Monsieur le Président,

Au lendemain de l’assassinat de Samuel Paty, je vous avais écrit les lignes suivantes : « C’est une erreur de croire que la haine d’Israël est sans conséquence et sans danger pour la France. Cette erreur est à la fois politique, stratégique et morale. Erreur stratégique, car comment avez-vous pu penser que ceux qui brandissent le drapeau du Hamas en France le faisaient uniquement au nom de leur haine d’Israël, et que celle-ci ne pouvait pas, le moment venu, se retourner contre la France elle-même ? »

Aujourd’hui, ce sombre pronostic est devenu réalité. Non seulement la haine d’Israël n’a pas faibli en France depuis quatre ans, elle est même devenue le fonds de commerce d’un parti politique qui a pignon sur rue et avec lequel les partis dits de « gauche » sont désormais alliés en vue des prochaines élections. Non seulement la haine d’Israël a pignon sur rue et s’affiche sans vergogne dans des manifestations publiques quotidiennes dans votre pays, mais elle est devenue sous votre mandat un argument électoral ! Chose qui n’était pas arrivée depuis l’époque de Léon Blum.

Mais il y a pire que cela. Dans la France d’aujourd’hui, le boycott d’Israël – illégal en vertu de la loi française – est ouvertement pratiqué par votre gouvernement, à l’encontre de sociétés israéliennes qui se voient interdire l’entrée du salon Eurosatory. Et un tribunal français légitime ce nouveau Statut des Juifs (dirigé pour l’instant contre les seuls Juifs israéliens), en ordonnant de placarder sa décision inique sur les portes d’entrée dudit salon ! Monsieur le Président, vous avez récemment fait cette déclaration stupéfiante: « Nous serons implacables face aux actes d’antisémitisme qui ont augmenté de manière absolument inexplicable, inexcusable, inacceptable ».

L’explication de cette hausse sans précédent de l’antisémitisme dans votre pays n’est pas difficile à trouver. Regardez-vous dans un miroir : voilà l’explication ! Vos derniers propos contre Israël seront inscrits en lettres d’airain dans l’histoire des peuples, aux côtés d’autres petites phrases assassines, comme celle du général De Gaulle sur le « peuple juif sûr de lui et dominateur », ou comme celle de Raymond Barre sur les « Français innocents ». Vous êtes ainsi entré dans l’Histoire par la petite porte, celle des dirigeants français qui ont pris fait et cause contre Israël, aux moments les plus difficiles de son histoire.

Votre nom restera associé dans l’histoire de France à la période où les Juifs sont redevenus des parias, dans le pays qu’ils croyaient (à tort) être le leur. Il restera associé à la période où la France boycotte Israël, alors que notre pays se bat pour sa survie, contre des ennemis qui trouvent leur financement et leurs soutiens sur le territoire français… Votre nom restera associé à la France qui remet en vigueur le boycott d’Israël et instaure ainsi un nouveau Statut des Juifs. Votre nom restera associé à la période où les Juifs sont devenus persona non grata en France, et où Israël est devenu en France le Juif des Nations.

Pierre Lurçat

Pierre Lurçat est né à Princeton en 1967 et a grandi à Paris avant de s’installer à Jérusalem en 1993. Il est diplômé de l’ESSEC. Avocat, Pierre Lurçat enseigne le droit israélien et est traducteur.

NB Mon livre Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain vient d’être réédité aux éditions B.O.D. et peut être commandé dans toutes les librairies.