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Les wonderwomen françaises du high -tech

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Rachel Delacour, fondatrice de Bime Analytics. © Nanda Gonzague

Elles partent à l’assaut du Web, lancent leurs start-up, développent applis et logiciels. Ces conquérantes se sont fait une place de choix dans un secteur plutôt macho. Quitte à bousculer les codes… numériques et masculins.

L’iconique patronne de Yahoo!, Marissa Mayer, informaticienne, mère de famille et femme d’affaires, ne sera bientôt plus une exception, que ce soit aux Etats-Unis ou de ce côté-ci de l’Atlantique. Dans la French tech, secteur ô combien macho, où seulement un créateur sur cinq est une créatrice (un chiffre en hausse selon le décompte du Numa, association de coworking et d’accélération de projets), une relève féminine émerge. Dirigeantes de start-up, de sites, développeuses d’applis, mais aussi investisseuses et business angels, de plus en plus de femmes se font une place dans l’écosystème numérique hexagonal. Leurs success stories ont pour nom Clustree, Bime Analytics, My Little Paris ou TheFamily «Et leur réussite n’a rien d’anecdotique», affirme Catherine Barba, entrepreneuse et précurseur en matière d’e-commerce (sur le principe des réductions proposées chez des marchands partenaires, elle a fondé Cashstore.fr, l’un des premiers sites de cashback en France dès… 2004) et aujourd’hui investisseuse. «C’est toute une génération de businesswomen qui émerge, souligne-t-elle. Le numérique rebat les cartes et favorise l’égalité des chances. Ce n’est pas un univers aussi masculin que les médias ou l’industrie. Tout reste à inventer».

« Il n’y a pas de plafond de verre. En France, pour une femme, il est maintenant plus facile de monter sa boîte que de faire carrière dans un grand groupe», confirme Tatiana Jama, cofondatrice avec Lara Rouyres de Selectionnist, une plateforme de vente en ligne, dont le moteur de recherche référence les vêtements et accessoires de mode évoqués dans une vingtaine de magazines. A 31 ans, cette ancienne d’HEC en est déjà à sa deuxième société. Dealissime, la première (créée avec la même associée), a été revendue à Living Social, le principal rival de Groupon. Pour Selectionnist, elle vient de boucler une levée de fonds de 2 millions d’euros. Elle investit aussi dans d’autres start-up, à titre personnel, et participe à des conférences au Numa ou chez Ubifrance en tant que membre du réseau Girlz in Web.

Geek ? Non merci. La vigueur de leurs réseaux témoigne d’ailleurs du dynamisme des femmes dans le numérique. Depuis quelques mois, plusieurs clubs et associations ont vu le jour : Girls in Tech, Cyberelles… Leur but : rompre avec l’image du geek et imposer des modèles féminins pour susciter des vocations. Les Girlz in Web ont même lancé un annuaire en ligne, Les Expertes du numérique, qui les répertorie selon leur spécialité : mobile, storytelling digital, Javascript, cloud computing, etc. «En un mois, une quarantaine ont été contactées, soit pour des missions, soit pour intervenir dans des colloques», se réjouit Marine Aubin, sa coprésidente. Qui a dit que les filles ne savaient pas coder ? Dans le high-tech, elles ne sont pas seulement à la tête de sociétés, elles travaillent aussi dans la partie technique. D’ailleurs, les codeuses en langage Java ont leur propre réseau. Duchess France met ainsi à l’honneur des personnalités emblématiques (des role models) et forme des «speakeuses» pour intervenir dans des forums internationaux. «Les femmes doivent échanger, s’entraider et, surtout, se mettre plus en avant», confie Amira Lakhal, l’une de ses membres.

Car, même quand elles réussissent, elles doivent affronter les préjugés. Avec le succès de sa plateforme de cagnotte en ligne, Leetchi, Céline Lazorthes n’a plus grand-chose à prouver sur sa capacité à diriger une société avec brio. Et pourtant. «Lorsque je rencontre des partenaires ou des investisseurs, il arrive encore qu’ils s’adressent à mon collaborateur, raconte-t-elle. Je le prends avec humour et leur propose de leur servir le café !»

Même expérience pour Pascale Vicat-Blanc, à la tête de CloudWeaver, une start-up basée à Lyon et à San Francisco. Docteure en informatique, spécialiste des réseaux à haut débit et des grilles de calcul, cette pointure s’est imposée dans l’univers très technique (et très masculin) de la dématérialisation dans le cloud. Ce qui ne l’empêche pas d’être parfois regardée de haut par ses clients. «Ce n’est pas sur mes compétences que je suis remise en question, c’est sur ma fiabilité. Les hommes se demandent s’ils peuvent faire confiance à une femme pour gérer une entreprise.»

Branchée, et alors ? Pour ce qui est des a priori, ce sont les investisseurs et les banquiers d’affaires qui détiennent la palme. «Un jour, un business angel nous a avoué que lorsqu’il a vu arriver dans son bureau deux nanas un peu fashion il n’a pas imaginé que notre projet serait aussi bien ficelé. Mais, au final, il a quand même investi», raconte, amusée, Hannah Oiknine, 25 ans. Avec sa sœur de 29 ans, Sarah Azan, elle a créé Babbler, une agence numérique de relations de presse. Et si les préjugés sont tenaces dans cet univers, ces représentantes de la jeune génération ne s’en offusquent pas. Au contraire, elles en jouent. Ainsi, deux mois après la mise en ligne de la version bêta de leur site, en octobre 2012, elles signaient déjà des contrats clients et communiquaient à tout-va : oui, elles sont sœurs ; oui, elles aiment la mode, et non, elles ne comptent pas renoncer à leur look branché. Ce qui détonne dans ce milieu. Avoir créé une start-up qui monte en étant une jeune femme suffit, de toute façon, à vous différencier. «On m’a conseillé d’insister sur ma féminité dans ma communication, car c’est un élément destorytelling qui apporte un surcroît d’originalité à l’aventure», confirme Bénédicte de Raphélis Soissan, 27 ans, la patronne de Clustree. Sa société édite une solution de croisement de données pour le recrutement et les ressources humaines.

Reste que si les filles sont moins nombreuses que les garçons dans le high-tech, c’est surtout parce que ce domaine d’activité a encore largement mauvaise presse auprès d’elles ! «Quand je dis à mes amies que je travaille dans le digital, elles me traitent de geek. Le numérique continue de souffrir d’une mauvaise image», assure Fadhila Brahimi, consultante et coach pour start-up. «Le cliché du technophile mutique, l’œil rivé sur son écran, a la vie dure et rebute les jeunes filles», confirme Véronique di Benedetto, la présidente du réseau Femmes du numérique. Voilà pourquoi 45% des titulaires d’un bac scientifique ou techno logique sont des filles. Elles ne sont plus que 27% sur les bancs des écoles d’ingénieurs et 10% dans les écoles d’informatique, selon les chiffres du ministère de l’Education nationale.

Se censurer, plus question ! Face à cette fuite des compétences, le Syntec numérique (le syndicat professionnel) se rend dans les classes pour présenter aux lycéennes les métiers les moins techniques : community manager, responsable e-market, designer digital… La Web@cadémie, qui forme aux métiers du Web, s’est associée, elle, à Microsoft pour permettre à des collégiennes parisiennes de rencontrer des créatrices de start-up dans le cadre de la journée DigiGirlz. «Les jeunes filles s’autocensurent, même celles qui sont douées», constate Sophie Viger, sa directrice. Un gâchis, à l’heure où il manque de 30.000 à 40.000 développeurs Web en France.

Julie Krassovsky

En chiffres

28 % de femmes dans les entreprises numériques, selon le Syntec.

10 entrepreneuses sur 128 start-up de l’incubateur Paris Région Lab.

10 % de filles dans la promotion 2013 de l’école 42, fondée par Xavier Niel, et qui forme des développeurs.

Rachel Delacour (Bime Analytics) : entrepreneuse baroudeuse entre France et Kansas

«Avec Internet, le terrain de jeu est planétaire», s’amuse Rachel Delacour. La dirigeante, qui partage son temps entre le sud de la France et les Etats-Unis, a su frapper aux bonnes portes. En 2009, elle parie sur une version en anglais du logiciel de business intelligence dans le cloud qu’elle vient de mettre au point avec son mari, et la présente à Microsoft et à Oracle (pourtant des concurrents), qui se montrent intéressés. «Il me fallait juste un ou deux avis encourageants pour me confirmer que j’étais sur la bonne voie.» Dans la foulée, elle négocie un partenariat avec Google et lève 500.000 euros auprès de business angels américains. Fin 2013, elle ouvre une filiale à Kansas City, en plein cœur de la Silicon Prairie, la nouvelle place high-tech du Midwest. Un choix stratégiqueb: «Cette implantation entre New York et San Francisco nous livre un accès facile aux deux côtes.» Le tout en conservant sa R&D dans l’Hérault.

Bénédicte de Raphalis Soissan (Clustree) : créatrice culottée d’une société financée par Xavier Niel

Il y a un an à peine, elle a eu l’idée d’appliquer le big data à la recherche de talents en entreprise. Sa solution aide les grands groupes à repérer leurs potentiels inexploités en interne grâce au matching de profils et à l’analyse de millions de données internes et externes (recueillies notamment sur les réseaux sociaux). Sûre de la pertinence de son projet, la jeune femme s’est lancée seule, sans bêta-test ni plateforme Web. «J’ai juste fait réaliser par une graphiste des visuels montrant à quoi pourrait ressembler mon outil.» A l’époque, elle vient d’achever une mission de conseil RH chez GDF Suez. Et leur propose donc sa solution. Résultat, le pilote est vendu avant même que le produit existe. Tout s’enchaîne très vite : l’accélérateur TheFamily lui ouvre son réseau. Et, en deux mois, elle séduit des soutiens prestigieux (le fonds Alven Capital et les investisseurs Xavier Niel, Jean-David Blanc et Frédéric Montagnon) et lève 600.000 euros.

Alice Zagury (TheFamily) : marraine de 200 start-up

PDG de TheFamily, un accélérateur de start-up qu’elle a cofondé avec Oussama Ammar et Nicolas Colin, Alice Zagury parle sans fioritures. «Je ne suis pas un modèle de politesse ni de tact. Cela décomplexe les nanas.» Emblématique de cette nouvelle génération d’entrepreneuses qui n’endossent pas un costume d’homme pour réussir, elle n’envisageait pourtant pas de prendre la direction de la société. «Mais mes associés m’ont dit : «La patronne, c’est toi !»» En deux ans, elle se retrouve à la tête d’une société de 20 personnes. L’équilibre financier est atteint grâce aux ressources issues des formations. A raison de 3% du capital, l’accélérateur est aujourd’hui actionnaire de 200 start-up. Seules 9 sont dirigées par des femmes. Alice se console avec les 45% de participantes aux formations qu’elle délivre.

Les réseaux qui comptent

Girls in Tech Paris. Branche française du réseau basé à San Francisco. Au menu : miniconférences, happy hour networking et cours de codes : gitparis.com

Girlz in Web. Propose l’annuaire Les Expertes du numérique :girlzinweb.com

Femmes du numérique. Soutient des créatrices et finance des étudiantes scientifiques : femmesdunumerique.fr

Pasc@line. Sensibilise lycéennes et étudiantes aux métiers du numérique : assopascaline.fr/pascaline

Les Duchess. Club de programmeuses : duchess-france.org

Et aussi: Cyberelles ; Girl Power 3.0 ; Les Femmes du Web ; Dehors les petits.

http://www.capital.fr/

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