Les infirmières Olot de France, chronique d’une mort annoncée Ou quand l’alya se fait le tombeau des illusions perdues
A l’heure ou l’hôpital Assuta se prépare à ouvrir ses portes à grand renfort de communication, c’est dans la plus grande discrétion et dans l’indifférence générale que des infirmières Olot de France doivent se résigner à devoir quitter Israël, leurs enfants sous le bras, leurs rêves en bandoulière, un gout amer dans la bouche, faute de pouvoir exercer leur métier.
Pourtant un an après le débat placé dans l’espace public par les medias, les allocutions à la Knesset et autres réunions avec les acteurs associatifs, politiques et institutionnels, les promesses et engagements fusaient, annonçant que la reconnaissance du diplôme était une priorité et que dans l’intervalle le dispositif serait largement facilité. La pénurie importante des infirmières en Israël ainsi que la reconnaissance du haut niveau de pratique professionnelle des Olot de France justifie à raison, une intégration immédiate au sein de l’hôpital avec un statut certes adapté.
Le pays manque en effet cruellement de personnels soignants, il y en aurait en moyenne 5,7 pour mille habitants, alors que leur nombre est évalué à 8,5 dans les pays de l’OCDE. Cette pénurie se traduit par un ratio infirmier/patient en deçà des standards exigés, ce qui est reconnu pour être à l’origine de bons nombres d’erreurs médicales. De plus, le manque de personnel concourt à devoir prioriser l’urgence au détriment des pathologies chroniques. C’est fort de cette conviction que l’association Qualita annonçait il y a donc un an, après une rencontre avec le directeur Shuki Shemer et le député Elalouf, la mise en place d’un programme d’intégration spécifique.
« Le président d’Assuta est prêt à recruter des centaines d’infirmières francophones, à les faire travailler dès le premier jour de leur alya (‘training on the job’) en leur donnant un permis de travailler provisoire jusqu’au passage de leur examen. D’ici là, nous espérons que nous aurons réussi, avec l’aide de Mr Elalouf, à modifier le décret qui régule le métier d’infirmière, et exempter les infirmières nouvelles immigrantes d’examen.
Shuki Shemer était directeur général du ministère de la Santé et maîtrise donc tous les processus de reconnaissance. Il a affirmé qu’il appuierait toutes nos démarches. » (1)
Au-delà du simple soutient de l’alya, cette décision trouvait naturellement sa justification dans la nécessité d’offrir aux patients francophones, particulièrement nombreux a Ashdod, des soignants qui étaient à même de s’exprimer dans leurs langues natales, qui appréhendaient leurs cultures et leurs attentes comme ce fut le cas pour les russophones, mais également d’apporter un regard et une pratique européenne aux soins infirmiers, tout en permettant à ces nouveaux immigrants de la classe moyenne de travailler en percevant un premier salaire indispensable.
Aujourd’hui, qu’en est il ?
Force est de constater que malgré la réelle volonté de l’hôpital Assuta, ou de la Meuhedet qui recherche à corps perdu des soignantes francophones, les freins institutionnels et les résistances sont tels qu’il est fort probable que cette initiative visant une intégration professionnelle ne voit jamais le jour.
En effet, l’infirmière générale nouvellement en poste au ministère de la santé, contrairement à l’engagement de son prédécesseur, met un veto catégorique à l’obtention d’un statut particulier « d’infirmière praticienne » pourtant provisoire pour les infirmières Olot de France, rendant toutes les initiatives de l’hôpital ou de la koupat Holim quasi caduques. Cette opposition claire à l’intégration d’infirmières européennes trouve également un écho au ministère de la santé ou l’on recherche plus a démotiver les candidates qu’a les soutenir. On a pu entendre ainsi que celles-ci n’auraient jamais l’examen traduit depuis peu en français, qu’il fallait de toute manière le passer en hébreu, que de toute manière il ne fallait être pressé et que deux ans (2) ou plus n’était pas la mer à boire…
Est-il utile d’évoquer le ministère de l’éducation qui refuse de reconnaître le diplôme d’état infirmier au grade licence (3) comme c’est le cas en Europe, ce qui conférerait à une infirmière réussissant l’examen terminal un statut professionnel totalement déclassé.
Les infirmières de France s’étonnent également du fait que le corps médical français: médecins, dentistes et pharmaciens puisse aujourd’hui exercer en Israël sans devoir subir ce processus alors que les standards de santé sont les mêmes…sauf à imaginer que la classe moyenne ne disposant ni des même ressources financières ni du même réseau ne puisse exiger la même écoute du gouvernement. L’expression « on ne prête qu’aux riches » semblerait ici se vérifier.
Devant tant d’oppositions, de tracasseries administratives et un taux de réussite à l’examen ridiculement bas, d’aucunes épuisés financièrement et moralement après un processus de plus de deux ans envisagent une reconversion professionnelle que le ministère de l’intégration leur refuse au motif qu’elles possèdent déjà d’un métier…..qu’elles ne peuvent pourtant pas exercer. Cette forme d’injonction paradoxale réitérée à l’envie finit par éteindre la volonté des plus combatives.
On pourrait certes à la lecture de ces lignes croire à un discours victimaire, néanmoins comment ne pas s’interroger sur la totale dichotomie qui s’exerce en autres avec d’autres olim comme les russophones par exemple. Comment peut on justifier par exemple la présence dans des cours préparatoires à l’examen final infirmier des candidats qui sont ambulanciers, physiothérapeutes, assistantes médicales……La liste est longue des clivages constatés entre les communautés, trop longue….
Les responsables ne sont pas fondamentalement les apparatchiks du système de la santé israélien, mais plutôt nos représentants élus ou autoproclamés car la seule chose qui permet au mal de triompher est l’inaction des hommes de bien; à plus forte raison quand leurs déclarations suscitent de faux espoirs aux conséquences lourdes, tant au niveau personnel que familial.
Il est donc nécessaire et urgent que les différents interlocuteurs (Mr Ariel Kandel de Qualita, AMI, AAEGE, Gvahim, Mr le député Eli Elalouf, Mr le prof Shuki Shemer, Dr Lasry maire d’Ashdod, la direction des Koupot Holim, enfin les parties politiques) fassent corps une fois pour toute et exigent collégialement du Ministre de la santé, le Rav Yaacov Litzman ainsi que du Premier ministre qu’il respecte ses engagements pris lors des attentats de paris. (2)
Mr Meyer Habib, député des Français de l’étranger et proche du Premier ministre Benyamin Netanyahu, qui s’était emparé du dossier des équivalences de diplômes français en Israël dès son élection en juin 2013 reconnait, après l’adoption d’une loi générale de facilitation de la reconnaissance des diplômes français en Israël et d’une reconnaissance des diplômes de dentistes et des pharmaciens, « qu’aujourd’hui cela bloque de manière incompréhensible sur plusieurs chantiers, notamment les infirmiers », ce qui l’a conduit à écrire une lettre au Premier ministre Netanyahu le 6 février dernier. Il prévoit de rencontrer prochainement le ministre Litzman afin d’aborder avec lui la situation des professions médicales et paramédicales dont les infirmières Olot de France, touché semble-t-il par l’évocation de cas individuels particulièrement émouvants. Cet engagement, qu’il faut saluer, ne peut néanmoins pas se substituer à l’action du collectif des associations qui ont pour vocation d’agir en ce sens.
Les derniers développements laissent donc à penser que faute de décision politique, ou d’une sollicitation immédiate du ministre de la santé par la direction de l’hôpital ou de la koupat holim, rien ne serait envisagé pour les infirmières Olot de France. Elles devront parce que françaises, traditionalistes, femmes et de classes moyennes soit poursuivre leur carrière dans la vente téléphonique de climatiseurs ou de mutuelles pour un salaire misérable, soit retourner en France ou au canada
Qu’elles fassent leur deuil de leur vocation, même si le pays manque cruellement d’infirmières, il convient de s’assurer du maintien d’un statu quo, de défendre le corps politique au détriment du corps des patients.
Bien évidemment aucun patient ne trouvera d’infirmière francophone dans les hôpitaux israéliens en général, ni celui d’Ashdod en particulier, si une décision n’est pas prise dans l’urgence au plus niveau.
L’intégration n’est pas une question de papier et d’encre, mais de regard et d’écoute. Cette fameuse question de l’intégration des olim de France qui se décline à l’envie sur les réseaux sociaux, n’est pas fondamentalement une question académique pré déterminée sur laquelle il faut réfléchir, elle est avant tout une question personnelle qui, un jour se pose ou plutôt s’impose à la conscience.
Cette « ola » était la et je ne l’ai pas vu, elle m’a appelé et je ne l’ai pas entendu.
Parce qu’il y a des larmes que le fonctionnaire ne voit pas, et malheureusement certains responsables ou élus non plus, il faut aiguiser nos yeux et nos oreilles pour entendre l’appel qui vient de nos » אחיות) »sœurs et infirmières) car la vie se doit d’être un regard et une écoute se traduisant par des actes, avant d’être un discours !
C’est cette conviction qui habite encore aujourd’hui les infirmières Olot de France, cette éthique qu’elles mettaient en pratique dans leur exercice professionnelle au chevet du patient que nous devons à notre tour leur restituer aujourd’hui car demain elles ne seront plus la…
Soutenons la coordination des Infirmières olim de France !
Exigeons la suppression d’un examen inique et l’intégration dans le système de santé israélien !
Aidez-nous à vous aider !
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(1) http://qualita.org.il/lhopital-assuta-ashdod-une-opportunite-pour-lalya-francophone/
(2) Actuellement l’infirmière ola de France doit après la traduction notariée de ses diplômes, obtenir la validation du ministère de la santé et de l’éducation si possible, valider un oulpan richon et beth ainsi qu’un oulpan médical, passer l’examen des cheva nekoudot et préparer un examen final qui reprend l’ensemble des trois années d’études avec une nomenclature totalement différente, soit un minimum de deux ans voir beaucoup plus si échec à l’examen.
(3) http://www.rncp.cncp.gouv.fr/grand-public/visualisationFiche?format=fr&fiche=8940