La tombe du roi David vandalisée par Marie-Armelle Beaulieu – 3 janvier 2013
Pour la seconde fois en dix jours, quelqu’un s’est introduit au lieu dit « tombe du Roi David » sur le Mont Sion pour le vandaliser. Comme précédemment, le travail des vandales à consister à détruire à coups de marteaux les céramiques qui couvraient le mur séparant la chambre où se trouve le cénotaphe (monument funèbre vide) du roi David du vestibule d’entrée.
Le 26 décembre, la police de Jérusalem arrêtait sur place un juif ultra orthodoxe de 30 ans. Il prétendait lors de son arrestation que, venu prier pour une cause qui lui tenait à cœur, un autre homme qui l’accompagnait lui avait dit que sa prière ne serait pas exaucée si elle n’était pas faite sur les pierres elles-mêmes. Aussi ce serait-il mit en tête de détruire les céramiques qui faisaient obstacle à sa prière.
L’explication est assez peu plausible. Durant la journée en effet, l’accès au cénotaphe est libre et aucune céramique ne fait obstacle à la prière, qui plus est, le mur derrière le cénotaphe est déjà en pierres apparentes.
La nuit dernière, de nouveau « un groupe », selon la rumeur, ce serait introduit et a « achevé le travail ». Il ne reste plus 50cm2 de céramiques en place. Tandis qu’une personne du service des Antiquités israéliennes travaillait ce matin à ramasser les céramiques dans des sacs qu’elle étiquetait et « ne pouvait rien dire », le rabbin gardien du lieu disait ignorer si c’était la même personne.
Tôt ce matin, la police était sur place et a fermé le lieu au public. L’heure est désormais au déblaiement de ce qui n’est plus que gravats alors que les dégâts causés la nuit dernière sont tenus pour « irréversibles ».
Dans le Haaretz du 26 décembre, relatant le premier incident, le professeur Nirit Shalev-Khalifa, du Yad Ben-Zvi Institute, expliquait qu’une procédure avait été initiée pour que la loi régulant la conservation des antiquités soit appliquée aux dites céramiques mais qu’elle n’avait toujours pas été suivie des faits. Selon le même journal, les carreaux de céramique auraient été posés lors d’une rénovation de la tombe, par les Ottomans au XVIIe siècle alors que l’art ottoman de la décoration en céramique avait atteint son apogée un siècle auparavant comme en témoigne la couverture du Dôme du Rocher réalisée par Soliman le magnifique.
Ce matin, l’autorité israélienne des Antiquités a porté plainte pour vandalisme et appelé « les responsables du site, la municipalité de Jérusalem et la police à mettre en place un dispositif pour la garde de ce Lieu saint afin d’empêcher de tels actes à l’avenir. »
Le lieu de la tombe du Roi David sur le mont Sion se trouve au rez-de-chaussée du Cénacle et de la chambre haute. Il appartenait aux Franciscains de la Custodie de Terre Sainte depuis que Robert d’Anjou roi de Naples et comte de Provence et son épouse Sanche de Majorque en avaient fait l’acquisition pour le leur confier. Mais les Franciscains en furent définitivement chassés en 1552 par les musulmans qui transformèrent le Cénacle en mosquée et mirent également la main sur le lieu présumé de la tombe de David.
Il est peu vraisemblable que le site soit effectivement le lieu de sépulture du roi David, car selon 1 R 2, 10 « David mourut, il fut enterré avec ses ancêtres, et on l’ensevelit dans la cité de David. » Or la « cité de David » serait soit la cité que l’on visite sur la colline appelée aujourd’hui Ophel en contrebas du Mont Sion, soit à Bethléem où du reste la tradition juive et musulmane honora une tombe de David jusqu’au XIVe siècle.
C’est au XIIe siècle que l’on reparla de la découverte de la tombe de roi David au Mont Sion, une thèse que les croisés accréditèrent se référant au discours de Pierre prononcé après la Pentecôte et mentionnant le sépulcre de David qui « existe encore aujourd’hui parmi nous» (Actes 2, 29), tandis que précisément la communauté judéo chrétienne s’était fixée sur le Mont Sion.
Quoiqu’il en soit, à défaut de connaître le vrai lieu de la sépulture de ce roi d’Israël, la tradition se fixa là. En 1948, le site devint d’autant plus important pour les juifs qu’ils l’avaient conquis et que c’était le seul endroit où ils pouvaient prier au plus près de la ville sainte qui resta sous juridiction jordanienne jusqu’en 1967.
Depuis, une yeshiva (école talmudique) s’est installée dans le complexe de l’ancien couvent franciscain et le Cénacle, de facto sous juridiction israélienne, s’il n’est plus mosquée n’est pas davantage une église.
Tandis que les négociations entre le Saint-Siège et l’État d’Israël ont mis à l’ordre du jour la discussion sur certains éventuels droits de la Custodie de Terre Sainte sur le site, et gardant à l’esprit que, pour au moins cinq ans le sanctuaire est en cours de rénovation totale, on est en droit de se demander à qui profite le crime de ce jour.
Quelques extrémistes voudraient-ils effacer les traces de l’islam dans ce qui est devenu un haut lieu du judaïsme ? Cherche-t-on à créer de la tension entre les différentes communautés religieuses afin de laisser inchangé le statu quo actuel ?
En l’absence de suspects toutes les conjectures sont possibles, mais l’acharnement à détruire ces mosaïques ne semble pas être le fuit du hasard. Reste à espérer que l’enquête de la police fera la vérité sur cet acte de vandalisme.
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