…”Je crois au réveil (quelque peu tardif…) du peuple juif en Israël. S’il avait entendu la sonnerie plus tôt, il n’y aurait peut-être pas eu de shoah. Mon grand-père (dont je porte le nom) aurait eu le temps de danser une dernière valse avec ma grand-mère sur les rives du fleuve Hayarkon…
Je suis sioniste.
L’hébreu est ma langue naturelle, celle dans laquelle je prie D., celle aussi dans laquelle j’insulte ce chauffard imprudent au feu rouge. Le légumier, ou encore l’automobiliste cherchant son chemin m’interpellent “mon frère…”. C’est vrai, je suis leur frère. La Bible, ce n’est pas seulement mon histoire, c’est aussi ma géographie: Le roi Saul a cherché les ânesses de son père sur la départementale 443. Jonas, le prophète, a pris la fuite par le port de Jaffa a quelque pas du restaurant de Margareth Tayar. C’est sur l’une des terrasses de Jérusalem (qui appartient à un oligarque russe) que le roi David espionnait Bat Sheva.
Je suis sioniste.
La première fois que j’ai vu mon fils en uniforme de Tsahal, j’ai explosé en sanglots. Depuis au moins 20 ans, je ne rate plus les célébrations de l’Indépendance. Et si mon plasma est coréen, il a appris à vibrer pour la « nivheret » (la sélection israélienne de football).
Je suis sioniste.
Je crois en nos droits sur cette terre. Ces gens pourchassés, opprimés ont le droit à leur nation, avec un F16 en prime. Je condamne avec fermeté l’antisémitisme de Londres à Bombay. Et pourtant, mes frères juifs, vivant en Diaspora, n’ont pas compris une chose élémentaire sur ce monde, Israël ne s’est pas construite dans le but de faire disparaître l’antisémitisme, mais pour ne plus avoir à rendre compte à quiconque.
Je suis sioniste.
En 1982, on m’a tiré dessus au Liban. Une roquette m’a raté de quelques mètres à Kyriat Shmone. Des Scuds sont tombés à coté de chez moi pendant la guerre du Golfe. J’étais à Sderot lorsque la sirène “Tseva Adom” a retenti. Des terroristes kamikazes ont explosés non loin de la maison de mes parents. Mes enfants ont connus l’abri avant même qu’ils ne puissent prononcer leur nom, blottis dans les bras de leur grand-mère venue de Pologne pour échapper à la mort. Et malgré tout, j’éprouve un profond sentiment de chance de vivre ici, je ne me sens vraiment bien dans aucun autre endroit.
Je suis sioniste.
Je crois au principe que tout citoyen vivant en Israël doit servir son pays, payer ses impôts, voter et connaître au moins une chanson de Shalom Hanokh…Je pense que l’Etat d’Israël n’est pas seulement un pays mais une idée, un concept. J’ai foi en trois nouveaux commandements gravés sur le mur du musée du mémorial de l’Holocauste à Washington: …tu ne pacteras pas avec le mal, tu ne te défileras pas, tu ne te porteras plus en victime…
Je suis sioniste.
J’ai contemplé la chapelle Sixtine au Vatican, j’ai même acheté des souvenirs devant Notre-Dame à Paris. J’ai contemplé en extase Bouddha au palais du roi à Bangkok. Mais Tel Aviv reste la ville la plus amusante, la Mer Rouge la plus bleue, les tunnels derrière le Kotel les plus émouvants. C’est vrai, je ne suis pas objectif. Mais je ne suis pas non plus objectif vis-à-vis de ma femme et mes enfants.
Je suis sioniste.
Je suis un homme moderne qui vit pleinement son passé. Je fais partie d’un peuple qui compte: Moise, Jésus, Maimonide, Freud, Marx, Einstein, Woody Allen, Bobby Fisher, Bob Dylan, Franz Kafka, Herzl et Ben Gurion. Je fais partie d’une toute petite minorité oppressée depuis la nuit des temps et qui a pourtant influencé l’humanité plus que n’importe quel autre peuple au monde. Pendant que les autres ont investis toute leur énergie dans le feu et le sang, nous avons eu l’intelligence d’investir dans l’intelligence.
Je suis sioniste.
Je regarde autour de moi et je suis fier. Je vis mieux qu’un milliard d’Indous, qu’1.3 milliard de Chinois, que toute l’Afrique réunie, que 250 millions d’Indonésiens, que les Thaïlandais, les Philippins, les Russes, que les Ukrainiens, et que tout le monde musulman (sauf peut-être le Sultan de Brunei). Je vis dans un pays ou les frontières sont quasiment fermées, sans grandes ressources naturelles. Et pourtant, les feux aux intersections fonctionnent sans arrêt, les ordinateurs sont connectés à Internet à haut débit, et si je t’oublie, O Jérusalem, que ma main droite se dessèche…
Je suis sioniste.
Le sionisme m’est naturel comme il m’est naturel d’être fils, papa ou mari. Certains se disent représentants du vrai sionisme, ils me font bien rire. Le sionisme ne se mesure pas à la taille de ta kippa, du quartier dans lequel tu vis ou encore pour quel parti tu votes. Mon sionisme, il est né bien avant moi, quelque part au cœur des rues enneigées de Budapest. Il a pris racine là ou mon père était occupé à comprendre pourquoi le monde lui en voulait tellement.
Je suis sioniste.
Je compatis à la mort de chaque victime innocente car moi aussi je fus jadis une victime innocente. Je n’ai aucune envie ou volonté d’adopter les principes moraux de mes ennemis. Je ne veux pas leur ressembler. Je ne pointe jamais mon glaive, je le tiens tout simplement près de moi au cas où….
Je suis sioniste.
Je ne porte pas simplement l’héritage de mes pères, je suis responsable du devenir de mes enfants. Nos pères ont créés ce pays dans des circonstances quasi impossibles pourtant ils ne se sont pas contentés de survivre. Ils ont fondés un pays basé sur des valeurs humaines et morales. Ils étaient prêts à mourir pour elles. Moi, je m’efforce de vivre pour celles-ci. »
Ce texte traduit de l’hébreu, a été écrit par Yair Lapid, poète, metteur en scène, traducteur, compositeur, écrivain, présentateur à la télevision et… Israélien.
Traduction française: Menahem Macina pour France-israël.org