Par Les Echos | 15/04 | 07:00
Le démarrage de l’exploitation du gisement offshore de Tamar, fin mars, a marqué un tournant dans l’histoire du pays.
La scène se déroule le 30 mars à 90 kilomètres de la cité portuaire de Haïfa. Le gisement offshore Tamar, découvert voilà quatre ans au large des côtes israéliennes, vient de déverser pour la première fois du gaz naturel dans un oléoduc relié au port d’Ashdod. « Nous célébrons l’indépendance énergétique de l’Etat d’Israël », s’est alors exclamé le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, saluant la nature historique de l’évènement. Tandis que Tamar recèle 260 milliards de mètres cubes (BCM), le gisement voisin baptisé Leviathan (qui sera exploité dès 2016) en contiendrait pour 490 BCM. Une aubaine pour un pays totalement dépourvu de ressources naturelles… De fait, l’Etat hébreu, qui fête aujourd’hui ses soixante-cinq ans d’existence, ne pouvait pas rêver meilleur timing.
« Nous avons beaucoup de chance. Depuis soixante-cinq ans, chaque décennie nous a apporté son lot de divines surprises », écrit, non sans humour, l’éditorialiste du quotidien « Haaretz », Ari Shavit, dans un saisissant raccourci historique. Dans les années 1950, l’alliance avec la France nous a donné les Mystère, les Mirage et Dimona [la centrale nucléaire, NDLR] . Puis la France nous a tourné le dos, et les Etats-Unis nous ont apporté les Skyhawk et les Phantom […] . Dans les années 1970, il y a eu l’accord de paix inattendu avec l’Egypte pour nous sortir du syndrôme post-traumatique de la débâcle de 1973 ; et à la fin des années 1980, la vague d’immigration inattendue venue d’ex-Union soviétique […] . Durant la décennie 1990, le miracle du high-tech s’est produit, qui a fait de nous une « Start-upNation » et nous a permis d’affronter le désarroi ressenti sur les ruines des accords d’Oslo […] L’évènement majeur de cette décennie est sans nul doute la découverte de cette manne gazière inespérée. »
1 point de croissance
De fait, tout porte à croire que cette révolution énergétique, non dénuée de répercussions géopolitiques, devrait doper l’économie israélienne. Selon le dernier rapport de la Banque d’Israël, publié le 2 avril, le PIB de l’Etat hébreu va progresser de 3,8 % en 2013 (contre 3,1 % sur l’année écoulée), le démarrage de l’exploitation gazière totalisant à lui seul 1 point de croissance supplémentaire. Pour le gouverneur de la banque centrale, Stanley Fischer, l’Etat hébreu doit créer sans attendre un fonds souverain afin d’utiliser au mieux les profits futurs liés à l’exploitation des gisements de gaz naturel.
D’autant que l’économie israélienne reste confrontée à de nombreux défis. Certes, le pays a enregistré l’an dernier un taux de chômage inférieur à 6,5 %, « le plus faible de ces trois décennies », tout en parvenant à maintenir une balance courante équilibrée, et un taux d’inflation (1,6 %) conforme aux objectifs. Mais l’Etat hébreu, qui est sorti plus tôt de la récession mondiale de 2008 que les autres pays occidentaux, demeure exposé à une économie mondiale troublée. En outre, Jérusalem a affiché en 2012 un déficit budgétaire deux fois plus élevé que prévu, à 4,2 % du PIB. Ce trou de 39 milliards de shekels (8 milliards d’euros) devrait contraindre le nouveau gouvernement Netanyahou à augmenter la charge fiscale voire à sabrer dans le budget de la défense.
Reste que pour Stanley Fischer, les défis les plus sérieux que l’Etat d’Israël aura à relever dans les années à venir sont plutôt d’ordre structurel. Le gouverneur de la Banque d’Israël cite notamment : le faible taux de participation au marché du travail des arabes-israéliens et des juifs ultra-orthodoxes, la productivité du travail qui reste inférieure à celle des autres économies avancées ; ou encore la hausse du coût de la vie, qui a fait descendre près de 400.000 Israéliens dans les rues lors de l’été 2011, une manifestation pour la justice sociale sans précédent dans l’histoire du pays.
Nathalie Hamou, Les Echos Correspondante à Tel-Aviv