Chacun se souvient que cet été, après les violentes manifestations de rues anti- israéliennes à Paris et en province et après des attaques insensées de synagogues, l’attention des pouvoirs publics s’est portée sur ces familles juives de France ayant pris la décision de la quitter. Et aussitôt de se récrier en assurant que la citoyenneté des Juifs français restait pleine et entière, que leur sécurité serait renforcée, que ce serait un échec du régime républicain en soi si ces départs surtout en direction d’Israël devenaient encore plus nombreux.
Quatre mois après ces émouvantes déclarations, renforcées par quelques belles âmes du judaïsme de France, où en sommes nous? Le Parlement français s’apprête à voter une résolution qui tend pour l’essentiel à la reconnaissance unilatérale d’un Etat palestinien et à la division de Jérusalem. On a déjà souligné en quoi un pareil projet de résolution soulignait le dévoiement des institutions de la Vème République et une ingérence inadmissible dans les décisions vitales de la démocratie israélienne. Il n’empêche que ce vote semble inexorable quels que soient les sourdines dont on l’assortira et les fausses fenêtres dont on l’ornera. Il restera à mesurer son impact sur l’immense majorité de la communauté juive de France dont ni le Président de la République ni le Premier ministre ni nombre de parlementaires ne peuvent ignorer les sentiments à cet égard et leur profonde désapprobation face au principe même d’une telle résolution dont le contenu, tel qu’il se pressent, s’annonce d’une hypocrisie consommée.
Dans ces conditions, il s’agit d’être conséquent. L’on ne peut d’une part sur-assurer les Juifs de France qu’ils sont des citoyens à part entière et d’autre part intervenir au Parlement comme si leur présence était devenue insignifiante. Face à une pression tellement irréversible quelle issue leur reste t-il en effet pour manifester cette désapprobation, sinon de songer au départ et parfois même de déjà s’en aller, le sentiment d’insécurité physique s’ajoutant à celui d’une marginalisation politique patente de plus en plus périlleuse? A n’en pas douter cette communauté s’interroge les yeux grands ouverts et en toute lucidité sur les voies de son avenir et personne de bonne foi ne saurait lui en faire grief.
On dira qu’il y a là bien du désistement et que la défense de la République commande d’autres attitudes. On en discutera, sauf que cette fois ce n’est pas la furie de la rue qui est cause mais le Parlement proprement dit dont le vote s’il se confirme dans les termes que l’on redoute équivaudrait à un véritable passage à l’acte contre l’Etat d’Israël sous couvert d’amitié et de souci pour sa sécurité. C’est en ce sens que pour la communauté juive France les votes qui doivent avoir lieu bientôt successivement à l’Assemblée nationale puis au Sénat n’auront pas seulement un impact psychologique et politique majeur. Ils marqueront également pour beaucoup la bifurcation historique des chemins de leur futur le plus proche.
Raphaël Draï, le 17 novembre 2014