Israël a aussi frappé un lieu de production et de stockage d’armes chimiques situé en Syrie près de la frontière libanaise. Comme c’était prévisible, le gouvernement iranien, protecteur du régime Assad et du Hezbollah a protesté. Comme c’est prévisible aussi, la Russie, allié du gouvernement iranien et du régime Assad a protesté aussi.
La façon, édulcorée, dont l’information a été transmise en France laisse très largement de côté qu’au cœur des frappes israéliennes, il y a la transmission d’armes au Hezbollah par le régime syrien, et qu’il y a à l’épicentre de cette transmission ce qu’on appelle des armes de destruction massive. Je n’ai pas vu non plus évoqué le fait que le convoi d’armes contenait, selon toute apparence, des missiles à longue portée fournis par la Russie à la Syrie.
Laisser de côté ces éléments empêche de comprendre ce dont il s’agit. Tout comme Binyamin Netanyahou a tracé une ligne rouge sur le dessin d’une bombe atomique iranienne hypothétique aux Nations Unies voici quelques semaines, il vient de tracer une ligne rouge qui ne doit pas être franchie dans la région.
Netanyahou a dit que si des armes syriennes, et tout particulièrement des missiles à longue portée et des armes de destruction massive étaient transmis au Hezbollah par la Syrie ou risquaient de tomber entre les mains des groupes djihadistes en Syrie, Israël interviendrait. Israël est intervenu.
C’était essentiel dans une région où tout repose sur les rapports de force et où Israël doit être pris au sérieux.
Mais c’est essentiel, en outre, pour le reste du monde.
Même si l’Union Européenne, sous l’instigation de la France, s’est refusée à inscrire le Hezbollah sur la liste des organisations terroristes, le Hezbollah n’en est pas moins ce qu’il est : il a déjà frappé en Europe, comme il a frappé en Argentine il y a deux décennies, pour le compte de son protecteur iranien. Des armes de destruction massive et des missiles à longue portée aux mains du Hezbollah, cela représenterait un risque absolu qui s’étendrait bien au delà d’Israël.
Que ce soit à Israël d’agir alors que la menace concerne aussi le reste du monde en dit très long sur l’état de la planète aujourd’hui et sur l’état de déliquescence de la politique étrangère américaine au bout de quatre années de présidence Obama.
Que quasiment aucune analyse sérieuse de ce qui s’est passé et de ce qui est en jeu ne soit parue en France est très éloquent concernant l’état de la pensée dans ce pays.
Bien des questions restent en suspens qui n’auront pas de réponse immédiate : pourquoi le régime Assad a-t-il décidé de faire ce geste maintenant ? La réponse la plus probable : pour provoquer Israël et tenter de susciter une réaction anti-israélienne qui pourrait lui bénéficier, alors qu’il est dans une position de plus en plus difficile.
Dès lors que sa provocation a débouché sur une réponse précise, ciblée, non revendiquée par Israël, on peut dire qu’elle n’a pas vraiment réussi.
Même si l’armée israélienne est en état de vigilance élevée, il est vraisemblable que l’armée syrienne ne ripostera pas contre Israël : elle est trop occupée avec la guerre civile en cours.
Il est probable aussi que le Hezbollah ne ripostera pas non plus : il fait partie du gouvernement libanais, et une action du Hezbollah impliquerait tout le Liban, ce qui ferait qu’une réponse israélienne à un éventuel tir du Hezbollah toucherait tout le Liban, déjà fragilisé, comme le Hezbollah, par la guerre civile syrienne.
Il est très probable que l’Iran ne bougera pas. L’Iran lui-même a fort à faire pour tenter de sauver le régime Assad, pour préparer un éventuel après Assad, et pour tenter d’avancer vers la bombe malgré sabotages et virus divers.
Ce ne sera donc que le tracé d’une ligne rouge. Pour le moment. Sachant que d’autres tracés de ligne rouge sont possibles, et même probables dans le semaines et les mois à venir. Comme je l’ai expliqué récemment, c’est tout le monde musulman qui est dans une phase d’instabilité très délétère aujourd’hui.
La guerre en Syrie est une guerre régionale qui dépasse de beaucoup l’affrontement entre le régime syrien et les Frères musulmans aidés de djihadistes.
Israël est le seul point de stabilité au milieu du tumulte, du bruit et de la fureur.
Il est, hélas, logique qu’on ne le dise pas en France. Tout comme il est logique qu’on ne dise pas l’ampleur de l’instabilité délétère qui touche le monde musulman.