L’anniversaire de l’indépendance de l’Etat d’Israël, Le Yom Haatsmaout 2015, s’est déroulé dans un contexte bien particulier, tant au plan de la politique intérieure israélienne qu’à celui de l’aire géopolitique arabo-méditerranéenne. En effet le peuple d’Israël aura célébré son indépendance alors que son gouvernement n’est toujours pas formé, ce qui donne une idée des tractations personnelles et partisanes en cours et dont il faut trouver finalement le moins fragile des points d’équilibre. Cette difficulté est-elle inhérente à tout système qui se veuille démocratique ou n’est-elle pas également le signe et le symptôme d’une certaine perte du sens des responsabilités et donc, en même temps, la perte de signification du mot indépendance? Car entre-temps, quel est le spectacle navrant et insupportable que donne l’aire géopolitique et humaine arabo-méditerranéenne?
Des centaines et des centaines d’hommes, de femmes, d’enfants, fuyant leur pays d’origine et leur lieu de naissance, quoi qu’il leur en coûte, et souvent la vie, pour atteindre les côtés d’Italie et, à partir de là, les Etats membres d’une Union Européenne qu’ils s’imaginent tels des pays de cocagne comparé à ceux qu’ils fuient: Libye, Erythrée, Soudan, et autres lieux transformés en autant de géhennes. Pourtant ces pays là comme tant d’autres à partir de 1945 sont devenus formellement indépendants et souverains, souvent après des guerres atroces et d’impressionnants transferts forcés de population. Pour s’en faire une idée, il faut rappeler que le dernier sommet européen consacré à ce drame n’a pu aboutir à un accord digne de ce nom concernant l’accueil et l’intégration sur l’ensemble du territoire européen d’environ 200,000 fuyards. Or, en 1961 et en 1962, la France devait recevoir sur son seul territoire 1,000,000 de « rapatriés » d’Algérie dont l’intégration s’est effectuée aussi rapidement que le permettait une catastrophe humaine de cette ampleur! Tout cela pour rappeler en cas de besoin et à qui de droit qu’il ne suffit pas de prononcer les mots « indépendance » et « souveraineté » pour que la chose y soit effectivement.
Un Etat n’est véritablement souverain et un peuple n’est réellement indépendant qu’à raison de l’esprit de responsabilité qui les anime continuellement dans le moindre de leurs membres. A cette fin il importe que ceux qui prétendent le gouverner s’avèrent eux mêmes animés d’un tel esprit, jusqu’à l’incandescence, que l’intérêt personnel ou partisan s’efface devant l’intérêt général. Autrement, et ce qu’au Ciel ne plaise, la sanction ne tarde guère. Ces pays se délitent comme des constructions de carton-pâte devant la violence de tsunamis politiques et militaires. Et les mers se couvrent de rafiots qui se nomment
Détresse ou Désespoir. Il faut savoir ne jamais les perdre de vue et se convaincre que toutes les récréations doivent avoir une fin, surtout lorsque le peuple auquel on appartient a lui même connu un rafiot nommé Exodus.
Raphaël Draï, Radio J, 27 avril 2015.