Lorsqu’on m’a envoyé le flyer de cette conférence, j’ai d’abord pensé que je n’avais pas compris où elle devait se tenir. Après tout, l’Institut français de Tel-Aviv peut organiser un événement hors ses murs, voire hors frontières. Mais non — c’est bien en Israël que cette conférence intitulée « La République contre l’antisémitisme » doit avoir lieu.
« La République contre l’antisémitisme »… vraiment ?
D’une part, qui sont ces intervenants ? Que représentent-ils pour venir nous parler d’un tel sujet , ici, à Tel-Aviv ? Ils ne représentent qu’eux-mêmes, n’ont reçu aucun mandat. Et pourtant, ils viennent en ambassadeurs d’un modèle qu’ils prétendent exemplaire.
Mais que fait la République, concrètement, face à l’antisémitisme ?
Malgré les tribunes, les discours, les grands mots… les Juifs de France ont peur de se montrer en public en tant que Juifs. Ils cachent leur kippa ou leur magen David. Le nombre d’actes antisémites a grimpé en flèche depuis le 7 octobre 2023. Le préfet de Paris lui-même a reconnu cette semaine que l’État n’est plus capable d’assurer leur sécurité.
Et voilà qu’on vient, ici, nous expliquer que la République agit, protège, lutte. Comme si ce récit convenu pouvait masquer un sentiment d’abandon massif, palpable dans les quartiers comme dans les urnes.
Et surtout — quel moment pour venir parler d’antisémitisme en France !
Vous arrivez ici, en Israël, alors que 59 otages sont toujours entre les mains du Hamas, que le 7 octobre a laissé une blessure ouverte, que tout un pays vit dans l’angoisse et la mobilisation, entre funérailles, combats, que nos enfants se battent sur plusieurs fronts.
C’est un peu comme ce dîner de Shabbat où deux frères se parlent. L’un se plaint d’un accrochage avec sa voiture. L’autre l’écoute en silence, sans mot, avec empathie. Et le premier s’énerve, trouve son frère distant, insensible. Ce qu’il ignore, c’est que ce même jour, ce frère a été expulsé de sa maison.
Le contraste n’efface pas la douleur du premier. Il rappelle simplement une hiérarchie des urgences.
Et c’est exactement ce que vos discours ne perçoivent pas. On connaît votre logique rhétorique. Vos tribunes commencent toujours par de bonnes intentions. Et dans le même souffle arrive le fameux « cela dit… » :
« Cela dit, les Juifs de France ne sont pas responsables de la politique du gouvernement israélien. »
« Cela dit il faut entendre la souffrance des Gazaouis. »
« Cela dit la solution à deux États est indispensable. »
Elle est immonde cette petite musique que vous distillez sur la “critique légitime du gouvernement israélien”, en ce qu’elle vous permet de vous justifier auprès de vos compatriotes de l’illégitimité des actes antisémites en France. Comme si vous aviez besoin de taper un peu quand même sur les actes d’Israël pour anéantir la virulence « antisioniste » verbale et physique qui se propage en France.
Mais enfin, qui êtes-vous pour venir expliquer à Israël ce que devrait être son destin ?
Avant le 7 octobre, certains d’entre vous manifestaient à Paris contre une réforme judiciaire israélienne que vous n’aviez pas comprise, et qui ne vous concernait pas. Aujourd’hui, vous venez ici faire la leçon à ceux qui luttent pour exister.
Nous n’avons pas besoin de vos conférences. Ni de vos conseils. Ni même de votre soutien hémiplégique.
Soyez courageux et engagez vous réellement pour Israël tel qu’il est ou venez maintenant y vivre pour faire entendre votre voix.
Car demain — et ce jour-là viendra peut-être plus vite que vous ne l’imaginez — vous serez heureux que ce pays vous ouvre encore les bras, lorsque la République que vous défendez avec tant de ferveur vous aura bannis.
Me Johann Habib, avocat franco-israélien
Ashdodcafe.com
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