales » s’ouvrirent dans différents quartiers.  A l’époque aussi, fut ouverte la Yéshiva du Redon avec à sa tête le Rabbin Elie Ruimy zal. Par la suite cette Yéshiva subit un « élargissement » avec l’ouverture du séminaire pour jeunes filles la Source sous la direction du Rabbin Sénior.

Lors des offices et des mariages, une organiste jouait de l’orgue et l’ancien ministre officiant Mr Joseph Tayar[7] ponctuait les mélodies de sa voix de ténor. Tout ceci remonte à la période précédant l’arrivée à Marseille de Joseph Sitruk en 1975 qui fut désigné ensuite Grand Rabbin de France et de toute l’impulsion nouvelle qui fut donnée à la communauté avec l’arrivée non seulement  du Collel du Vallon de Toulouse avec à sa tête le regretté Rabbin Philippe Kohn et de la communauté strasbourgeoise qui le suivit mais aussi donc du Grand Rabbin Sitruk.

©Caroline Elishéva REBOUH pour Ashdodcafe.com

[1] 1135-1204

[2] Célèbre voyageur 1130-1173

[3] Mardochée Roquemartine fils de Joseph Roquemartine et Esther Millaud né en 1760  mort en ? épousa sa nièce Rousse Roquemartine née en 1770 de Moïse Roquemartine et de Sara Beaucaire. Ils eurent deux enfants (Isaac Daniel : 1791-1792  et Eve 1797- ?)

[4] L’autorisation d’achat après location fut donnée le 1er septembre 1819.

[5] Père de l’ancien Bâtonnier de l’Ordre des Avocats.

[6] Israël Salzer 1904-1990, épousa en 1932 Fanny Amiel fille de Moshé Avigdor Amiel ancien Grand Rabbin de Anvers et de Tel Aviv.  Le couple eut quatre enfants   Danielle pianiste et claveciniste, Myriam et deux garçons dont l’un est mort en bas âge et le second à l’adolescence.

[7]Auquel succéda Mr Simon Marciano puis Mr Méir Berdugo et d’autres

1 COMMENTAIRE

  1. Bonjour,

    merci pour votre article, dans lequel je retrouve le nom de Monsieur Joseph Luisada, qui vient de décéder en Israel. Si vous disposez de davantage d’informations sur l’histoire « marseillaise » de Monsieur Luisada (connu plus tard à Haguenau, où sa femme et lui dirigeaient la maison d’enfants « Les Cigognes »), je vous serais très reconnaissant de bien vouloir m’en faire part.
    Merci, bonne journée,
    Stéphan

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