Par Guitel Ben-Ishay- terredisrael.com

La société israélienne traverse une époque sans précèdent au niveau social, et nos politiques sont amenés à placer au rang de leurs préoccupations prioritaires les problématiques internes, et non plus le conflit avec les Palestiniens. Un vent nouveau donc qui nous a donné envie de vous présenter quelques-uns des acteurs politiques israéliens francophones.

Emmanuel Navon pour le Likoud, Ariel Picard d’Israël Beitenou et le Rav Haïm Amsellem, fondateur du mouvement « Am Shalem » ont accepté de se prêter au jeu des questions/réponses. La règle est la suivante : nous leur avons soumis une série de questions, cinq communes et deux ou trois les concernant chacun individuellement.

Découvrez leurs réactions.  

Questions communes :

1)    Qu’est-ce qui vous a poussé à entrer en politique ?

2)    On dit qu’une fois au pouvoir, les hommes changent. Qu’en pensez-vous ?

3)    Quel est le point fort de la démocratie israélienne ? Son point faible ?

4)    Que vous inspire le mouvement de « protestation des tentes » ?

5)    Le fait que vous soyez francophone modifie-t-il votre approche de la politique et des débats de société ?

 

Emmanuel NavonEmmanuel Navon

Emmanuel Navon 

1) La conclusion à laquelle j’ai abouti après dix-huit années en Israël : Si on veut changer les choses dans ce pays, il faut du pouvoir politique. En tant qu’universitaire, auteur et conférencier, mon influence est limitée. L’extrême-gauche israélienne fait tout pour déjudaïser notre société, pour socialiser notre économie, et pour expulser les Juifs de Judée-Samarie. Il faut se jeter dans l’arène et se battre pour l’avenir de notre pays. Et cette arène, c’est la politique.

2)  L’ancien Président du Conseil italien, Giulio Andreotti, disait que le pouvoir n’use que ceux qui ne l’ont pas. Le pouvoir change les hommes qui y voient une fin en soi. Les grands hommes d’État, en revanche, ont un point en commun : un attachement profond au service de leur pays, et une fidélité d’acier à certains principes. Regardez Menahem Bégin.  C’était un homme humble, dévoué corps et âme au peuple juif. Il n’a jamais mis ses intérêts avant ceux du pays ou avant ses principes.

3) Le point fort de la démocratie israélienne est qu’il y a une véritable égalité devant la loi. Le fait qu’un juge arabe ait condamné un ancien Président (Moshé Katzav) à une peine de prison ferme prouve que personne n’est au-dessus de la loi et que les minorités non-juives ne sont pas discriminées. Le point faible de la démocratie israélienne est le mode de scrutin pour les élections à la Knesset (proportionnelle intégrale) et le mode de nomination des Juges à la Court suprême (système de cooptation).

4) L’extrême-gauche israélienne, relayée par des médias militants et sympathisants, exploite cyniquement des problèmes économiques et sociaux réels pour faire tomber un gouvernement démocratiquement élu. Ils ne cherchent pas des solutions mais uniquement une confrontation. Si l’immobilier est inabordable en Israël c’est parce qu’il n’y a pas d’offre.  Et il n’y a pas d’offre parce que l’Autorité nationale des terres abuse de son monopole. Or qui a créé et préservé ce monopole ? La gauche.

5) Le fait d’avoir grandi en France me permet d’approcher la politique et les débats de société sous un angle souvent différent de celui des sabras. Par exemple, les Israéliens ignorent souvent le fait qu’il existe d’autres modes de scrutin en dehors de la proportionnelle intégrale.  Si je suis capable d’expliquer les avantages du système majoritaire, c’est entre autres grâce à mon éducation en France. La culture générale et l’esprit critique que j’ai acquis en France me sont utiles pour débattre et convaincre.

6) Ne craignez-vous pas de devenir le nouveau Moshe Feiglin à la française ? Est-il possible de figurer en bonne place sur la liste du Likoud lorsque l’on défend les idées qui sont les vôtres?

Moshe Feiglin a commis à mon sens une erreur stratégique en révélant trop ouvertement ses intentions et en voulant être calife à la place du calife. S’il avait été plus discret, il n’aurait pas attiré l’antagonisme qui l’entoure. Ceci dit, il a une véritable force au sein du Likoud. C’est grâce à ses nombreux adhérents que des gens comme Danny Danon, Tzipi Hotoveli et Yariv Levine sont devenus députés. Il s’agit là d’une nouvelle génération montante de députés du Likoud, une génération qui est idéologiquement « fiable ».

7) L’Alyah a-t-elle encore une place dans le cœur des dirigeants d’Israël?

En général oui, mais cela n’est malheureusement pas le cas chez certains haut-fonctionnaires qui défendent des intérêts sectoriels. Par exemple, le Ministère de la santé souhaite annuler l’exemption d’examen pour les médecins français qui font leur Alyah. Comme je l’ai dit à la Commission de l’Alyah de la Knesset, il s’agit là d’une décision antisioniste qui vise à protéger les médecins israéliens de toute concurrence.  Sans pouvoir politique, on ne peut pas se battre contre de telles mesures.

8) Vous affichez votre soutien à Philippe Karsenty pour les élections législatives françaises. Quelle importance accorderez-vous au futur représentant des Français d’Israël à l’Assemblée nationale ?

Philippe Karsenty est un ami. J’admire son courage, je partage beaucoup de ses idées, mais n’approuve pas toujours son style. Il est le premier à avoir annoncé sa candidature. Lorsqu’il m’a demandé de le soutenir, j’ai accepté spontanément. J’ai pris certaines distances à la suite de dérapages regrettables dans cette campagne qui n’est pas la mienne, mais je continue d’en appeler à voter pour Philippe. Je ne peux pas imaginer de député plus pro-Israélien à l’Assemblée nationale.

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Ariel Picard

1) J’ai toujours été intéressé par la politique, même en France dans ma jeunesse. Arrivé en Israël, je me suis évidemment intéressé à la politique israélienne, j’ai adhéré au Likoud en 1990, j’ai été à la fin des années 90 membre du comité central et président du Likoud francophone de Jérusalem. D’ailleurs, j’ai participé à beaucoup de campagnes électorales  dont celle du referendum au sein du Likoud contre le retrait de Goush Katif. En 2009, j’ai quitté le Likoud pour Israël Beitenou.

2) Oui, en général, ils changent, parfois même complètement : Voyez Sharon ou Olmert. Ce qui m’a plu chez Avigdor Liebermann, c’est que lui ne change pas. Pourtant il est Ministre des Affaires étrangères et cela lui coûte en notoriété sur le plan international. Mais sa force est qu’il reste fidèle à ses engagements, ce qui est très rare dans la politique israélienne.

3) Son point fort : il s’agit d’une vraie démocratie avec une liberté d’opinion totale, ce qui n’est pas évident dans cette région.

Son point faible, c’est que le pouvoir exécutif est trop faible et qu’il ne peut pas vraiment imposer la politique pour laquelle il a été élu. Il y a aussi le problème du pouvoir des hauts-fonctionnaires qui, au lieu d’être des commis de l’Etat, se permettent d’intervenir et de bloquer des décisions gouvernementales  avec le soutien d’une certaine presse et de conseillers juridiques et cela très souvent pour des raisons politiques !!!

4) Si ce mouvement a réellement vocation d’aider les classes moyennes qui ont effectivement beaucoup de difficultés à boucler leurs fins de mois (j’en fais partie d’ailleurs), alors c’est une très bonne chose. Je pense aussi que le gouvernement doit saisir l’occasion offerte par cette protestation pour changer de cap au niveau social et je crois qu’il en sortira très renforcé sur le plan électoral. Rappelez-vous Pompidou en mai 68…..!

5)    Oui, je pense que nous avons une approche plus sociale des problèmes économiques parce que nous venons d’un pays (la France) où les avantages sociaux sont considérables. Venus en Israël par sionisme et par fidélité à l’histoire et au destin d’Israël, nous sommes moins sensibles à ce que les nations peuvent dire, le plus souvent à tort, contre Israël.

6) Pensez-vous qu’Israël Beitenou, en général, et Avigdor Lieberman, en particulier, ont réellement réussi à laisser leur marque au sein du gouvernement Netanyahou ?  

Faire le détail de tout ce qu’ont fait les ministres d’Israël Beitenou au sein du gouvernement serait trop long…. Il est évident qu’Avigdor Lieberman à la tête du ministère des Affaires étrangères veille à ce que Bibi Netanyahou, sous l’influence d’Ehoud Barak et de Dan Meridor, ne nous surprenne pas avec des initiatives qui mettraient en péril les habitants de Judée et Samarie, et par conséquent le pays tout entier. Pour l’instant il a bien réussi, vous ne croyez pas ?

7) Considérez-vous la communauté francophone israélienne sensible au discours d’Israël Beitenou ?

Tout à fait, d’abord parce que c’est un parti de droite qui ne tergiverse pas avec ses convictions même quand il est au gouvernement. Ensuite, les propos d’Avigdor Liebermann contre les excuses à la Turquie, les initiatives de Dany Ayalon son vice-ministre, pour contrecarrer l’influence de la presse et des organisations anti -israéliennes, ou les initiatives parlementaires de Fania Kirchenbaum  pour les enquêtes parlementaires sur les fonds des organisations israéliennes qui attaquent Tsahal montrent bien la détermination de notre parti pour vaincre le mensonge et la malhonnêteté à l’égard d’Israël dans le monde et particulièrement en France. Enfin, n’oublions pas que nous sommes un parti créé par des Olim, qui sont arrivés en Israël sans un sou et sans relations ; il va de soi que nous sommes les plus compétents pour comprendre et trouver des solutions aux problèmes des olim francophones !

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Rav Haïm Amsellem

1) Le désir d’agir pour l’unité du peuple d’Israël, dans l’esprit de la tradition de la Torah d’Israël, a toujours brûlé en moi.

Au départ, je pensais y parvenir par mes fonctions rabbiniques. Mais pendant toutes ces années  durant lesquelles j’ai exercé en tant que Rav, j’ai compris que pour amener à un réel changement, il fallait agir au niveau national. Ainsi, l’action pour unir le peuple juif pourrait se réaliser et aurait un impact aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.

J’ai constaté que les dirigeants n’avaient pas suffisamment de force pour agir de façon optimale.

2)    Je pense qu’il y a dans l’adage : « ce que l’on voit d’ici, on ne le voit pas de là-bas » une grande part de vérité. S’investir dans la politique israélienne permet de toucher du doigt la complexité des problèmes de société que les électeurs ne voient pas de leur place.

C’est pourquoi, entrer en politique nous amène parfois à modifier nos positions et nos opinions. Mais il ne faut surtout pas que les valeurs morales de la personne changent. Un leader doit savoir qu’il y a un prix à payer pour défendre ses idées et les faire avancer. Il ne peut pas fléchir et céder sans arrêt ou agir en fonction de la direction du vent.

3)    La force de la démocratie israélienne tient dans sa capacité à tenir bon malgré toutes les complexités du peuple israélien. L’intensité du débat sur la religion et l’Etat, les divergences quant au traitement de la menace extérieure permanente mettent en danger notre unité. Mais malgré tout, D’ieu merci, nous réussissons à vivre ensemble et à nous unir autour de grands objectifs.

Le point faible de cette démocratie est l’exacerbation de la division de la population en catégories et la volonté de radicalisation dans la revendication de ce qui nous différencie les uns des autres.

4)    Cette révolte de la population israélienne est juste et importante. Pendant des années, nous nous sommes focalisés sur les plans de paix, en vain.

Enfin, on voit ici une tentative de recentrer les débats autour de ce qui touche directement les Israéliens et de s’attaquer aux problèmes des inégalités.

Néanmoins, certains aspects de cette révolte me dérangent et j’essaie d’agir et de remédier à ces défauts. Il est très important pour moi que la voix des classes populaires soit entendue. Je me suis rendu dans plusieurs tentes de la périphérie. Apparemment, on a l’impression que tout cela n’est que le prolongement de ce qui est né à Tel-Aviv, Sderot Rothschild. Mais il est ressorti de mes discussions avec les personnes présentes qu’ils ne se battent pas exactement pour la même chose. Ils se battent pour leur survie quotidienne et pas pour avoir un loyer à 4000 ou 5000 shekels. Pour moi, il est important que leur voix ne soit pas étouffée.

5)    Je comprends sans doute mieux la demande de faire de l’Etat d’Israël un Etat providence qui s’occupe de services publics, de l’éducation, de la santé et des infrastructures. Le gouvernement doit trouver le juste équilibre entre faciliter la croissance, encourager les investissements et assurer le bien-être de ses citoyens pour une société plus juste.

6)    Quelle est votre définition du sionisme ?

Pour moi le sionisme, c’est le retour du peuple d’Israël à une vie souveraine sur sa terre. Cela implique un attachement à la terre, une annulation de l’exil, une véritable unité, la foi et la conscience d’une identité juive et un sentiment de responsabilité mutuelle et réciproque. Un étudiant de Yechiva qui se sacrifie pour étudier la Torah en Eretz Israël est un sioniste. Un soldat de Tsahal qui se sacrifie pour le peuple d’Israël est un sioniste. Éviter l’assimilation et résoudre la question des conversions de personnes ayant des ascendances juives, c’est le sionisme. Intégrer les nouveaux immigrants dans la société israélienne, c’est le sionisme.

7)    Votre mouvement « Am Shalem » va-t-il faire de la critique du Parti Shass son principal argument de campagne ?

« Am Shalem » est un mouvement juif social dont le but est de restaurer l’espoir au sein du peuple d’Israël. Nous souhaitons amener à plus d’unité au sein du peuple juif et pour cela nous voulons promouvoir les principes auxquels nous croyons.

Nous agirons pour faciliter l’association travail/étude de la Torah, pour amener une révolution dans les services religieux, pour résoudre la question du logement des anciens et nouveaux immigrants, pour faire baisser le prix des produits de base et encore bien d’autres choses.

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