Du 24 au 27 novembre se tient le Black Friday, suivit du Cyber Monday, son prolongement, l’occasion pour tous de faire de bonnes affaires. Mais cette tradition commerciale venue des États-Unis est-elle réellement sans conséquences ?
Les différents organismes environnementaux appellent à “un réveil chez le consommateur, mais aussi chez les marques”.
Le Black Friday s’impose déjà sur nos écrans de téléphones et d’ordinateurs, inonde nos boîtes mail et orne les vitrines des magasins; impossible de passer à côté ! Apparu aux États-Unis dans les années 50, cet évènement dédié au shopping est arrivé en France il y a à peine dix ans, sous l’influence prépondérante d’Amazon. Bien que cette célébration commerciale américaine offre des réductions de plus en plus séduisantes, particulièrement appréciées avant les fêtes de fin d’année, il est essentiel de rester vigilant face à cet appel à la surconsommation. Une frénésie d’achats qui n’est malheureusement pas sans conséquences, tant sur le plan écologique que social.
Le Black Friday en quelques chiffres
Aux Etats-Unis, le consommateur américain prévoit de dépenser 567 dollars en moyenne durant le Black Friday
Les dépenses de cette semaine de Thanksgiving devraient atteindre de nouveaux sommets cette année. D’après un communiqué de la firme multinationale Deloitte, publié ce lundi 20 novembre, les consommateurs américains prévoient de dépenser 567 dollars durant cet événement de shopping, soit 13 % de plus par rapport à l’année dernière.
Huit personnes sur dix prévoient par ailleurs de faire des achats pendant cette semaine folle.
Après deux années touchées par l’inflation, on remarque dès lors que les consommateurs préfèrent se tourner vers les promotions de cette semaine de Thanksgiving, afin de notamment anticiper leurs cadeaux de fin d’année.
Un tiers des Français envisage d’effectuer des achats pendant le Black Friday
Du côté des Français, la folie semble avoir traversé l’Atlantique : cette année, plus d’un Français sur trois prévoit de profiter des promotions, d’après le panéliste Katar Worldpanel. La crise du pouvoir d’achat pousse les Français, comme les Américains, à privilégier leurs achats en promotion : « La croissance de 22% du chiffre d’affaires réalisée pendant le Black Friday ces 5 dernières années nous démontre que ce rendez-vous est devenu incontournable », comme le précise le panéliste.
Les articles les plus prisés restent les articles de mode, suivi de l’électronique, l’électroménager, les produits de beauté et les jouets.
La folie du Black Friday
Si le Black Friday fait le bonheur des uns, il incarne aussi le cauchemar des autres, et notamment des vendeurs et vendeuses !
Ce week-end de folie représente pour la plupart des commerçants l’un des chiffres les plus importants de l’année : « C’est clairement l’un des plus gros week-ends de l’année, on sait qu’on peut y réaliser trois, voire quatre fois le chiffre d’affaire d’un week-end classique, explique Maïlys, vendeuse à The Kooples. Nous attendons beaucoup de monde sur ce week-end de trois jours : j’ai même des clientes qui m’ont dit avoir posé des jours de repos pour l’occasion, c’est complètement fou ! » .
Attention cependant à la folie du Black Friday ! Ces prix attractifs risquent d’en attirer plus d’un. Selon les chiffres des USA, les jours de pointe restent le vendredi et le lundi majoritairement, avec 50 % des personnes interrogées qui se disent prêtes à se rendre dans les magasins entre minuit et 7 heures du matin (contre 31 %).
En France, le phénomène est similaire ; Antoine, vendeur pour l’enseigne Auchan, en a fait l’expérience : « L’année passée, au matin du Black Friday, c’était 150 personnes qui attendaient devant le magasin, alors que l’on ouvrait seulement dans deux heures ! Certains tapaient même à la vitrine, avec l’espoir qu’on leur ouvre plus tôt. »
Attention aux arnaques
Le Black Friday et le Cyber Monday peuvent aussi laisser place aux arnaques, notamment sur les prix des produits. Des clients ont effectivement remarqué que certains d’entre eux n’affichent pas les bons prix ; de fausses promotions bien divulguées, comme l’explique Sylvie, alors qu’elle se rendait dans une célèbre enseigne espagnole de prêt-à-porter : « J’ai eu la curiosité de soulever l’étiquette où il était affiché une promotion de – 50 % sur un pull-over, ce qui revenait à 30 €. En fait, le prix d’origine était déjà fixé à 30 € ; j’ai reposé directement le vêtement. ».
La découverte de cette cliente n’est pas anodine, et les organismes de lutte pour l’écologie et la surconsommation, telles que Génération Écologie, le signalent également : « Le Black Friday représente aussi une dimension de pratique commerciale trompeuse, car les réductions de prix sont fictives, comme peut l’expliquer Cécile, membre du collectif.
Des commerces qui n’hésitent pas à multiplier les fausses promotions et faire croire à leurs clients qu’il s’agit d’une bonne affaire, tout en jouant sur une législation ambiguë. La loi impose en fait aux marchands, lors de la mise en place d’une opération commerciale (Black Friday, mais aussi durant les soldes et autres promotions), de prendre comme prix de référence le prix le plus bas, qu’il a appliqué les trente jours précédents.
Pour illustrer, la réduction à laquelle Sylvie avait droit, aurait dû se faire sur le prix le plus bas de son vêtement, c’est-à-dire 30 €. Alors, son pull-over aurait dû lui revenir à 15 €.
Mais cette loi, pourtant renforcée en mai 2022, ne semble toujours pas être respectée par tous.
Le Black Friday, un désastre écologique
Le Black Friday symbolise également un vendredi noir pour notre planète Terre. Cet appel à la surconsommation n’est pas sans conséquences écologiques. D’après un sondage mené par Harris Interactive en 2022, 71 % des Français déclarent porter un regard positif sur l’évènement, alors que les produits achetés sont majoritairement issus du secteur de la mode ou du high-tech, qui compte parmi les productions les plus polluantes.
À Paris, les livraisons se voient multiplier par dix durant cette semaine, et participent sans aucun doute à l’émission de carbone.
Au-delà de l’empreinte carbone, la fabrication de ces objets nécessite beaucoup de matières premières, telles que l’eau, mais génère aussi beaucoup de déchets.
Pour fabriquer un t-shirt, il faut par exemple l’équivalent en eau de 70 douches. Un jean en demandera 285.
Du côté de l’électronique, la fabrication d’un ordinateur de 2 kg nécessite 588 kg de matières premières, et émet 114 kg de CO².
Afin de lutter contre cela, le ministère de la Transition écologique a récemment lancé une campagne publicitaire afin d’inciter les consommateurs à se tourner vers la seconde main, plutôt que de céder à l’achat de produits neufs. La campagne, intitulée « Posons-nous les bonnes questions avant de l’acheter », tente de questionner les ménages sur leurs actes d’achat, avec un ton humoristique.
« Les émissions de carbone associées à la fabrication des matériaux et des biens de consommation représentent 45 % de nos émissions, a détaillé Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, à travers son communiqué. Avec le levier de l’économie circulaire, nous pouvons donc agir sur 45 % de notre empreinte carbone ».
Pour ne pas plutôt soutenir le Green Friday ?
En vue de rendre cette journée plus durable, des associations écologiques se sont mobilisées autour du phénomène du « Green Friday », à l’initiative d’une association française créée en 2017, rassemblant plus de 500 acteurs mobilisés pour cette cause environnementale, tels que Emmaüs.
Cette journée de sensibilisation, relayée sur les réseaux sociaux avec le #GreenFriday, a pour objectif de redéfinir le pouvoir d’achat des consommateurs, comme l’explique Thibault Ringo, membre fondateur de l’association : « Nous sommes plusieurs acteurs engagés, qui souhaitent faire comprendre aux Français qu’il existe une autre manière de consommer, explique-t-il. Aujourd’hui, 90 % des Français achètent des choses dont ils n’ont pas besoin. Du côté du textile, l’industrie au plus grand impact écologique, on compte 5 millions de vêtements achetés par an, dont 4 millions sont jetés. Il est nécessaire de se rendre compte de cette surconsommation folle aux conséquences majeures sur l’environnement. ».
Durant cette semaine de shopping, le Green Friday et ses partenaires s’engagent dès lors à ne réaliser aucune remise sur leurs produits. Les entreprises adeptes du mouvement versent de plus 10 % de leur chiffre d’affaires aux associations luttant pour l’écologie.
« On remarque que les Français sont addicts aux promotions, mais pourquoi, relève-t-il. C’est parce qu’il y a un vrai problème sur le prix de base. Il faut qu’il y ait un réveil chez le consommateur, mais aussi chez les marques. »
Elena Rouet-Sanchez
lepetitjournal.com