Tout et son contraire : c’est un peu le résumé de ce qu’on entend sur Gaza. Pour certains, la bande de Gaza est une “prison à ciel ouvert” où l’on manque de tout y compris de nourriture. Dans le même temps, des photos de supermarchés pleins à craquer et d’hôtels de luxe circulent sur le net. Avec 1.5 millions d’habitants, des milliers de tonnes de marchandises achetées et livrées chaque jour aux Gazaouis depuis Israël, 7 années sous le joug du Hamas et quelques semaines après l’Opération Pilier de Défense : la situation à Gaza interpelle. Où en est-on aujourd’hui ? Qui s’occupe des Gazaouis ? Comment est répartie l’aide internationale ? Une enquête que vous ne lirez nulle part ailleurs.
Propos recueillis auprès du capitaine Adam Avidan, chef du département des relations internationales pour la coordination des activités entre Israël et la bande de Gaza. Basés à la porte du territoire palestinien, Adam et les dizaines de soldats dont il a la charge ont pour mission dans le cadre de leur service militaire de veiller au bien-être de la population de Gaza.
Y a-t-il un manque de nourriture ou de médicaments dans la bande de Gaza ?
La réponse est non. On ne manque de rien à Gaza. Toutes les marchandises et en quantité suffisante sont transférées vers Gaza. Les marchés sont pleins à craquer, les supermarchés aussi. Chaque jour, plus de 5000 tonnes de marchandises et de nourriture entrent dans Gaza depuis Israël par la porte de Kerem Shalom située à la frontière. Les Gazaouis commandent des produits en tous genres. Les basics : oeufs, farine, féculents, produits laitiers, viande, fruits et légumes, électroménager, voitures, médicaments, mais aussi des produits de luxe. Il n’est pas rare de voir des cargaisons de chocolat belge, de fromage français et même de jacuzzis entrer dans Gaza ! Seuls quelques éléments pouvant permettre aux terroristes de construire des explosifs sont interdits.
Une preuve de l’abondance à Gaza? La quantité de biens transférée correspond exactement à la commande des Gazaouis et, aussi surprenant que cela puisse paraître, le double de marchandises pourrait transiter chaque jour par Kerem Shalom, si les Gazaouis en faisaient la demande. Conclusion : seules 50% des capacités du point de passage sont utilisées.
Par ailleurs, notez que les transferts ne se font pas que dans un sens ! N’avez-vous jamais eu l’opportunité d’acheter des fruits et des fleurs importés depuis la bande de Gaza ? Régulièrement, les produits gazaouis s’exportent vers les marchés du monde entier, notamment des fraises, des oeillets et des tomates cerise. Une zone en crise réserverait sa production à sa population en priorité… Nous sommes bien loin de ça à Gaza.
Mais les Gazaouis ont-ils les moyens de les acheter ?
Si les supermarchés fleurissent, c’est que la demande à Gaza est suffisante pour qu’ils fonctionnent. Il existe une forte classe moyenne à Gaza, des fonctionnaires, des hommes d’affaires, des employés en mesure d’acheter tout ce qui leur faut, qu’il s’agisse de produits alimentaires essentiels ou du superflu. Gaza a aussi ses pauvres, comme Paris a les siens, Londres ou Tel Aviv. A vrai dire non. Paradoxalement, être pauvre à Gaza a ses avantages…
A titre de comparaison, l’aide de l’Onu pour les 2.6 millions de réfugiés afghans en 2012 s’élève à 139 millions de dollars tandis que celle versée aux 5 millions de réfugiés palestiniens au Moyen-Orient est de 1.2 milliards de dollars en 2011.
Qui vient en aide alors aux Gazaouis dans le besoin?
Sur 1.6 millions d’habitants à Gaza, 1.1 millions sont considérés comme réfugiés par l’Onu et se trouvent donc sous la responsabilité de l’UNRWA, un programme d’aide qui a autorité sur tout ce qui a trait à l’aide humanitaire, incluant une assistance en matière de santé, d’éducation, d’infrastructures, de bien-être et d’amélioration des conditions de vie dans les camps de réfugiés.
L’Onu finance aujourd’hui l’éducation de 50% des enfants de Gaza et paie les salaires des professeurs chargés de l’enseignement. Les camps de réfugiés de l’ONU à Gaza n’ont que leur nom de misérable – pas de tente ou d’installations précaires, mais des constructions en pierre, améliorées, modernisées et agrandies au fil des années : un contraste avec l’idée traditionnelle qu’on se fait d’un camp de réfugiés.
Qu’en est-il des 500 000 Gazaouis qui ne sont pas réfugiés ? En cas de besoin, ils peuvent avoir recours à l’aide d’autres associations humanitaires implantées à Gaza, comme la Croix-rouge ou le Programme d’aide alimentaire mondial qui ont également d’énormes budgets.
Si l’Onu et les organisations humanitaires s’occupent des Gazaouis, de quelle population le Hamas a-t-il la responsabilité ?
Officiellement, le Hamas est responsable du bien-être et des intérêts de toute sa population à Gaza. La réalité est toute autre. L’UNWRA et les autres organisations humanitaires couvrent la majorité des besoins des Gazaouis. Le Hamas, à qui il ne reste qu’une infime partie des responsabilités à gérer, joue l’aveugle et n’assume pas ses responsabilités au détriment de ses civils.
Le Hamas n’achète pas suffisamment d’essence pour faire fonctionner la centrale de Gaza. Résultat, plusieurs heures par jour depuis des mois, les Gazaouis sont privés d’électricité par leurs propres leaders. Un hasard ? Pas lorsqu’on sait que la seule pénurie enregistrée à Gaza ces derniers mois touche un domaine dont le Hamas est en charge.
Où passe donc l’argent du Hamas? Aux leaders de l’organisation terroriste qui habitent des villas, où l’eau propre, les produits de luxe importés de l’étranger et l’électricité ne manquent pas. Avec le reste, le Hamas peut acheter, avec l’aide de l’Iran, les roquettes, missiles, munitions qu’il tire contre Israël et installer de nouvelles rampes de tirs. Sinon, d’où viendraient les 1435 roquettes tirées contre Israël en 2012 ?
La seule chose que le Hamas gère est sa guerre pour faire disparaître Israël. Les tirs de roquettes et les attaques forcent Israël, tous les “X” années, à intervenir pour neutraliser ses infrastructures, ses armes et ses leaders. Les combats entre le Hamas et Tsahal dans la bande de Gaza entraînent la destruction de certaines infrastructures civiles et destabilisent l’équilibre social et économique. Les reconstruire coûte en temps et en argent et à chaque fois, les Gazaouis font un retour en arrière de plusieurs années.
Dans ce cas, comment expliquez-vous le silence des Gazaouis à l’égard de ses dirigeants et de la manière dont ils sont gouvernés ?
La population n’est pas aveugle, mais n’a pas le droit à la parole. A Gaza, on n’a pas pas d’autre choix que de soutenir le Hamas. Les opposants au régime sont enfermés ou supprimés – voir défenestrés, comme lors du grand nettoyage effectué par l’organisation terroriste après avoir pris le contrôle de la bande de Gaza en 2007.
Et ceux qui vous disent que Gaza est “une prison à ciel ouvert”?
Je leur réponds que les Gazaouis peuvent aller où ils veulent. Ils atteingnent l’Égypte via le passage de Rafiah – ouvert à tous – et de là, ils peuvent partir pour le monde entier. 350 000 Gazaouis ont utilisé la porte de Rafiah en 2012. Ils passent également la frontière pour se faire soigner dans les hôpitaux israéliens et/ou rendre visite à leurs proches en Judée-Samarie.
Comme à n’importe quelle frontière, l’identité des Gazaouis qui entrent en Israël pour s’y faire soigner ou pour rendre visite à leurs proches est vérifiée par les autorités israéliennes. Une nécessité, lorsque l’organisation terroriste qui contrôle le territoire voisin s’est jurée de vous détruire. Le Hamas est l’ennemi, pas la population de Gaza.
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