N’ayons de cesse, dans nos efforts pour la nation d’Israël, prions pour que l’Eternel nous accorde Sa bienveillance et le pouvoir d’humilité et d’audace que Lui seul peut concéder.
Fondés sur les vertus traditionnelles et les valeurs de l’être Hébreu, les exilés Juifs, dans leur grande minorité, seront vite actifs au sein de nombreux groupes d’opposition.
Certains de ces mouvements se battront au nom des exigences des moments, telles les luttes pour protéger les Juifs européens de la Shoah, la lutte pour l’indépendance et la souveraineté des Juifs en terre d’Israël, les combats pour la libération des Juifs soviétiques, puis pour les Juifs syriens et éthiopiens. Les Juifs furent aussi résolument engagés dans les luttes pour un monde plus juste, plus pacifique: témoigner des droits de l’homme, faire de notre planète un environnement viable, sont une partie de leurs luttes quotidiennes.
Martin Luther King, Jr., déclare en 1965 :
« Comment pourrait-il y avoir antisémitisme chez les Noirs alors que nos amis Juifs ont démontré leur attachement au principe de tolérance et de fraternité, non seulement sous forme de donations substantielles, mais aussi de nombreuses autres manières concrètes et souvent au prix de grands sacrifices personnels.
Pourrons-nous jamais exprimer notre reconnaissance aux rabbins qui ont choisi de témoigner à Saint Augustine lors de notre récente manifestation contre la ségrégation dans cette triste ville?
Dois-je rappeler à quiconque les terribles coups portés au rabbin Arthur Lelyveld de Cleveland lorsqu’il a rejoint les défenseurs des droits civils à Hattiesburg dans le Mississippi?
Et qui peut oublier le sacrifice de deux vies juives, Andrew Goodman et Michael Schwerner, dans les marais du Mississippi?
Il serait impossible d’énumérer les contributions que le peuple juif a effectué en faveur de la lutte des Noirs pour l’émancipation – elles ont été si importantes. »
Et le rabbin Avraham Yeshoua Heschel d’ajouter :
« Nous sommes venus parce que nous ne pouvions pas rester silencieux devant le sang de notre frère. Nous l’avions déjà fait trop souvent. Nous avons fait entendre notre exhortation des autres, mais l’inactivité de nos mains a trop souvent révélé un silence intérieur … Nous sommes venus en tant que Juifs qui se souviennent des millions de personnes sans visage qui se tenaient silencieusement, regardant la fumée monter des crématoriums de Hitler. Nous sommes venus parce que nous savons que, juste après le silence, le plus grand danger pour l’homme est la perte de confiance en sa capacité d’agir. »
Les praticiens religieux traduisent au plus mal les questions posées par Dieu, en lieu et place où la voix et le verbe exigeraient que l’on harangue les foules contre l’immoralité, l’injustice, l’hypocrisie, l’insensibilité et la barbarie. Face à de tels maux, symptomatiques d’une société souffrante, les rabbins, en général, ne ruent guère dans les brancards, ni ne montent aux barricades pour combattre ce contre sens au projet Créateur. L’indifférence permet, trop souvent, à ces déviationnismes de circuler librement, sans que nul ne cille, ni ne crie garde. Au même moment, l’accent sera mis et exacerbé sur une religion décalée par son culte, ses cérémonies, ses rituels, ses amulettes, ses sépultures et ses relents magiques.
Pour les prophètes, la foi accompagnée d’un désintéressement au mal est une absurdité, une abomination envers Dieu. On se moque du Judaïsme lorsque des Juifs se livrent à des rituels vides ou les tolèrent, parallèlement à des actes immoraux. (‘Les Prophètes’ p.10 & 11)
Bien que le rite soit très nécessaire, le tourment et l’émoi de Dieu pour la justice sont rapportés avec force par le prophète Amos (5, 22-24):
« Quand vous M’offrez des holocaustes et des oblations, Je ne les agrée point; Je n’ai point de regard pour votre tribut d’animaux gras. Faites-Moi grâce du bruit de vos cantiques, que Je n’entende plus le son de vos luths! Mais que le bon droit jaillisse comme l’eau, la justice comme un torrent qui ne tarit point! »
Le prophète Osée (6, 6) proclame de la même façon, Dieu favorise la consécration morale et spirituelle de préférence à un rituel élémentaire et ostentatoire:
« C’est que Je prends plaisir à la bonté et non au sacrifice, Je préfère la connaissance de Dieu aux holocaustes. »
Malgré cela et trop souvent encore, les Juifs d’aujourd’hui ne dénoncent pas, ne manifestent pas contre l’injustice sociale et l’immoralité du genre, ils allèguent avoir étudié les enseignements éthiques des prophètes, beaucoup d’entre eux prétendent avoir assimilé et rationalisé l’inaction. Le Rav A.Y. Heschel accuse, à juste titre, l’échec de la religion à protester et à s’impliquer dans de véritables problématiques touchant à l’actualité:
« La religion a décliné non parce qu’elle a été désavouée, mais du fait d’être devenue sans objet, terne, oppressante, insipide. Quand la foi est complètement remplacée par l’habitude, quand la crise d’aujourd’hui est ignorée à cause de la splendeur du passé, quand la foi devient un héritage plutôt qu’une fontaine vivante, quand la religion ne parle qu’au nom de l’autorité plutôt qu’avec la voix de la compassion, son message perd tout son sens. (Heschel, L’insécurité de la liberté, 3, 4)
Nombre de Juifs demeurent fâchés par ce manque d’engagement moral et de mobilisation dans la lutte pour un monde meilleur au sein de certaines institutions religieuses juives. Les étudiants seraient beaucoup plus séduits par une religion et un rabbinat osant relever les défis du temps présent, bousculant les gênes du moment, n’ayant crainte de la censure et poursuivant vaillamment toutes les causes morales et justes.
Avouons-nous: l’incompétence de la religion à éveiller l’intérêt des idéalistes est, en partie, due à l’insuffisance de ses protestations contre l’injustice en général. Signe avant-coureur d’un total refus de collaboration avec la religion, la conscience est, ici, outragée par trop d’impudicité et d’impuissance sociale de la foi officielle.
Les textes prophétiques dévoilent un extraordinaire manège de vocabulaire, de thèmes et de métaphores, ils nous font entendre aussi leurs inspirations, ce fin discernement de l’ensemble relationnel entre les sphères sociales et naturelles. Si de nombreuses prophéties remettent en cause les conduites et comportement d’Israël, le destin de la terre reste intimement lié à la peine des délits de l’homme. Ainsi l’accession à la justice et au droit signifie manifestement bien plus que le bonheur humain et social.
Leurs récits sur le lien entre la justice sociale, la fécondité et l’équilibre du monde naturel témoignent de leur intime conviction en un ordre institué divinement. Un ordre n’exonérant nul ni personne de ses propres responsabilités.
Ces hommes, et plus particulièrement ceux qui occupent des postes de pouvoir ou d’influence, sont tenus pour responsables de la détérioration sociétale et environnementale. Le bien-être des pauvres et de la terre elle-même, s’avère être entre leurs mains.
Malgré les milliers d’années qui séparent ces textes prophétiques de notre situation actuelle, de notre état de crise écologique mondiale, leurs parlers attestent d’une intellection du monde, d’une grande pertinence pour aujourd’hui.
Leur propos nous interpelle encore, quant à la capacité de l’être humain d’altérer le bien-être de son propre environnement et de celui des autres, qu’il soit urbain ou naturel.
D’une sombre réalité de cause à effet, au cours de laquelle, les faits et gestes d’un groupe de personnes engendrent des résultats qui dénaturent les autres et souvent de manière dommageable.
Plus précisément, les opérations et les pratiques des nantis et des puissants génèrent de graves incidences sur les pauvres et les marginalisés, tandis que la surconsommation et la cupidité menacent le bien-être et la pérennité à long terme de la planète.
Pour ceux qui prétendent faire allégeance à Dieu, Son véritable culte est bien plus qu’une simple observance des rites et coutumes. Il se définit par des conduites et des comportements justes et judicieux, moraux et éthiques, Son glossaire révèlera l’équité, la probité, la justice, le droit, la responsabilité, le devoir, la volonté, le savoir, en particulier vis-à-vis de ceux qui souffrent de pauvreté et de privation.
« En ce jour, tu n’auras plus à rougir des actes qui t’ont rendue fautive à Mon égard, car J’éloignerai du milieu de toi tes exaltés d’orgueil, tu ne continueras plus à porter haut le front sur Ma sainte montagne. Je ne laisserai subsister dans ton sein que des gens humbles et modestes, qui chercheront un abri dans le nom de l’Eternel. Les survivants d’Israël ne commettront plus d’injustice, ne diront pas de mensonges; on ne surprendra dans leur bouche aucun langage trompeur; mais ils pâtureront, ils prendront leur repos, sans personne pour les troubler. » (Cephania 3, 11-13)
Rony Akrich pour Ashdodcafe.com