Semaine du 9 au 14 décembre 2012
Lieberman se déchaîne contre l’Europe
Le chef de la diplomatie israélienne, Avigdor Lieberman, a sévèrement pris l’Union européenne à partie cette semaine après que celle-ci eut condamné un projet de colonisation en Cisjordanie. Dans un communiqué, les 27 ministres des Affaires étrangères européennes avaient fait part de leur « consternation » et de leur « ferme opposition » aux projets israéliens d’extension des colonies en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, et en particulier dans la zone E1.
Lors d’une cérémonie d’allumage des bougies de Hanoukka (fête juive des Lumières), Avigdor Lieberman a reproché à ses homologues européens d’avoir préféré condamner la construction en zone E1 plutôt que les appels à la destruction d’Israël proférés par Khaled Mashal et également passés sous silence par le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas.
Connu pour ses excès de langage, le n°2 de la liste commune « LIKOUD Beteinou », a déclaré qu’il était « difficile de ne pas voir l’injustice et le déséquilibre dans le communiqué de l’Union européenne ». Affirmant ne pas vouloir « citer de noms », il a par ailleurs déclaré que pour « certains de ses homologues européens », « la destruction d’Israël est évidente ».
A demi-mots, le chef de la diplomatie israélienne a accusé l’Europe de complaisance avec le Hamas comme à la veille de la Seconde Guerre mondiale. « Durant notre histoire, certains Européens ont ignoré des informations concernant des Juifs qui étaient déportés vers les camps de concentration », a-t-il déclaré. A l’occasion d’un colloque diplomatique organisé par le quotidien « The Jerusalem Post », M. Lieberman a récidivé en estimant qu’il avait souvent l’impression que « tous les engagements européens en faveur de la sécurité d’Israël sont en réalité vides de contenu », que « lorsque le moment de vérité arrivera, un grand nombre de leaders du monde seront prêts à sacrifier Israël sans problème pour apaiser l’islam radical et assurer le calme » et que « Israël ne veut pas être la Tchécoslovaquie en 1938 ».
Lui succédant à la tribune, l’ex-chef de la diplomatie israélienne et actuelle présidente du parti centriste Hatnua, Tzipi Livni, a estimé que les propos de Lieberman étaient un « mépris de la Shoah ». Elle a appelé les Israéliens à établir une distinction entre les critiques proférées à l’égard de la politique du gouvernement israélien et l’absence de soutien à l’existence même d’Israël. La chef de file travailliste, Shelly Yachimovitch, a également vivement condamné les propos de Lieberman et qualifié ce dernier d’ « homme corrompu et dangereux ».
Côté européen, la porte-parole de la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton, a estimé que la comparaison avec la Seconde Guerre mondiale était « révoltante et vexante pour tous les Européens ». « L’engagement de l’Europe envers la sécurité d’Israël ne peut être mise en cause. Nous l’avons une fois de plus précisé dans la résolution du Conseil des ministres des AE de l’Union et nous avons condamné les déclarations du chef du Hamas, qui ne reconnaît pas le droit à l’existence d’Israël », a-t-elle confié au quotidien de gauche Haaretz.
Recrudescence des émeutes en Cisjordanie
Plusieurs échauffourées ont éclaté cette semaine en Cisjordanie entre les forces israéliennes et des manifestants palestiniens. Jeudi, un Palestinien de 16 ans a été tué à Hébron, près du Tombeau des Patriarches après avoir menacé d’un (faux) pistolet un garde-frontière israélien en faction. Dimanche, la presse relatait largement la polémique qui a éclaté en Israël autour des consignes de tirs données aux soldats israéliens en cas d’émeutes. En fin de semaine dernière, des soldats du Génie militaire avaient en effet reculé devant une foule de manifestants palestiniens dans la ville de Kafar Kadoum en Cisjordanie. Les journaux publient des témoignages de soldats regrettant les consignes trop « restrictives » de leurs supérieurs leur interdisant de faire usage de leurs armes à feu.
Ces nouveaux incidents viennent s’ajouter à la recrudescence d’incidents violents enregistrés en Cisjordanie depuis le début du mois de novembre, qui coïncident avec le lancement de l’opération « Pilier de Défense » dans la bande de Gaza. Les médias redoutent que ne soit en train de germer une troisième Intifada. Selon les commentateurs israéliens, le gel du processus politique, l’absence de perspectives au lendemain de la reconnaissance à l’ONU et le « triomphe » du Hamas lors de l’affrontement avec Israël motiveraient la rue palestinienne à reprendre la lutte populaire.
Contrastant avec l’accalmie qui règne dans la bande de Gaza,la Cisjordanieconnait une recrudescence de violence. Munie de caméras et de Smartphones dernier cri, la lutte populaire reprend vie. Abou Mazen ne cherche peut-être pas l’Intifada, mais il risque de la trouver malgré lui. Le président de l’Autorité palestinienne n’est pas fait pour mener une Intifada mais les Palestiniens sont convaincus que seule la lutte est efficace et que les Juifs ne comprennent que la force. Il faut dire que nous autres Israéliens, nous les aidons à parvenir à ce genre de conclusions.
Israël est en effet en partie responsable de cette dégradation. Si l’on en croit les estimations de Tsahal et du Shin Beth ( les services de sécurité intérieure israéliens, ndt), le gel du processus politique engendre la frustration et le désir d’en découdre avec Tsahal. Ils estiment en outre que manière dont s’est achevée l’opération « Piler de Défense » a renforcé les organisations islamistes, affaibli le Fatah et conduit à des pressions de la rue palestinienne sur les forces de l’ordre de l’AP pour qu’elles « fassent comme le Hamas ».
Pour comprendre cette nouvelle réalité, qui nous fait vite oublier les années paisibles 2008-2012, il ne faut sous-estimer cette nouvelle donne : au lendemain de l’opération « Pilier de Défense » , les autorités israéliennes ont reconnu de facto la souveraineté du Hamas dans la bande de Gaza. Cette tactique, qui vise à « responsabiliser » le Hamas, a porté ses fruits car depuis la fin des hostilités, pas un seul tir en provenance de la bande de Gaza n’a été enregistré alors que Tsahal a abattu deux Gazaouis qui tentaient de s’infiltrer en territoire israélien. Mais ce succès tactique pourrait bien cacher un échec stratégique cuisant sur le long terme tant l’Autorité palestinienne et l’option diplomatique en sortent affaiblies.
C’est toutefois à Mahmoud Abbas que l’on doit imputer la plus grande part de responsabilité. Pour faire face au gel du processus et aux pressions de la rue palestinienne, il a entrepris une démarche unilatérale de reconnaissance à l’ONU et a appelé à des « protestations populaires ». Mais entre « protestation populaire » et « terrorisme populaire » la frontière est ténue. Certes, contrairement à Arafat, Abbas souhaite contrôler
l’intensité des émeutes, mais celles-ci ont leur propre dynamique et les choses ont vite fait de dégénérer.
Les conditions pour une irruption d’une troisième Intifada en Cisjordanie sont réunies et il ne manque désormais que l’incident déclencheur qui embrasera le terrain. Telle est l’hypothèse de travail au cœur des concertations qui se tiennent depuis un certain temps au sein des services de sécurité, y compris la principale réunion consacrée à ce sujet, présidée il y a deux semaines par le chef d’état-major de Tsahal.
Au vu de cette nouvelle situation, il a été décidé de procéder à certains changements dans le déploiement et le mode opératoire du Commandement Centre de Tsahal (qui est chargé dela Cisjordanie– Ndt) : commençant par des modifications tactiques du déploiement de l’armée afin de pouvoir mieux faire face à de larges émeutes ; et finissant par des préparatifs en vue d’une dégradation qui nécessiterait l’envoi de renforts en Cisjordanie. Autrement dit, l’armée se prépare, avec beaucoup plus de force et de moyens de dispersion de manifestations qu’auparavant, à « tuer dans l’œuf » tout début de heurts.
Parallèlement, l’armée et le Shin Beth s’efforcent de collecter des informations non seulement sur les attentats qui se préparent, mais également sur l’atmosphère et l’état d’esprit qui règnent en Cisjordanie, afin de pouvoir anticiper une déflagration prochaine. De plus, de hauts responsables du Commandement du Centre dialoguent avec leurs homologues de l’AP. Il s’avère en effet que depuis un certain temps, et contrairement au passé, ceux-ci ne font plus d’efforts et parfois ne se présentent même pas sur les lieux des émeutes, permettant ainsi leur propagation.
Les développements négatifs en Cisjordanie ont commencé quelques mois avant l’opération « Pilier de Défense », notamment dans le contexte de la hausse des prix du carburant et des produits alimentaires. Au début, l’AP essayait d’empêcher les frictions avec Israël, mais très vite elle s’est mise à détourner la colère de la population vers l’Etat juif, le présentant comme responsable de la crise économique.
Simultanément, le Hamas et d’autres organisations opposées au Fatah, comme le Jihad islamique, rétablissent leurs infrastructures en Cisjordanie. Se sentant mieux établi à Gaza, le Hamas est passé à la deuxième étape de son plan de prise de contrôle de l’OLP. Il a mis en place un mécanisme œuvrant à la réinstallation en Cisjordanie de son réseau d’aide socio-économique et sa base de soutien politique –la Da’awa. De plus, la branche militaire du Hamas a actionné ses cellules militaires en Cisjordanie, surtout dans les régions de Hébron et de Naplouse. Ce sont ces cellules-là qui organisent une partie des émeutes dont nous sommes témoins actuellement.
Ce qui est flagrant aujourd’hui n’est pas seulement le grand nombre d’incidents, mais également la bravoure des militants palestiniens. Ainsi, la route443 aété à plus d’une reprise barrée par des Palestiniens hissant des drapeaux du Fatah, du Hamas et du FPLP. Ils ne font qu’annoncer aux chauffeurs (israéliens – Ndt) que la route est fermée car elle passe dans une zone occupée. Il s’agit d’un phénomène relativement nouveau, qui a été renforcé depuis la reconnaissance de l’AP par l’ONU.
Le processus de réconciliation entre l’Autorité palestinienne et le Hamas – même s’il se trouve à ses débuts – encourage la violence contre Israël, puisque l’AP a cessé d’agir contre les infrastructures dela Da’awa du Hamas, qui appuient les cellules terroristes de l’organisation islamiste. L’AP ne saisit plus de fonds et n’ordonne plus la fermeture de ces « établissements de charité », ce qui oblige Tsahal à reprendre les arrestations à large échelle.
Le terrain est donc prêt à une explosion, or dans cette période électorale en Israël, il semble que personne au gouvernement ne soit capable de prendre les décisions permettant de désamorcer cette bombe à retardement qu’estla Cisjordanie.