Au troisième jour de la trêve qui a mis fin mercredi à l’opération « Pilier de défense », les médias tirent un premier bilan mitigé des huit jours d’hostilité entre Israël et le Hamas. Si Tsahal a effectivement asséné un « coup dur » au Hamas, il n’a pas vaincu « par KO », ni « mis à genoux » une organisation islamiste qui « ressort renforcée » de ce cycle de violences, tant sur le plan international que sur le plan intérieur où l’Autorité palestinienne se retrouve « encore un peu plus affaiblie ».
Les Israéliens sont par ailleurs divisés sur la question du cessez-le-feu, comme le font apparaître deux enquêtes d’opinion, respectivement publiées par la chaîne 2 de télévision israélienne et par le quotidien Maariv. Selon le premier sondage, 64% des Israéliens estiment que la pérennité du cessez-le-feu ne sera que « de courte durée » alors que 24% estiment qu’il ne « tiendra pas du tout ». Une majorité d’Israéliens (58%) estiment toutefois que la force de dissuasion de Tsahal a été restaurée, contre 23% de sondés, qui affirment qu’elle demeure « inchangée ». Pour 49% des Israéliens, révèle de son coté l’enquête du Maariv, Israël aurait du poursuivre l’opération «Pilier de Défense », alors que 31% se déclarent favorables au cessez-le-feu, et 20% d’indécis. 41% des personnes interrogées refusent toutefois l’idée d’une réoccupation de la bande de Gaza. A la question « êtes-vous favorable à une présence militaire permanente dans la bande de Gaza », seuls 29% ont répondu par la positive, contre 30% d’indécis. La classe politique était également divisée au lendemain du cessez-le-feu. Si pour le chef de file du Kadima, l’ex chef d’état-major Shaoul Mofaz, « les objectifs de l’opération n’ont pas été atteints » et que « le prochain cycle de violence n’est qu’une question de temps », la présidente du Parti travailliste et principale rivale du Premier ministre sortant, Shelly Yechimovitch, s’est félicitée prudemment du cessez le-feu, estimant toutefois que celui-ci devra être soumis « à l’épreuve du résultat ».
Selon Yaïr Lapid du parti centriste Yesh Atid, le cessez-le-feu intervient « au mauvais moment pour Israël alors que les objectifs n’ont pas encore été atteints ». A gauche, la présidente du parti Meretz, Zehava Galon, a salué la retenue du Premier ministre tout en rappelant qu’elle avait « dès les premiers jours, appelé à la recherche d’une solution diplomatique par le bais d’une médiation internationale ».
A droite du Likoud, le tout nouveau chef de file du parti « Foyer juif », Naftali Bennet, a sévèrement critiqué la fin des hostilités et rassuré les « milliers de réservistes et les millions d’Israéliens » en leur promettant qu’Israël « finirait par éradiquer la menace des missiles du Hamas ».
Enfin, le sondage d’intentions de vote publié ce vendredi par le Maariv fait apparaitre que le « Likoud Beteinou », la liste commune du duo Nétanyahou-Liebermann, sort presqu’ indemne de l’opération, puisqu’elle préserve relativement sa force électorale (37 sièges) et que l’alignement de Yechimovith semble lui avoir été favorable (22 sièges contre 20 lors du précédent sondage).
Le moins pire / Alex Fishmann – Yédiot Aharonoth
L’amertume ressentie par les Israéliens au lendemain du cessez-le-feu n’est pas justifiée car l’issue aurait été identique si une opération terrestre avait été lancée, voire même si la bande de Gaza avait été littéralement rasée. L’objectif de destruction des roquettes de longue portée que s’était fixé Israël a été pleinement atteint. Evidemment, nul ne se fait d’illusion et nous connaîtrons un nouveau cycle de violences. Toutefois, si l’opération « Pilier de Défense » a réussi à la retarder au maximum, c’est déjà ça.
Le grand gagnant est le président Morsi, à qui les Américains ont promis non seulement une aide économique très importante mais également des garanties bancaires généreuses pour des emprunts à la Banque mondiale et à l’Union européenne. Le Hamas s’est clairement positionné dans le camp égyptien face au camp iranien. Le Caire a joué le rôle central qu’il n’avait plus joué depuis longtemps dans le monde arabe. Les Israéliens ont également été surpris de découvrir un président égyptien qui, même s’il a du mal à prononcer le mot « Israël », demeure un interlocuteur fiable.
Les grands perdants sont les Iraniens et son allié du Jihad islamique dans la bande de Gaza. Une coalition de pays arabes et occidentaux a réussi à déjouer les tentatives de Téhéran de faire oublier la Syrie et le projet nucléaire iranien en mettant le feu à la bande de Gaza. L’Iran est certainement aujourd’hui le seul pays à déplorer qu’Israël n’ait pas lancé une opération terrestre à Gaza.
Défaillance 2012 / Ben-Dror Yémini – Maariv
Les conditions dans lesquelles Israël a lancé l’opération étaient optimales. D’excellents renseignements, une première frappe impressionnante, un soutien international. Mais ce qui ressort avec évidence du tableau final – qui est, lui, tout à fait provisoire – c’est que l’équipe dirigeante de ce pays, Nétanyahou en tête, a encore enregistré un triste record.
Ce n’est pas un problème de fierté nationale, ni pour la droite, ni pour la gauche ; c’est une démonstration d’imbécillité. Certes, le Hamas a essuyé de sérieux coups. Mais le Hamas n’est pas une armée. Il ressemble plutôt à une pieuvre. Sa capacité à recevoir des coups est incommensurable, et malgré toutes les frappes qui lui ont été assenées, il est parvenu à paralyser la moitié d’Israël avec des missiles et des roquettes d’une portée toujours plus longue.
La force de dissuasion israélienne a été érodée. Le soutien international n’est venu, dès le départ, que de l’échelon politique. Dans les médias, y compris en Occident, le Hamas a à nouveau donné une belle leçon à Israël. Et, pour couronner le tout, nous sommes également témoins du retour du terrorisme dans nos rues.
Pour une majorité d’Israéliens, la reprise des violences n’est que fonction de temps