(Parachat Yitro)
Imaginez l’échange suivant : Sarah partage une histoire importante avec son ami Adam. Il semble distrait, et elle s’arrête pour vérifier s’il prête attention. Il lui assure rapidement qu’il écoute bien. Mais Sarah réplique : « D’accord, tu écoutes, mais m’as-tu vraiment entendue ? » Tout le monde peut imaginer une telle conversation. La différence entre écouter et entendre est cruciale pour ce que ressent Sarah dans cette situation. Elle ne veut pas seulement que l’on écoute ses mots ; elle veut être « entendue » et comprise. Or, la capacité d’entendre quelqu’un n’est pas toujours une tâche facile. Le nerf auditif et vestibulaire constitue la huitième paire des nerfs crâniens. Son rôle est de transmettre l’audition et la sensation d’équilibre depuis l’oreille interne. Entre l’oreille externe qui capte le son, l’oreille moyenne qui l’amplifie et l’oreille interne qui l’interprète, c’est cette dernière qui est la plus profonde et essentielle !
Dans la paracha de cette semaine, Yitro, le beau-père de Moïse, observe Moïse dans son travail et lui offre ce que l’on pourrait appeler une « critique constructive ». Moïse, comme nous tous, est humain, et il pourrait réagir de différentes manières à cette remarque. Pourtant, au lieu de se défendre ou de rejeter cette observation comme non pertinente, Moïse saisit l’occasion d’entendre réellement les conseils qu’on lui donne. Il finit par modifier son comportement en fonction de cette nouvelle compréhension de la situation.
Entendre véritablement ce que les autres nous disent est souvent difficile, surtout lorsque cela remet en question nos habitudes ou nous présente des idées nouvelles. Aller au-delà de l’écoute demande non seulement une oreille attentive, mais aussi une ouverture d’esprit et de cœur. Lorsque nous nous efforçons d’aller plus en profondeur, d’entendre plutôt que de simplement écouter, nous impliquons davantage notre interlocuteur et nous lui permettons de nous inspirer par ses paroles. Mais cela exige un changement intentionnel dans notre manière d’aborder une conversation. Simplement « écouter » l’autre est facile, mais nous pouvons satisfaire bien plus si nous nous ouvrons véritablement à l’entendement.
Chez Emmanuel Levinas (philosophe et éducateur juif français, 1906-1995), la distinction entre « écouter » et « entendre » prend une dimension éthique très particulière, allant bien au-delà d’une simple différence entre une perception passive et une attention active. L’écoute consiste en une perception passive du son, sans impliquer nécessairement une intention ou une ouverture spécifique. L’entendement, en revanche, suppose une attention active et délibérée, une ouverture à ce qui se présente à nous, et, dans de nombreux cas, une posture de dialogue ou de réponse.
Pour Levinas, entendre n’est pas seulement un acte sensoriel, c’est avant tout un acte éthique. Voici quelques points clés pour comprendre cette nuance dans sa pensée: le visage de l’autre, ou plus largement l’Autre lui-même, se présente comme un appel irrésistible qui nous interpelle moralement. Ce n’est pas simplement le fait d’écouter un son, mais la présence de l’Autre, qui nous met au défi, qui nous oblige à nous ouvrir et à répondre à cet appel.
L’entendement authentique, selon Levinas, est indissociable de la responsabilité envers l’Autre. Ce n’est pas un acte neutre ou simplement réceptif, mais une réponse à un appel éthique qui nous pousse à dépasser notre intériorité pour reconnaître la singularité et l’infinité de l’Autre. Pour lui, écouter un son ou un message ne suffit pas à établir une véritable relation. Entendre signifie aller au-delà de l’aspect instrumental de la perception pour entrer dans une relation avec autrui dans toute sa complexité.
L’entendement éthique implique un renoncement à une connaissance purement objective et une reconnaissance de l’altérité de l’Autre. Elle ouvre la voie à une rencontre où l’on reconnaît à la fois la vulnérabilité de l’Autre et sa singularité. L’écoute est une simple réception passive d’un stimulus sonore, une fonction physiologique ou sensorielle.
L’entendement, du point de vue de Levinas, est un acte éthique fondamental. Il signifie se placer dans une posture d’accueil, d’ouverture à l’Autre et à son appel. Il faut ainsi reconnaître la responsabilité infinie qui découle de cette relation. En résumé, pour Levinas, entendre ne signifie pas simplement percevoir un son. Cela signifie répondre à l’appel de l’Autre, accepter la responsabilité qu’il implique et s’ouvrir à une relation qui dépasse la simple perception pour accéder à une véritable expérience éthique.
Shabbat Shalom.
A 69 ans, il enseigne l’historiosophie biblique. Il est l’auteur de 7 ouvrages en français et 2 à venir sur la pensée et l’actualité hébraïque. « Les présents de l’imparfait » tome 3 et 4 seront ses 2 prochains ouvrages. Un premier livre en hébreu pensait et analysait l’actualité hebdomadaire: «מבט יהודי, עם עולם», il sera suivi par 2 autres ouvrages tres bientot. Il écrit nombre de chroniques et aphorismes en hébreu et français publiés sur les medias. Fondateur et directeur de l’Université Populaire Gratuite de Jérusalem et d’Ashdod. Il participe à plusieurs forums israéliens de réflexions et d’enseignements de droite comme de gauche. Réside depuis aout 2023 à Ashdod après 37 ans à Kiriat Arba – Hevron
Ashdodcafe.com
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