Une équipe de chercheurs sous la direction du Prof. Inna Slutsky de la Faculté de médecine et de l’École des neurosciences de l’Université de Tel-Aviv, a découvert que la suppression de l’activité neuronale d’un petit noyau d’une zone spécifique du cerveau empêche la détérioration de la mémoire dans la maladie d’Alzheimer.  Les chercheurs espèrent que le succès de l’étude, réalisée sur un modèle animal, permettra d’accélérer le démarrage des essais cliniques chez l’homme, de faire progresser la détection précoce et la prévention de l’apparition des symptômes de démence dans la maladie d’Alzheimer, ainsi que le traitement des troubles cognitifs post-opératoires chez les personnes âgées.

shiri shoobL’étude, réalisée par la doctorante Shiri Shoob, a été publiée dans la revue Nature Communications.

En 2022, l’équipe de chercheurs du laboratoire du Prof. Inna Slutsky a découvert dans un modèle animal un phénomène cérébral pathologique qui précède l’apparition des premiers symptômes de la maladie d’Alzheimer de nombreuses années auparavant : une activité accrue de l’hippocampe pendant les états d’anesthésie et de sommeil, qui résulte de la dégradation du mécanisme de stabilisation du réseau neuronal.

Une percée dans les études sur l’Alzheimer

Dans l’étude actuelle, l’équipe du Prof. Slutsky, en collaboration avec le Centre Safra de neurosciences de l’Université hébraïque, a découvert que la suppression de l’activité neuronale dans un petit noyau d’une zone spécifique du thalamus (partie de la matière grise qui régule les états de sommeil), provoque une diminution de cette activité pathologique de l’hippocampe et empêche la détérioration de la mémoire dans la maladie d’Alzheimer dans un modèle animal.

« Dès 10 à 20 ans avant l’apparition des symptômes familiers des troubles de la mémoire et du déclin cognitif provoqué par la maladie, des changements physiologiques se produisent lentement et progressivement dans le cerveau des patients », explique la doctorante Shiri Shoob. « On constate une accumulation de dépôts bêta-amyloïde et des agglomérations anormales de protéine tau, une diminution du volume de l’hippocampe, ainsi que de nombreux autres phénomènes. De plus, environ 30 % des personnes qui présentaient une pathologie typique de l’Alzheimer lors de l’autopsie n’ont pas développé les symptômes typiques de la maladie au cours de leur vie. Il semble donc que le cerveau ait une capacité, certes limitée, à se protéger des dommages causés par la maladie ».

Inna slutsky 2024

L’étude s’est donc concentrée sur la recherche des mécanismes de protection dont dispose le cerveau contre les dommages causés par la maladie. Les chercheurs ont découvert que les premiers symptômes de la maladie d’Alzheimer, ceux qui apparaissent plusieurs années avant les manifestations de la démence, étaient plus facilement identifiables pendant le sommeil, et en particulier l’anesthésie générale. « L’anesthésie révèle la physiopathologie de l’activité cérébrale dans le modèle animal », explique le Prof. Slutsky. « Nous pensons qu’il existe des mécanismes qui compensent cette même pathologie à l’état de veille et prolongent ainsi la période présymptomatique de la maladie ».

Contrôler l’activité pathologique de l’hippocampe

Dans leur étude de 2022, les chercheurs avaient identifié, dans un modèle de souris de laboratoire génétiquement modifiées pour présenter les caractéristiques de la maladie d’Alzheimer, une hyperactivité de l’hippocampe, pendant le sommeil et l’anesthésie, provoquant une activité cérébrale pathologique semblable aux « crises silencieuses », des patients épileptiques, qui ne se manifestent pas extérieurement.

Pour examiner les mesures potentielles de traitement et de prévention, ils ont essayé diverses méthodes, en particulier la stimulation cérébrale profonde (SCP, ou DBS en anglais), envoyant des signaux électriques au noyau reuniens, un petit noyau dans le cerveau qui relie l’hippocampe et le thalamus, responsable de la régulation du sommeil.

« Lorsque nous avons essayé de stimuler le noyau reuniens à haute fréquence, comme cela se fait par exemple dans le traitement de la maladie de Parkinson, nous avons constaté que cela aggravait les dommages de l’hippocampe et les crises d’épilepsie silencieuses », explique Shiri Shoob. « Ce n’est qu’après avoir modifié le modèle de stimulation à une fréquence plus basse, que nous avons pu supprimer les crises et prévenir les troubles cognitifs. Nous avons montré que le noyau reuniens pouvait contrôler totalement ces crises, car au cours de l’expérience, nous avons pu augmenter ou diminuer les crises en le stimulant ».

« Les études épidémiologiques indiquent un lien entre le vieillissement et un phénomène appelé dysfonctionnement cognitif postopératoire, problèmes cognitifs qui surviennent après une intervention chirurgicale sous anesthésie générale », explique le Prof. Slutsky. « Chez les jeunes, les symptômes disparaissent généralement très rapidement, mais chez les personnes plus âgées, le risque de troubles cognitifs augmente et peut durer longtemps. Nos recherches indiquent un mécanisme potentiel sous-jacent à ce phénomène. Nous avons constaté que la suppression du noyau thalamique reuniens, par des moyens pharmacologiques ou électriques, a permis d’éviter à la fois l’activité pathologique de l’hippocampe pendant l’anesthésie et les troubles cognitifs après ».

« De plus, nous avons identifié une relation entre certaines activités pathologiques de l’hippocampe lors de l’anesthésie dans la phase présymptomatique de l’Alzheimer et des problèmes de mémoire à un stade plus avancé de la maladie. Cela indique qu’il existe un potentiel de prédiction de la maladie à l’état dormant, avant le début du déclin cognitif ».

« Nous avons vu que peu importe les moyens que nous utilisions, lorsque nous avons inhibé l’activité neuronale dans le noyau, nous avons également constaté une diminution de l’activité pathologique de l’hippocampe pendant l’anesthésie », a ajouté Shiri Shoob.

L’étude a été réalisée avec la participation des membres du laboratoire du Prof. Slutsky: Nadav Buchbinder, la doctorante Ortal Shinikamin, Halit Baeloha, et les Dr. Tomer Langberg, Daniel Zarhin, Ilana Shapira et Gabriella Braun, en collaboration avec le Dr. Naomi Habib et le doctorant Or Gold de l’Université hébraïque de Jérusalem.

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Photos :
1. Shiri Shoob
2. Le Prof. Inna Slutsky
(Crédit : Université de Tel-Aviv)