Capital : Les retraites complémentaires vont-elles diminuer ?
Philippe Crevel : Oui, du moins par rapport à l’évolution générale des prix. Les syndicats ont en effet accepté que les régimes complémentaires (qui versent 40 à 70% des pensions) soient partiellement désindexés. Jusqu’à présent, leurs prestations suivaient en effet scrupuleusement le rythme de l’inflation. Mais depuis avril et pour trois ans, elles grimperont de 1 point moins vite que les prix (sauf si l’inflation passe sous les 1%). De quoi rapporter 2 milliards d’euros sur la période aux caisses de l’Arrco (complémentaires des salariés) et de l’Agirc (cadres). Peu douloureuse à première vue, cette mesure pourrait entraîner, pour les retraités, une perte de pouvoir d’achat de plusieurs dizaines d’euros par mois en 2015. Syndicats et Medef n’ont cependant pas le choix : ils doivent trouver 7 à 10 milliards d’ici 2017 pour sauver les régimes complémentaires.
Capital : Le gouvernement s’inspirera-t-il de cette mesure pour la réforme du régime général, prévue pour cette année ?
Philippe Crevel : C’est probable. En validant la désindexation des régimes complémentaires, les partenaires sociaux ont fait tomber un tabou. Le gouvernement devrait s’engouffrer dans la brèche et proposer d’étendre ce dispositif à toutes les pensions du régime général. Il sera difficile pour les syndicats de refuser ici ce qu’ils ont accepté là. Une telle réforme rapporterait une dizaine de milliards d’euros sur cinq ans. Mais cela ne suffira pas : selon les calculs du Conseil d’orientation des retraites, le déficit devrait passer de 14 milliards en 2011 à plus de 25 d’ici 2020, si on ne fait rien.
Capital : Quelles sont les autres pistes à l’étude ?
Philippe Crevel : Il y en a quatre. La première est l’augmentation des cotisations employeurs et salariés – mais il est souhaitable qu’elle reste modérée, afin de ne pas pénaliser la compétitivité de nos entreprises. La deuxième est de ne plus baser le calcul des pensions sur les vingt-cinq meilleures années, mais sur l’ensemble de la carrière, ce qui en ferait baisser le montant. Mais les salariés du privé n’accepteront une telle mesure que si l’on révise aussi le mode de calcul de la retraite des fonctionnaires, qui ne prend en compte que les six derniers mois. On peut malheureusement douter que François Hollande prenne le risque de se mettre à dos les syndicats du public. Reste deux options : passer l’âge légal de départ à 65 ans, ou augmenter la durée de cotisation de 41,5 à 43 ans. Il est probable que le gouvernement, qui a acté dès son arrivée le retour de la retraite à 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler tôt, optera plutôt pour la seconde solution, plus acceptable symboliquement. Une chose est sûre : François Hollande a renoncé à la grande réforme qu’il avait promise, avec un coup de balai dans les régimes spéciaux et le passage au système à points, plus équitable.
Propos recueillis par Marie Charrel