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LE SENS DES MITSVOT: CHELAH’ LEKHA

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« L’Eternel parla à Moïse en ces termes: « Parle aux enfants d’Israël et dis leur de se faire des franges (tsitsit) aux coins de leurs vêtements (âl kanphé bigdéhem), dans toutes leurs générations et d’ajouter à la frange de chaque coin un fil d’azur (petil tékhélet) (…) afin que vous ne vous égariez pas à la suite de votre cœur et de vos yeux qui vous entraînent à l’infidélité (zonim ah’aréhem) » (Nb, 15, 37 et sq).

Cette paracha relate l’une des péripéties les plus tragiques de la Traversée du désert. Le groupe des chefs d’Israël envoyés par Moïse pour explorer la terre de Canaan en revient avec des paroles amères de découragement au point de provoquer la désespérance éplorée du peuple. La sanction divine conduira plus tard à rien de moins qu’à la future destruction du Temple de Jérusalem.

Pourtant sanction ne signifie pas damnation et lorsque dans le peuple une faille se révèle, aussitôt suit la prescription destinée à y remédier. En l’occurrence, il s’agit de celle concernant la contexture des vêtements que devront porter désormais les Bnei Israël afin de ne plus faillir à leur vocation. Contexture éminemment symbolique dont il faut comprendre le sens intime et son impact sur la définition des conduites et des comportements qui éviteront la répétition de la défaillance mise en exergue.

Aux quatre coins de leurs vêtements, homologues aux quatre directions de l’espace, les Bnei Israël devront désormais attacher des franges nommées en hébreu tsitsit. Ce mot est formé par le redoublement de la racine TS qui signifie ouverture, émergence, bourgeonnement, mais aussi lancer et trajectoire. Autant dire que dès le moment où ils se revêtent d’un tel vêtement, les Bnei Israël prennent conscience qu’ils se situent non pas dans un espace clos et statique mais en un espace vectorisé dans lequel il leur appartient de s’orienter, alors que le groupe premier des explorateurs les avait à la lettre désorientés, l’on dirait presque déboussolés.

Par la même cet espace dynamique s’oriente à son tour. D’espace strictement territorial, il devient espace spirituel et riche d’événements dans lequel un avenir se dessine tandis qu’un destin fixé d’avance, celui de l’esclavage rémanent, s’y efface progressivement. Le redoublement de cette racine signifie que ces événements là seront tout sauf impulsifs. Dés qu’ils se produisent ils sont investis par une pensée réflexive qui en fera paraître puis consolider le sens. Cette symbolique peut ainsi être qualifiée de symbolique concrète parce qu’elle se confirme par la confection proprement dite de ces tsistis mémoriels.

Chacun d’eux en effet est formé d’abord par quatre fils continus. On les fait passer et pendre ensemble à chacune de leurs extrémités par une ouverture ménagée à chacun des coins du vêtement. Huit fils dédoublés se retrouvent alors en attente de leur fixation. Celle-ci va consister à les réunir ensuite selon le schéma suivant, à partir de la dite ouverture: en quatre segments, de dimension différente, du plus bref jusqu’au plus long, séparés et unis chaque fois par un nœud, un kecher. Pourquoi un tel schéma?

Précisément parce qu’il donne à penser. Le redoublement initial des quatre fils rappelle qu’il n’est de réalité que placée sous le signe de la lettre Beth, qui désigne la dualité et l’altérité au sens éthique. Que les quatre segments du tsitsit ainsi conçu ne soient pas de la même dimension rappelle que toute réalité est une suite ou une combinaison de continuité et de discontinuité. De ce point de vue, la confection des tsitsit se corrèle à un autre mémorial: la sonnerie du chofar, elle aussi constituée par une combinaison de séquences discontinues (téroua, chevarim) et continues (tékiâ).

Cependant, pour que l’unité de l’ensemble soit préservée, il importe que ces segments soient réunis. Ils le seront par des nœuds. Qu’est ce qu’un nœud ? A la différence de l’entrave, un nœud se noue et se dénoue. Il symbolise simultanément l’attachement et la possibilité de se détacher mais sans rupture ni déchirure et devient symbole à la fois de responsabilité et de liberté.

Enfin, en chaque tsitsit se faufilera un fil spécifique, azuréen. Son nom est à lui seul programmatique puisque tékhlélet se réfère à takhlit qui signifie objectif, destination, finalité. Un vêtement configuré de la sorte n’est plus destiné seulement à protéger le corps des atteintes du froid ou de la chaleur. Il inscrit ce corps dans une histoire où chaque pas marque non pas un simple déplacement mais également un dépassement de soi.

Il s’agit juste de ne jamais l’oublier en chemin, surtout lorsque celui-ci est long, sans terme fixé d’avance, pourtant sans l’être jamais autant que la longanimité divine.

R.D.
http://raphaeldrai.wordpress.com/

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