Par Stéphane Juffa

Le gouvernement israélien a adressé une vive protestation au Conseil de Sécurité de l’ONU après que des forces syriennes eurent pénétré entre les lignes A (Alpha) et B (Bravo) délimitées par l’ « Accord de séparation des forces »entre les deux pays, signé le 31 mai 1974.

Les points 2, 3 et 4 dudit accord stipulent que les populations vivant entre les deux lignes sont soumises à la juridiction et l’administration syrienne, mais que toutes les forces de Damas doivent impérativement demeurer à l’est de la ligne B.

La supervision de l’accord est confiée à la Force d’Observation du Désengagement des Nations Unies, un contingent d’environ mille deux cents hommes, assuré par les parties signataires de pouvoir se mouvoir en toute liberté dans cette région démilitarisée.

Or, ces derniers jours, comme en témoignent les photographies prises par la Metula News Agency, l’armée régulière syrienne a non seulement franchi la ligne B, mais, de plus, elle livre bataille aux insurgés dans la zone démilitarisée.

Selon l’armée israélienne, ce sont cinq cents soldats de Béchar al Assad et cinquante véhicules militaires qui ont ainsi franchi illégalement la ligne B.

 Carte de la Bataille de Jubata al Khashab

Cette force syrienne compte des armes lourdes, comme des canons d’artillerie et des chars d’assaut, ainsi que des mitrailleuses. Elle s’est dangereusement approchée des positions israéliennes, et notamment d’un fortin situé à l’ouest de la ville de Jubata al Khashab (la colline des arbres), dans le territoire où la présence de Tsahal est autorisée, juste à l’ouest de la ligne A.

Pour effectuer leurs observations, les reporters de guerre de la Ména se sont positionnés au sud de la position israélienne.

Les éléments avancés du contingent syrien se sont approchés jusqu’à une distance de deux cents mètres de la position israélienne.

Ce faisant, les militaires syriens ont attiré un feu de riposte de l’Armée Syrienne Libre (ASL). Ces dernières vingt-quatre heures, un obus de mortier a explosé entre les deux lignes de démarcation à proximité immédiate des hommes de Tsahal, mettant en danger le maintien de l’armistice entre les deux armées.

Il est impossible de déterminer, en l’état, si les forces syriennes, en pénétrant dans le territoire où leur présence est interdite, ont simplement voulu rechercher l’affrontement avec les insurgés, ou s’il s’agit d’un acte délibéré destiné à générer des incidents de frontière, et à créer ainsi une diversion politique afin de déplacer le centre d’intérêt, de la guerre civile qui fait rage en Syrie, à une tension artificielle entre cette dernière et l’Etat hébreu.

Nous pouvons toutefois constater que les combats qui se déroulent depuis cinq jours autour de Jubata al Khashabsont les plus violents de toute la région du Golan sous contrôle syrien.

A quelques kilomètres plus au Sud, la cité de la « Nouvelle Kuneitra » – créée de toutes pièces par le régime alaouite après la destruction de l’ancienne Kuneitra durant la Guerre des Six Jours – demeure aux mains de l’armée régulière et nous n’y signalons aucun engagement majeur.

Les combats dans et autour de Jubata al Khashab ont principalement lieu en trois endroits : des bombardements d’artillerie sont effectués par l’armée régulière sur la ville ; des échanges d’artillerie et à l’arme automatique épars se produisent près du château d’eau, face au fortin israélien, tandis que la bataille la plus importante se déroule sur les versants nord et est de la carrière située au sud de Jubata.

Un obus explose dans le secteur du château d’eau,

face aux lignes israéliennes

Photo © Metula News Agency

Les affrontements varient en intensité dans le courant des journées successives. Ils peuvent atteindre la cadence de plusieurs tirs d’artillerie à la minute durant une ou deux heures, suivis d’échanges à l’arme automatique, puis de longues périodes d’accalmie.

Tout le monde ne se bat pas, aujourd’hui sur le Golan

Côté israélien, la présence militaire est suffisante mais certainement pas massive. Par ailleurs, nous n’avons observé aucun groupe de réfugiés tentant de s’approcher de la frontière. S’il y en avait eu, nous les aurions vus.

La communauté druze, qui compte quatre villages sur le plateau du Golan, côté israélien, reste divisée. A Majd el Chams (l’étoile du soleil), le plus populeux d’entre eux, des individus ont accroché un drapeau de la dictature voisine sur l’épée de la statue représentant le sultan al Atrash.
Le sultan druze, qui, à la fin du XIXème siècle, avait réussi l’exploit de réunifier la Syrie, et qui est considéré comme le père de cet Etat.
Un avocat druze que nous avons croisé, non loin du lieu de la bataille, nous a assuré que l’emprise qu’exerçait le tyran alaouite sur les Druzes du Golan, par voie de terreur et de menaces, appartenait désormais au passé.

A entendre cet homme de robe, qui vit et exerce dans le village druze de Massadé, la municipalité (israélophile) ainsi que la majorité absolue des habitants, s’opposent désormais ouvertement au pouvoir alaouite de l’autre côté de la frontière. Mais ladite majorité ne désire pas décrocher le fanion du sabre d’al Atrash afin de ne pas envenimer les relations, déjà tendues, parmi la population.

Le sultan al Atrash, dans le village de Majd el Chams

Jusqu’à quelques mois de cela, des dizaines de demeures de Majd el Chams étaient surmontées de la bannière de la népotie alaouite ; aujourd’hui, elles étaient remplacées par les cinq couleurs du drapeau druze. Mais, il y a un mois, des pro et des anti-syriens se sont affrontés à mains nues dans les rues de ce village.

Quant au caméraman de Sky que nous avons rencontré, probablement un Israélien sunnite ou un Palestinien, qui s’exprimait dans un excellent hébreu, comme le reste de son équipe, son cœur penchait en faveur des forces loyalistes, et il prédisait que la révolution syrienne échouerait.

Nos lecteurs le savent, ce n’est pas notre analyse. Nous sommes persuadés que les jours de cette brutale tyrannie sont comptés, mais demeurons indécis quant au nombre de mois durant lesquels elle parviendra encore à s’accrocher au pouvoir. Les opposants à l’oligarchie alaouite sont trop nombreux pour qu’il en aille autrement, et la haine que ses actions inhumaines ont suscitée, est beaucoup trop acerbe.

Reste que ces mutations affectent toutes les communautés et tous les Etats du Proche-Orient, et notamment l’Etat hébreu.

Pendant l’ère al Assad, et jusqu’à ce jour, la dictature voisine respectait notre frontière et les incidents demeuraient extrêmement rares.

La même constatation prévaut au sujet du Liban, les miliciens du Hezbollah et les brigades de l’armée libanaise sous leur contrôle faisant régner un ordre de plomb sur la frontière nord d’Israël.

Avec les changements de régimes en vue, d’autres options peuvent peut-être s’ouvrir, certaines pour le meilleur, et d’autres pour le pire ; mais il semble décidé qu’il sera, dans un proche avenir, beaucoup plus délicat, pour les Israéliens, d’assurer leur sécurité sur leurs frontières septentrionales.

Metula News

Agency ©

 

 

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