Pour les communautés juives en France et au-delà, ce changement n’est pas seulement inconfortable ; il est existentiellement déstabilisant.
L’engagement croissant d’Israël auprès des mouvements d’extrême droite européens n’est plus une anomalie isolée, il devient une habitude. L’invitation de Jordan Bardella, président du Rassemblement national (RN), à la prochaine conférence du ministère de la Diaspora sur l’antisémitisme n’est que le dernier chapitre d’un réalignement inquiétant. Loin d’être une manœuvre tactique, ce changement risque de trahir les valeurs mêmes qu’Israël prétend défendre et de mettre en péril les communautés juives d’Europe.
Pendant des décennies, Israël s’est positionné comme le gardien indéfectible de la sécurité juive dans le monde, une force morale contre l’antisémitisme sous toutes ses formes. Pourtant, on observe aujourd’hui une volonté croissante de dialoguer avec des partis qui, il n’y a pas si longtemps, étaient des parias politiques en raison de leurs associations avec le révisionnisme de l’Holocauste, l’ultranationalisme et la xénophobie. La justification est toujours la même : ces partis prétendent avoir changé, ils soutiennent désormais Israël et ils s’alignent sur la lutte contre l’extrémisme islamiste. Mais à quel prix ?
Le RN, malgré sa transformation rhétorique, demeure l’héritier idéologique du Front national, parti fondé par des négationnistes et des admirateurs du régime de Vichy. Si Bardella et Marine Le Pen ont cherché à assainir son image, le parti demeure un pôle d’attraction pour la ferveur nationaliste, les tendances autoritaires et un type de politique qui a historiquement mis en danger les communautés juives. Tendre la main au RN, c’est ignorer les profondes blessures que ce mouvement a infligées aux Juifs de France, une communauté qui a résisté pendant des décennies à son invasion.
Les conséquences de cette décision vont bien au-delà des considérations diplomatiques. Pour les communautés juives de France et d’ailleurs, l’adhésion d’Israël à l’extrême droite n’est pas seulement inconfortable ; elle est aussi existentiellement déstabilisante. Depuis des années, les dirigeants juifs mettent en garde contre la montée de ces mouvements, s’efforçant de les tenir à distance de la politique nationale. Aujourd’hui, ils se trouvent pris au piège d’une contradiction : comment peuvent-ils continuer à rejeter ces partis alors qu’Israël, l’État juif, leur accorde une légitimité ? Cette érosion de la clarté morale affaiblit la lutte contre l’antisémitisme sur le plan national et désoriente politiquement les institutions juives européennes.
Plus alarmant encore est l’avantage inattendu que cela procure aux antisémites de tous bords. Les militants d’extrême gauche et les islamistes radicaux, qui accusent depuis longtemps les communautés juives de complicité avec les forces réactionnaires, exploiteront cette occasion pour ancrer davantage leur message dans le discours dominant. Les théoriciens du complot se réjouiront de l’engagement d’Israël auprès de personnalités comme Bardella comme « preuve » de leurs accusations les plus insidieuses. Au lieu de réduire l’antisémitisme, Israël pourrait bien l’alimenter.
Ce schéma ne se limite pas à la France. Du Hongrois Viktor Orbán au Parti de la Liberté autrichien, Israël n’a cessé de courtiser les dirigeants nationalistes européens dont le bilan en matière d’antisémitisme est, au mieux, discutable. Le message est clair : tant que vous soutenez Israël, les avertissements antisémites passés, les alliances avec les néofascistes et les atteintes aux libertés démocratiques peuvent être ignorés. Cette approche transactionnelle peut générer des gains diplomatiques à court terme, mais elle sape fondamentalement la crédibilité d’Israël en tant que défenseur de la sécurité juive et des valeurs démocratiques.
Les dirigeants israéliens doivent se demander si cette stratégie sert réellement les intérêts juifs. La lutte contre l’antisémitisme est-elle réellement mieux servie par un rapprochement avec ceux qui l’attisent depuis des décennies ? Le renforcement des liens avec l’extrême droite européenne renforce-t-il la sécurité d’Israël, ou risque-t-il de s’aliéner les communautés juives qui en sont depuis longtemps les plus fervents défenseurs ?
Le danger de cette approche est clair : en recherchant la commodité politique au détriment des principes, Israël joue un jeu périlleux qui pourrait mettre en danger non seulement la communauté juive européenne, mais aussi les fondements moraux sur lesquels elle a été construite.
Times of Israel
Dov Maimon
Ashdodcafe.com
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