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France : Rester ou s’en aller ?

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Commenter sur le vif des événements aussi violents, intenses et d’aussi vaste dimension que ceux de ces jours derniers serait plus que présomptueux. Il faut attendre que la mer se retire pour découvrir ce qu’elle nous aura donné à voir. Dimanche des millions de personnes se sont réunies pour protester contre la tuerie de « Charlie Hebdo », le meurtre de policiers et sans doute aussi l’assassinat de sang froid des clients chabbatiques de l’« Hyper cacher » de Vincennes. Les mesures annoncées par le ministre de l’intérieur, entouré de ses collègues européens, prendront du temps avant de passer en force de loi et surtout d’être appliquées. D’ici là, le calcul des intérêts partisans et la politique politicienne comme on la nomme reprendront leurs droits avec en perspective les prochaines échéances électorales.

Mais c’est essentiellement dans la communauté juive qu’un autre débat a été relancé à la suite de ces carnages et il porte sur la possible décision de âlya de nombreux membres de cette communauté. Ce débat n’est guère simple et il faut veiller à ne pas l’envenimer. Idéologiquement d’abord soit en imaginant qu’une décision de cette portée se prenne sur simple claquement de doigts, soit à l’opposé en décrétant que la vocation des Juifs de France est de vivre en France, quitte à reconstituer l’idéologie qui prévalait dans le judaïsme de la fin du XIXème siècle au temps où ses élites parisiennes croyaient devoir rebuter les démarches de Theodor Herzl.

Surtout les Juifs de France sont de libres citoyens et ils ont le droit infrangible de décider quel sera leur avenir: rester en France, en dépit des attentats récurrents et d’un mode de vie de plus en plus assimilé à la roulette russe; émigrer où ils le souhaitent afin de préserver l’avenir de leurs enfants et des enfants de leurs enfants; ou, en effet, accomplir leur âlya, ce qui relève d’une décision autant spirituelle que corporelle, si l’on pouvait ainsi parler. Dans tous les cas ce choix doit être compris et le cas échéant soutenu. Car – faut-il le répéter? – la ligne de clivage ne passe pas entre ces trois options possibles mais entre ceux et celles qui se trouvent en mesure de leur donner suite et les autres, parce qu’ils sont privés de ressources et que parfois ils peinent à survivre au jour le jour dans des quartiers ou des zones dont les premiers n’ont même pas l’idée.

C’est surtout à ceux-là qu’il faut faire attention au sens politique et éthique, en dehors de tout a priori idéologique au titre d’un sionisme purement cérébral ou d’un franco-judaïsme de style Napoléon III. Puisque le Premier ministre israélien est à Paris accompagné par une importante délégation ministérielle, et qu’il doit rencontrer la communauté juive, il importe sans doute qu’une franche clarification se produise avec les principaux leaders, religieux ou non, de cette communauté prise entre le piège d’un nouveau ghetto, serait-il interne à la République, et l’incertitude d’un départ sans point d’arrivée précis. Plus que jamais, en ces temps de désarroi, les responsables de la communauté juive doivent mériter le titre qui les désigne et auquel ils ont, de leur propre chef, prétendu.

Raphaël Draï, Radio J, le 12 janvier 2015.

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