Semaine du 9 au 14 juin 2013
LA TENSION MONTE ENTRE ISRAËL ET LA SYRIE
La presse israélienne a largement relayé cette semaine le regain de tension enregistré à la frontière syrienne. La semaine dernière, des chars syriens sont entrés dans la ville de Quneitra (située à moins de 200 mètres de la frontière israélienne) pour la première fois depuis la guerre de Kippour. L’armée syrienne avait pénétré dans la zone démilitarisée de
Quneitra afin de reprendre le contrôle de ce poste-frontière qui avait été occupé par les insurgés. Tsahal a déposé plainte auprès de l’ONU pour violation des accords de cessez-lefeu. Le Haaretz a par ailleurs révélé que Tsahal aurait adressé un message de mise en garde à l’armée syrienne par l’intermédiaire de la FNUOD (Forces des Nations Unies chargées
d’observer le désengagement). Ces tensions interviennent alors que des rebelles syriens ont pénétré dans des enclaves contrôlées par Israël à deux reprises la semaine passée, faisant craindre à Tsahal des tentatives d’enlèvement de soldats.
A la suite de cet incident, les troupes autrichiennes de la FNUOD ont annoncé leur intention de se retirer de la zone tampon, provoquant l’inquiétude de l’ONU et du ministère des Affaires étrangères israélien, qui recherchent d’ores et déjà des troupes afin de pouvoir maintenir la FNUOD. Suite à cela, le Premier ministre Benyamin Netanyahou a annoncé lors de l’ouverture du conseil des ministres que le délitement des forces de l’ONU sur le Golan confirmait la position d’Israël de ne pas fonder sa sécurité uniquement sur des forces internationales de maintien de la paix. Lors de la réunion de la commission des Affaires étrangères et de la défense de la Knesset, le Premier ministre a souligné l’émergence d’un
« nouveau Proche-Orient, mouvementé, agité et particulièrement explosif » qui se manifestait sur la frontière nord d’Israël.
Il a également rappelé la détermination israélienne à ne pas laisser les armes livrées par la Russie tomber entre les mains du Hezbollah. Peu après la publication des déclarations de Netanyahu, le journal libanais El Akhbar faisait part
des propos de Bashar Al-Assad à des hommes politiques jordaniens concernant l’éventualité d’un conflit avec Israël : « L’ouverture d’un front face à Israël sur le Golan est une décision très sérieuse. La Syrie ne réfléchit pas en termes d’opposition naïve à des fins déclaratives, qui s’exprime par des tirs sporadiques de roquettes primitives et laisse à l’ennemi l’occasion de réagir et de prendre l’initiative. La Syrie réfléchit en termes d’opposition réelle, mûrement
préparée et significative ».
Alors qu’Israël craint un embrasement à la frontière syrienne, le Secrétaire Général des Nations-Unies Ban Ki-Moon a prévenu mercredi que les affrontements dans le Golan mettaient en danger la trêve israélo-syrienne, préconisant l’envoi de forces supplémentaires de maintien de la paix dans la région. Cette déclaration intervient alors que l’Autriche a fait retirer les 70 premiers casques bleus sur les 378 dont elle dispose dans le Golan. La décision autrichienne fait
craindre un retrait d’autres contingents de la FNUOD, qui compte un millier de soldats, alors que l’Inde et les Philippines ont déjà exprimé leurs inquiétudes quant à la sécurité de leurs soldats, et que le Canada, le Japon et la Croatie avaient eux aussi retiré leurs troupes.
« Désormais tu auras plus de temps pour ton Bachar »
Caricature de Yotam Fishbein dans le Yediot Aharonot
LES RUSSES ALIMENTENT LE CONFLIT / ALEX FISCHMANN – YEDIOT AHARONOTH
Lorsque le Premier Ministre Benyamin Netanyahou a menacé Bashar Al-Assad hier dans sa déclaration au Comité pour les Affaires étrangères et la Défense, il s’adressait en réalité au Président russe Vladimir Poutine. Israël est préoccupé par les menaces d’Assad d’embraser le plateau du Golan, mais ce qui a réellement provoqué l’insomnie des responsables de la sécurité israélienne est surtout l’attitude des Russes.
Les Russes se sont comportés comme des pyromanes en Syrie. […] Ils ont délibérément franchi les lignes rouges qu’Israël avait établies, ont torpillé les intérêts clair des Israéliens, et ne se préoccupent pas le moins du monde des conséquences que tout cela entraîne. Les autorités israéliennes essaient de comprendre ce que les Russes sont en mesure de faire, jusqu’où ils peuvent encore aller et quels dommages supplémentaires ils pourraient provoquer. […]
Attiser le feu n’implique pas nécessairement d’utiliser des missiles anti-aériens S-300. […]
Plus tôt cette année, une cargaison de missiles SA-17 a été attaquée en Syrie. Il n’y a pas l’ombre d’un doute : lorsque les Russes ont conçu ces missiles sur leur base navale de Tartous, ils savaient que cet équipement était destiné à être livré au Liban, ou, en d’autres termes, au Hezbollah. Quelqu’un a alors pensé que si ces missiles étaient détruits, le message serait suffisamment clair et que les Russes cesseraient de saper les intérêts israéliens. Cela n’a pas fonctionné. Les Russes continuent d’expédier des équipements militaires lourds en Syrie, en sachant pertinemment que ces armes seront remises au Hezbollah. Comme pour répondre à Israël : et là qu’allez-vous faire ? Bombarder à nouveau ?
Les réclamations et les requêtes qu’Israël a formulées à Poutine sont tombées dans l’oreille d’un sourd. Les ours russes savent déceler la faiblesse. Derrière Israël se tiennent les ÉtatsUnis, dont les menaces paraissent vaines aux yeux des Russes. Ils ne croient pas aux avertissements des Américains sur l’Iran ou la Syrie. L’assurance des Russes se manifeste
aussi dans la proposition de Poutine d’envoyer 400 troupes russes pour remplacer le contingent autrichien de casques bleus de l’ONU, qui doit partir du Golan. Lorsqu’on lui a appris que cela contredirait les conventions internationales, le Tsar russe a répliqué que cet arrangement datait de la Guerre Froide et nécessitait un aménagement. Et il ne se contente
pas de faire des déclarations. Au début du mois de juin, un détachement naval permanent a été déployé dans la mer Méditerranée, comprenant 20 navires de guerre ainsi que des avions.
L’arrogance russe a contaminé Assad, et lui aussi commence maintenant à menacer Israël de représailles. Alors que Netanyahou peut-il encore faire ? Menacer en retour. Peut-être quelqu’un finira-t-il pas s’alarmer.
Caricature de Shlomo Cohen dans Israel Hayom
LA COALITION DIVISEE SUR LA QUESTION DE DEUX ÉTATS POUR DEUX PEUPLES
Trois mois après la création du 33ème gouvernement israélien, la tension monte au sein de la coalition et le fossé semble se creuser entre ses ailes gauche et droite sur la question de la colonisation de la Cisjordanie et de la solution de deux États pour deux peuples.
Cette semaine a vu la cérémonie d’inauguration (comme cela se fait lors de chaque législature) du lobby pour le Grand Israël, plus grand lobby parlementaire, auquel 39 députés ont déjà adhéré, pour la plupart issus du Likoud-Beiténou et du Foyer Juif, mais également des partis ultra-orthodoxes qui font à présent partie de l’opposition. Deux députés de la
formation centriste Yesh Atid ont également pris part à cet évènement inaugural, bien que leur parti – et eux en personne – se soient engagés en faveur de la solution de deux États.
L’un d’entre eux, l’ultra-orthodoxe modéré Dov Lipman, a expliqué sa présence par son amour pour la terre d’Israël, tout en reconnaissant la nécessité de faire des concessions territoriales pour parvenir à la paix.
Aucun ministre du Likoud n’était présent à cette manifestation, vraisemblablement parce que le Premier ministre Netanyahou le leur avait interdit suite à l’embarras provoqué la semaine dernière par l’interview accordée au site internet Times Of Israël par le ministre adjoint à la Défense, Dany Danon, qui déclarait que le gouvernement actuel s’opposait à la création d’un État palestinien. Deux ministres du Likoud, Limor Livnat et Gideon Saar, ont néanmoins
envoyé des lettres de soutien. Le ministre de l’Économie, Naftali Bennet, a déclaré à cette occasion que l’objectif du lobby est de faire valoir une vision alternative à celle des deux États. Selon lui, la colonisation est justifiée « par notre droit sur la terre d’Israël (…) Il faut arrêter d’en avoir honte. La Judée-Samarie est à nous, non parce qu’elle défend la région de Tel-Aviv, mais parce que Avraham notre père s’y promena ».
Du côté centre-gauche, Tzipi Livni a appelé cette semaine à la formation d’un bloc parlementaire au sein de la coalition qui sera composé de son parti Hatnua (6 sièges) et de Yesh Atid (19 sièges) afin de promouvoir la solution de deux États et faire pression sur le Premier ministre pour qu’il avance dans ce sens. Selon sa proposition, les deux partis devaient tenir des réunions régulières conjointes consacrées au processus de paix. Toutefois, cette initiative semble désormais caduque, Yesh Atid ayant pris ses distances avec elle sous prétexte qu’il n’a pas été consulté avant sa révélation dans les médias et qu’à l’heure actuelle, mieux vaut laisser aboutir l’initiative de John Kerry.
Malgré cet échec, les députés « colombes » de la coalition continuent à exprimer leur mécontentement face à la politique du gouvernement, notamment cette semaine où la construction de 538 nouveaux logements dans la colonie d’Itamar a été annoncée, ce qui quintuplerait sa taille actuelle. Lors d’une conférence organisée par le « Centre pour un 6
renouvellement démocratique » avec des intervenants de droite et de gauche, c’était le député « colombe » Ofer Shelah de Yesh Atid qui a marqué les esprits et a créé un grand émoi lorsqu’il a déclaré que « l’occupation corrompt (…) la société israélienne, Tsahal, la justice israélienne, les médias israéliens, la conscience israélienne et le langage israélien », et que « les colonies constituent un obstacle à un accord de paix. Israël devient petit à petit une nouvelle Afrique du Sud ». Le président de la coalition et co-président du lobby pour le Grand Israël, le député (Likoud) Yariv Lévine, lui a répondu : « les Juifs ne sont pas des occupants en Terre d’Israël. (…) Le projet de la colonisation est la base du sionisme, et la seule garantie de notre existence en paix et en sécurité. Il est juste, et c’est pour cela qu’il vaincra et surmontera ses opposants extérieurs comme intérieurs ».
LE ROI NU / SHIMON SHIFFER – YEDIOT AHARONOTH
Cela ne fait aucun doute : la ministre de la Justice, Tzipi Livni, qui a rejoint le gouvernement après s’être laissée convaincre de la bonne volonté du Premier ministre Netanyahou de relancer les négociations en vue d’un accord de paix avec les Palestiniens, se trouve actuellement à la croisée des chemins. Si elle persiste et reste au gouvernement, elle risque de devenir la risée de la classe politique en s’imposant comme le symbole de la droiture qui se marie avec la complaisance.
Le vice-ministre de la Défense, Dany Danon vient en fait de révéler la vérité, qui était déjà bien connue de tous ceux qui ont suivi de près la formation de la liste Likoud-Beteinou : le parti au pouvoir n’envisage aucunement de donner vie à la proposition d’un accord reposant sur deux Etats, Israël et la Palestine. Danon joue le rôle du jeune garçon du conte
d’Andersen, Le Roi nu, qui refuse de participer à la tromperie générale et déclare que le roi est bien nu !
On affirme en coulisses que les propos sans ambages de Danon ont pour but de promouvoir sa candidature à la tête du Comité central du Likoud. Mais son affirmation est vraie : le Likoud d’aujourd’hui n’est prêt à aucune concession, sur aucune région d’Israël. De même, Zeev Elkine s’exprime ouvertement contre la solution de deux Etats et soutient que l’objectif du gouvernement actuel est de rejeter la responsabilité de l’échec de l’initiative du Secrétaire d’Etat américain, John Kerry, sur les Palestiniens. Et ce n’est pas tout : Netanyahou refuse à ce stade de répondre aux suppliques de Kerry et de concéder des gestes de bonne volonté en faveur des Palestiniens.Nous restons donc avec Tzipi Livni, qui s’efforce encore de proposer aux Américains des idées qui pourraient aboutir à quelque chose. Je parie que Livni comprendra d’elle-même qu’il n’y a plus lieu de tenir le sceptre du Roi nu, et décide d’elle-même de quitter le gouvernement.
LE SUICIDE SPECTACULAIRE / ARI ARVIT – HAARETZ
Peu de médias ont relevé que, durant le premier trimestre 2013, 865 constructions avaient débuté dans les colonies. Cela correspond à une augmentation de 176% par rapport au premier semestre de l’année passée, et à une augmentation de 355% par rapport à la totalité de l’année 2012. Bien que les colons représentent seulement 4% des israéliens, sur
100 logements construits cette année, 8,5 l’étaient dans les colonies. Alors que dans l’Etat d’Israël, le nombre de nouvelles constructions diminue, elles continuent en Judée-Samarie au rythme le plus haut depuis sept ans.
La tendance est claire. Le nombre de colons a augmenté dramatiquement en un laps de temps très court, de même que leur capacité à bloquer toute tentative de partage du territoire. Si cela se poursuit de cette façon, le gouvernement Netanyahou-Lapid-Bennet mettra un terme à la solution des deux Etats, à l’Etat Juif démocratique, et au rêve sioniste.
Ce n’est pas une question de paix. Dans les années à venir, il n’y aura pas de paix entre Israël et les Palestiniens. Ce n’est pas non plus la question d’un retrait total et immédiat. Dans les années à venir, Israël ne pourra pas rendre la Cisjordanie aux Palestiniens avec la même précipitation qu’ils l’ont fait pour la Bande de Gaza. La vraie question est celle de la survie.
Est-ce qu’Israël arrêtera à la dernière minute d’inonder les territoires occupés avec des colons ? Est-ce que l’entreprise sioniste conserve l’option de retourner en arrière pour devenir une entreprise morale ? Est-ce que l’Etat Juif choisit la vie, ou préfère se dissoudre inconsciemment dans une occupation qui menace de devenir éternelle ?
Jusqu’à maintenant les réponses sont claires : non, non et non. Le Likoud et Danny Danon préfèrent la « Terre d’Israël » à l’ « Etat d’Israël ». Le Foyer Juif de Naftali Bennet est déterminé à noyer le foyer national juif dans le marécage de la décadence coloniale. Yesh Atid (« Il y a un avenir ») de Yair Lapid est en train de se transformer en l’un de ces partis
opportunistes, tournant le dos à l’avenir sioniste. Comme l’a dit la Présidente du parti Travailliste Shelly Yachimovitch à la Knesset, maintenant que les partis Travaillistes-MeretzKadima siègent dans l’opposition, le gouvernement de droite-droite-droite est sur le point d’instaurer une réalité binationale qui serait irréparable.
Du point de vue des colons, tout va bien. Leur situation n’a jamais été aussi confortable. La communauté internationale intériorise lentement le fait que le problème fondamental du Moyen-Orient n’est pas le conflit israélo-palestinien, mais la culture politique pathologique du Monde arabe. […] A l’heure actuelle, il n’y a aucun pouvoir, à l’intérieur ou à l’extérieur d’Israël, qui peut forcer Israël à se sauver lui-même de ses colons. Le plus important ministre du gouvernement – le ministre du Logement et de la Construction, Uri Ariel – peut donner suite à l’élan initié au premier trimestre de l’année. Le gouvernement du « non-avenir » le laissera continuer à battre des records en Judée Samarie. Tandis que 20 ministres sont engagés dans toutes sortes d’absurdités, le ministre du Logement enterre le sionisme sur les collines.
Cependant, du point de vue des israéliens, cela ne va pas bien. Pas bien du tout. Il est vrai qu’il y aura bientôt un budget, qu’il y aura bientôt « un partage équitable du fardeau », et qu’un très bel été s’annonce en perspective. Les restaurants le long de la côte seront pleins et les discothèques de Tel-Aviv seront plus dynamiques que jamais. Mais le fait qu’en 2013,
les Israéliens n’aient toujours pas de parti politique sain qui les protègent contre les colonies signifie qu’alors même qu’ils vivent dans l’insouciance, ils se dirigent à pas de géant vers leur mort. Ils ont beau avoir gagné, ils se suicident tout-de-même. Ce pays a, dans le passé, connu un certain nombre de suicides. Mais jamais il n’y eut de suicide plus spectaculaire, plus doux ni plus inutile que le suicide silencieux qui est en train de se commettre maintenant.