Pendant que la communauté juive de France s’efforce tant bien que mal de survivre en état de siège, ne sachant pas très bien combien de temps celui-ci durera, la vie politique française continue de se dérouler, suscitant doutes et inquiétudes. On pouvait en effet penser que « l’esprit du 11 janvier », comme on se plaît à le dénommer, allait souffler de longs mois encore sur le pays. Force est de déchanter.
Dimanche 8 février, dans la 4eme circonscription du Doubs, il s’en est vraiment fallu de peu, de très peu, que la candidate du Front national, Sophie Montel, ne batte le candidat socialiste. Certes, une victoire est une victoire, serait-elle acquise d’une seule voix de majorité, mais il ne faut pas se leurrer: dans « le pays réel » les thèses du parti de Marine le Pen et de Florian Philippot progressent à chaque consultation électorale et il n’est pas rare d’entendre pronostiquer que pour l’échéance de 2017 aucune hypothèse n’est à exclure, non pas même pour le Ier tour de la Présidentielle mais pour le second tour de cette consultation, décisive sous la Vème République. Ce ne serait là au fond qu’exercice de la démocratie puisque le Front National est un parti légal si précisément sa progression n’était le signe d’une usure de celle-ci en ce qui concerne tout au moins ce que l’on qualifie encore – serait-ce par antiphrase – les partis de gouvernement, à savoir le Parti socialiste et l’UMP. Au demeurant, dans son allocution de remerciements Frédéric Barbier, le nouveau député socialiste du Doubs, ne l’a pas dissimulé. Il a senti passer le vent du boulet et en appelle en urgence au sursaut de son parti qui ne saurait se contenter de surfer sur la vague déjà descendante du 11 janvier.
Quant à l’UMP, comment ne pas regretter le manque de décision claire qui a marqué les délibérations de ses instances dirigeantes à l’occasion de cette élection partielle certes mais à résonance nationale! Ce qui ouvre la voie à l’expression de doutes graves quant à la porosité de la droite de ce parti aux thèses dites « frontistes ». Faut-il alors entériner le diagnostic préoccupant de Sophie Montel selon lequel la vie politique française est désormais bipolarisée entre d’un côté le parti de Marine et de Jean Marie le Pen, et de l’autre ce qu’elle qualifie cruellement de « reste »?
La communauté juive ne peut pas ne pas s’en préoccuper même si la voix d’un Gilbert Collard tente de la rassurer. Les tueries de janvier ont révélé à quel point la France, laissée à sa ligne de plus grande pente, risquait une lente mais irréversible désintégration.
Afin de remonter cette pente dangereuse, il importe que les partis dits de gouvernement assument leur vocation et qu’ils ne se réduisent plus au champ clos où s’affrontent infatigablement des ambitions nues. La communauté juive, partie intégrante de la République française, doit discerner avec lucidité son horizon de menaces dont l’islamisme à l’évidence est une composante majeure et gravissime mais certainement pas exclusive.
Confondre le « vivre ensemble » avec le « survivre ensemble » serait désastreux pour l’avenir.
Raphaël Draï, Radio J, le 9 février 2015.