La valse des différents carnavals va bientôt commencer. Depuis l’antiquité, le carnaval était une institution qui permettait qu’un jour par an, l’ordre social soit inversé, le carnaval avait pour principe fondateur une prise de pouvoir symbolique par les pauvres. Les masques empêchaient une stricte surveillance et les gens revendiquaient avec effronterie leur liberté illusoire. La condition de la perpétuation du carnaval était bien sûr que l’ordre revienne à la fin des festivités qui avaient avant tout une fonction de régulation sociale.
A la même période de l’année, dans la tradition juive, Pourim est aussi l’époque des masques. La coutume est de se déguiser, d’organiser un banquet, d’y boire plus que de raison, jusqu’à ne plus pouvoir différencier le bien du mal.
Le mot persona (du verbe per-sonare : parler à travers) désigne en latin le masque que portaient les acteurs de théâtre. Carl Gustav Jung a repris ce mot pour désigner la part de la personnalité qui va permettre à l’individu de jouer son rôle et d’entrer en relation avec autrui. Jung décrit ainsi le concept: » la persona est ce que quelqu’un n’est pas en réalité, mais ce que lui-même et les autres pensent qu’il est « . Nous construisons cette « apparence » dès l’enfance. Il faut comprendre la persona comme un « masque social », une image, qui peut finir par usurper l’identité réelle de l’individu, le conduisant à se prendre pour celui qu’il est aux yeux des autres et à ne plus savoir qui il est réellement.
Cependant, Pourim se fonde sur un événement qui est à l’opposé du carnaval. Ce n’est pas une fête de régulation sociale car il n’aurait jamais été possible aux Juifs des communautés minoritaires de se prendre pour l’autorité de la ville pendant un jour, on n’inversait pas les cadres sociaux pour pouvoir laisser libre cours à ses fantasmes. Pourim relève plus du souvenir d’une dure réalité.
Cette date marque la célébration d’un retournement : la sauvegarde d’une communauté qui risquait un pogrom, et, qui contre toute attente est sauvée, affranchie. A Pourim, on célèbre un événement qui a effectivement eu lieu, défiant les lois de la logique et de la pensée rationnelle, Le nom, lui-même, Pourim, signifiant en persan destinée, sort, nous indique le mode de fonctionnement du Réel et comment celui-ci transcende la rationalité. A Pourim, on célèbre un miracle, et… on se cherche. En effet, en hébreu, la racine חפש , Khapes/Khophesh, sur laquelle se construit le mot déguisement, qui est aussi très parlant en français – déguise… ment-, signifie certes se déguiser, mais aussi bien chercher, fouiller, explorer, que liberté, affranchissement, vacances.
Le peuple juif cherche, au delà des nombreux masques qu’il a pu porter tout au long de ses pérégrinations, le sens de son exil, de son identité, de son appartenance, de sa fonction de peuple particularisé, si souvent stigmatisé au sein des autres peuples.
Dieu semble s’être caché dans l’histoire juive. Il s’est Lui aussi mis un masque. Mais contrairement aux apparences, Il n’est pas distant. Un masque est seulement nécessaire quand on est très proche mais que l’on souhaite rester caché.
Le monde, עולם , Olam, signifie aussi dans la langue du Sacré… caché, dissimulé, ignoré, oublié, secret. Le monde, Sa propre Création est Son masque. La nature voile Sa présence. Ce même monde, cette même nature a besoin d’être étudiée pour révéler Son origine. C’est, soit dit en passant, l’objet de la science. Malheureusement, le piège grossier dans lequel sont tombés les scientistes, c’est celui de la pensée douteuse qui pourrait facilement laisser croire que tout est pure coïncidence. Idéologie d’Amalek, ce peuple ennemi intime d’Israël depuis sa sortie d’Egypte, dont le nom porte la même valeur numérique – 240 – que le mot Safek, ספק , doute.
Philosophie du doute si »chère » à la culture d’aujourd’hui où rien n’a de sens ou de valeur, où tout est accidentel.
« Je ne peux pas croire que Dieu joue aux dés avec le Cosmos. Je veux connaître les pensées de Dieu, le reste n’est que détails. » nous disait Albert Einstein.
Le masque est lourd et convaincant. Mais il ne doit pas nous détourner de la quête incontournable de notre Soi, de ce que Jung nommait notre Noyau Sacré, afin de révéler la Réalité qui se cache derrière les oripeaux auxquels l’humanité semble encore tellement attachée. Que le masque de la nature voile ou révèle, cela dépend uniquement de nous…
« Toutes les religions, arts et sciences sont les branches d’un même arbre. Toutes ces aspirations sont dirigées vers l’anoblissement de la vie de l’Homme, pour la soulever hors de la sphère de la simple existence physiqueet guider l’individu vers la liberté. » Albert Einstein
Yehouda Guenassia
Yehouda Guenassia est psychothérapeute certifié en Gestalt Thérapie Analytique, il est affilié à l’Association of Humanistic Psychology.
Tel : 052-4311401 – Site: http://www.therapienligne.com