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Jérusalem est au conditionnel par Rony Akrich

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Depuis l’époque du roi Shlomo (Salomon), lors de la construction du premier Temple de Jérusalem, une croyance s’était répandue parmi les habitants de Yehuda : le Temple, la Maison de Dieu, allait protéger la ville et grâce à cela elle ne sera jamais détruite.

La croyance en l’immunité du Temple s’inspire d’un concept répandu dans l’ancien Proche-Orient. Il est dit que les dieux de la ville protégeraient leur cité et que leur temple était donc un lieu de sécurité. La croyance en l’éternité du Temple, en la force de Jérusalem est exprimée dans plusieurs textes bibliques – par exemple, dans les Tehilim (Psaumes):
« Il porta son choix sur la tribu de Juda, sur le mont Sion, qu’il avait pris en affection;
Il bâtit son sanctuaire [solide] comme les hauteurs célestes, comme la terre qu’Il a fondée pour l’éternité. »(78, 68-69)
Le fleuve…! Ses ondes réjouissent la ville de Dieu, demeure sainte du Très-Haut.
Dieu réside au milieu d’elle: elle ne sera point ébranlée, Dieu venant à son secours dès le lever de l’aurore.
Les peuples s’agitent, les royaumes chancellent; Il fait retentir sa voix: la terre se liquéfie! L’Eternel-Cebaot est avec nous, le Dieu de Jacob est une citadelle pour nous. Sélah! (46, 5-8)

La perception du peuple se reflète également dans les paroles des prophètes, selon lesquelles l’existence de Jérusalem est préservée pour toujours et le peuple est protégé par Dieu:
« …ils osent s’appuyer sur l’Éternel et dire: « Certes l’Éternel est au milieu de nous, aucun mal ne nous atteindra! » (Michee 3, 11)
« Ne vous fiez pas à cette formule trompeuse: « C’est ici le sanctuaire de l’Éternel, le sanctuaire de l’Éternel, le sanctuaire de l’Éternel! » (Jeremie 7, 4)
À la fin du 8e siècle av. notre ère, les Assyriens conquirent une grande partie de la Judée, détruisant des dizaines de villes fortifiées. Le roi Sannchériv d’Assyrie envoya, à Jérusalem, une lourde armée dirigée par l’un de ses officiers supérieurs, Ravshake. Cependant, pour une raison inconnue, l’armée assyrienne quitta la ville sans la conquérir. Il est possible qu’une rébellion ait éclaté à Babylone, forçant l’armée assyrienne à retourner vers l’est, ou peut-être s’agit-il d’une maladie qui s’est déclarée parmi les soldats vivant là dans des conditions d’hygiène insuffisantes.

Dans le Tana’h (la Bible), le retrait des soldats assyriens du siège de Jérusalem est décrit comme un véritable miracle:
« Aussi l’Éternel a-t-il fait cette déclaration au sujet du roi d’Assyrie: « Il ne pénétrera pas dans cette ville, n’y lancera aucune flèche, ne lui opposera pas un seul bouclier, et n’établira pas de redoute contre elle. 33 Il reprendra le chemin par où il est venu, mais dans cette ville (dit l’Éternel) Il n’entrera pas. Car Je la protégerai, cette ville, pour son salut, en faveur de Moi et de mon Serviteur David. Cette même nuit, un ange du Seigneur se rendit au camp assyrien et y fit périr cent quatre-vingt-cinq mille hommes; en se levant le matin, on aperçut tous ces cadavres. » (Rois 2 19, 32-35)

En 701 avant notre ère, Sannchériv échoue donc à conquérir Jérusalem, renforçant la conviction selon laquelle Dieu protège Sa ville, et ainsi elle ne sera jamais détruite. Les paroles d’Isaïe à propos de l’événement ont même renforcé cette croyance:
« Je te délivrerai ainsi que cette ville de la main du roi d’Assyrie, et J’étendrai Ma protection sur cette ville. » (Isaïe 38, 6)
Les prophètes d’Israël se sont opposés à ce concept. Ils croyaient que la ville serait détruite à cause des péchés de ses habitants.
Ainsi, Michée et Jérémie n’hésitèrent pas à appliquer à Jérusalem le sort de Samarie:
« Eh bien! à cause de vous Sion sera labourée comme un champ, Jérusalem deviendra un monceau de ruines, et la montagne du Temple une hauteur boisée. (Michee 3, 12)
« Je traiterai la maison qui porte Mon nom et vous inspire cette confiance ainsi que la résidence que Je vous ai assurée, à vous et à vos ancêtres, comme J’ai traité Shilo; Je vous rejetterai de devant Ma face, comme J’ai rejeté tous vos frères, toute la race d’Ephraïm. » (Jeremie 7, 14-15)

Jérémie a même utilisé un autre antécédent historique pour convaincre ses auditeurs de la vulnérabilité de Jérusalem :
« Mais rendez-vous donc à la demeure que J’avais à Silo, où tout d’abord J’avais fait résider Mon nom, et voyez comment Je l’ai traitée à cause de la perversité de Mon peuple Israël! 13 Et maintenant, puisque vous commettez tous ces actes, dit l’Éternel, que Je me suis adressé à vous sans cesse, et dès la première heure, sans être écouté par vous, que Je vous ai appelés sans obtenir de réponse » (jeremie 7, 12-13)
La force de la croyance en l’éternité et la force de Jérusalem était si enracinée que les prophéties de Jérémie, avertissant de l’imminence de la destruction, de la ville ont failli conduire à sa propre mort. En entendant ses propos, les prêtres et les ministres ont voulu le condamner pour les motifs suivants:
« Alors les prêtres et les prophètes dirent aux grands et à tout le peuple: « Cet homme mérite la mort, car il a prophétisé contre cette ville, comme vous l’avez entendu de vos propres oreilles. » (Jeremie 26,11)
Ses partisans travaillèrent dur pour le sauver de leur colère. Intéressés à cultiver la centralité et la force du temple, c’était le gagne-pain des prophètes, des pretres, des ministres et du roi devenus maîtres dans l’art de l’utilitarisme jouissif des pouvoirs.

En 586 avant notre ère, les habitants de Juda subirent un coup dur : Juda fut conquis, le Temple fut détruit et tous les grands du royaume, les personnages importants et leurs proches furent exilés à Babylone. La rupture n’était pas seulement une rupture physique, mais aussi spirituelle et théologique.
L’idée de Jérusalem, ville de Dieu sous Sa Protection éternelle, s’est effondrée…. remplacée par l’idée du Dieu d’Israël vaincu par le Dieu de Babylone. Cette incompréhension de la réalité aurait pu amener les Judéens exilés à perdre leur unicité religieuse et culturelle nationale les amenant à s’assimiler aux peuples de Babylone.
Dans le contexte de ce danger, l’opinion de Jérémie, d’Ézéchiel et d’autres prophètes s’est renforcée : le Dieu d’Israël n’a pas été vaincu par les dieux de Babylone, mais Il a provoqué la destruction de Juda à cause de ses fautes.
L’auteur du Livre des Rois, qui écrit l’histoire d’Israël et de Juda, place cette vision au centre de sa grande œuvre.

Cependant, à l’inverse des prophètes qui mettaient l’accent sur les déviationnistes de la morale sociétale comme cause de l’abandon Divin, l’historiographe a mis en évidence les péchés d’idolâtrie. Cette insistance pouvant provenir de son désir de transmettre un message à ses contemporains exilés pour rester à l’écart du culte des dieux babyloniens.
Jérémie reçoit un message Divin pour sortir et se tenir à la porte du Temple, probablement pendant l’une des fêtes de pèlerinage.
L’objectif est clair : toucher le plus d’auditeurs possibles, de plus, le sujet est le Temple lui-même.

Pour que le peuple d’Israël reste dans son pays, la condition serait une amélioration totale de sa justice sociale. La présence continue sur la Terre d’Israël est conditionnée à un comportement et une conduite religieuse appropriés, en deux mots : une conduite morale et éthique appropriée!

Le prophète avertit le peuple de ne pas se fier aux mensonges attestant de l’éternité du Temple. Il souligne la souillure des Dix Commandements, les principes de la Foi hébraïque, base de l’alliance entre Dieu et le peuple d’Israël.

Par conséquent, le peuple d’Israël, qui transgresse les commandements économiques et sociaux, sa relation au Créateur, viole l’alliance du Sinaï. Le prophète cite les deux précédents historiques suivants pour inspirer la confiance absolue du peuple : la destruction du temple de Shilo, aux jours d’Eli le prêtre et de Shmouel le juge et prophète, fut la preuve que Dieu n’hésite pas à détruire son Temple, lorsque les fautes morales du peuple deviennent inexcusables.

La destruction de Shomron, l’exil des dix tribus sont une preuve supplémentaire que Dieu permet la destruction d’une capitale appartenant à son peuple, et plus encore : Il permet aux nations étrangères de conquérir le pays et d’exiler son peuple de son pays!

SOYONS ET RESTONS DIGNES DE JÉRUSALEM!!

Rony Akrich pour Ashdodcafe.com

A 68 ans, il enseigne l’historiosophie biblique. Il est l’auteur de 7 ouvrages en français sur la pensée hébraïque. « Les présents de l’imparfait » tome 1 et 2 sont ses 2 derniers ouvrages. Un premier livre en hébreu pense et analyse l’actualité hebdomadaire: «מבט יהודי, עם עולם» Il écrit nombre de chroniques et aphorismes en hébreu et français publiés sur les medias. Fondateur et directeur de l’Université Populaire Gratuite de Jérusalem (Café Daat) . Participe à plusieurs forums israéliens de réflexions et d’enseignements de droite comme de gauche. Réside depuis aout 2023 à Ashdod après 37 ans à Kiriat Arba – Hevron.

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