Ce document est un projet de cahier des charges destiné à la nouvelle commission pour l’avenir des retraites, présidée par Yannick Moreau et chargée de proposer d’ici juin « plusieurs scénarios de réforme ». Soumis ces jours-ci aux partenaires sociaux, il est en cours de finalisation.
Le gouvernement veut des propositions à court, moyen et long termes. « Les pistes de réformes proposées permettront d’inscrire notre système de retraites dans une trajectoire durablement équilibrée à l’horizon 2040 », lit-on dans ce texte.
Le document évoque les trois leviers généralement cités, dès qu’il est question d’équilibrer le système français de retraite par répartition. Ce qui est plus original, de la part d’un gouvernement de gauche, c’est la formulation retenue.
Il juge ainsi « légitime qu’un accroissement de l’espérance de vie se traduise par un allongement de la durée d’activité », donc de cotisation, tout en garantissant une liberté de choix.
Ce n’est rien d’autre que la piste du prolongement de la réforme d’août 2003, qui allonge progressivement la durée de cotisation jusqu’à 41,5 ans en 2020 pour garder constant à 1,79 le rapport entre durée de vie active et durée de la retraite.
Le Conseil d’orientation des retraites (Cor) a examiné l’impact d’un prolongement de la réforme de 2003 après 2020 : cela conduirait à porter à 42 ans la durée de cotisation pour la génération née en 1962, 43 ans pour celle de 1975, 44 ans pour la génération 1989, 44,75 ans pour celle de 2000.
Dans la variante macro-économique relativement favorable étudiée par le Cor, cela permettrait de réduire le déficit des retraites à 0,2% du PIB en 2050 (contre 0,7% en 2011 et 1,0% en 2020) et même de dégager un excédent de 0,1% du PIB en 2060.
UNE IDÉE QUI MÛRIT
L’allongement de la durée de cotisation est un des éléments « sur la table », a déclaré mercredi le ministre du Travail, Michel Sapin, sur France Inter.
De récentes déclarations d’élus socialistes laisse penser que l’idée est aussi en train de mûrir au sein du PS.
Le député Henri Emmanuelli, classé dans l’aile gauche du PS, a ainsi récemment estimé que la question n’était pas taboue.
Dans son projet de cahier des charges, le gouvernement demande cependant à la commission Moreau d’examiner aussi la piste du « niveau des ressources » – autrement dit celui des cotisations – et celle du « niveau relatif des retraites ».
Le gouvernement laisse entendre qu’il serait prêt à envisager une moindre indexation des pensions sur l’inflation, à condition de remédier à certaines inégalités.
« Notre système de retraite permet aujourd’hui de garantir un niveau de vie moyen des retraités proche de celui des actifs et légèrement supérieur à celui de l’ensemble de la population », lit-on dans le projet de texte. « Mais ces situations moyennes recouvrent d’importantes inégalités au sein des retraités. »
Une désindexation partielle des prestations est précisément l’un des leviers dont les partenaires sociaux discuteront jeudi pour tenter d’enrayer le déficit croissant des caisses de retraites complémentaires du secteur privé.
La gestion de ces caisses (Arrco et Agirc) relève exclusivement des partenaires sociaux mais le gouvernement suit de toute évidence avec attention ces négociations.
« Un accord de ce type des partenaires sociaux sur les retraites complémentaires serait un élément d’appréciation très important. On ne pourra pas ne pas en tenir compte », déclarait le ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, le 15 janvier aux Echos.
SIMPLIFICATION
La désindexation des pensions, « c’est une des pistes, bien entendu », a pour sa part dit Michel Sapin, tout en se défendant de tout « parallélisme » avec les retraites complémentaires.
Le gouvernement demande par ailleurs à la commission Moreau d’examiner la prise en compte de la pénibilité du travail, dont dépend la durée effective de la retraite.
Elle devra enfin se pencher sur la simplification d’un système de retraite caractérisé en France par la multiplicité des régimes, afin d’en améliorer la cohérence et la gestion.
Le gouvernement attend des propositions visant à « opérer une convergence entre les régimes, afin notamment de garantir un ‘socle commun’ de droits » et de progresser vers un « guichet unique » pour les assurés, lit-on dans le texte.
François Hollande est confronté aux insuffisances de la réforme effectuée par son prédécesseur de droite en 2010 pour compléter celles de 1993 et 2003.
Nicolas Sarkozy promettait pourtant un retour à l’équilibre en 2018, notamment grâce au report de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans au lieu de 60.
Moins de trois ans plus tard, l’effort à faire semble au moins aussi considérable : selon le Cor, si rien n’est fait, le déficit des retraites, tous régimes confondus, pourrait dépasser 21 milliards d’euros par an en 2020 (14 milliards en 2011).
Il pourrait tutoyer les 30 milliards en 2040 – voire 50 milliards ou même 70 dans les scénarios macro-économiques les moins favorables retenus par le Cor.
Avec Marine Pennetier, édité par Yves Clarisse
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