La doctorante Saja Fadila, sous la direction du Dr. Moran Rubinstein de l’École de médecine et de l’École des neurosciences de l’Université de Tel-Aviv, a mis au point une thérapie génique innovante pour aider les enfants atteints du syndrome de Dravet, forme d’épilepsie sévère du nourrisson résistante aux médicaments, accompagnée d’un retard de développement, de troubles cognitifs et d’un risque élevé de décès prématuré. Les chercheurs espèrent que les outils développés dans cette étude ouvriront la voie également au développement de traitements similaires pour d’autres maladies rares.
L’étude, réalisée en collaboration avec le Dr. Eric Kremer de l’Université de Montpellier, avec la participation des doctorantes Anat Mevashov, Marina Bruzel et Keren Anderson de l’École de médecine et de l’École de neurosciences de l’Université de Tel-Aviv, ainsi que d’autres chercheurs de France, des États-Unis et d’Espagne, a été publiée dans la revue Journal of Clinical Enquête.
« Le syndrome de Dravet, qui touche environ une naissance sur 16 000, est considéré comme relativement courant parmi les maladies génétiques rares. Actuellement, environ 75 enfants vivant en Israël en souffrent. Il s’agit d’une forme d’épilepsie sévère qui débute par des convulsions fébriles vers l’âge de six mois, et évolue après l’âge d’un an, vers de fréquentes crises d’épilepsie spontanées accompagnées d’un retard de développement moteur et cognitif », explique le Dr. Rubinstein.
Un diagnostic retardé
Selon elle, les médicaments existants contre l’épilepsie n’aident pas suffisamment les enfants atteints qui courent un risque important de décès précoce. On sait que ce syndrome sévère résulte d’une mutation du gène SCN1A, absente chez les parents, qui apparait de manière aléatoire chez le fœtus. De plus, la maladie est imprévisible, et ne peut être découverte pendant la grossesse.
Selon les chercheurs, il est désormais courant de réaliser une analyse génétique chez les enfants qui souffrent de convulsions fébriles complexes vers l’âge de six mois. « Cependant, même si le test détecte que le problème est dans le gène SCN1A, le diagnostic final est souvent donné lorsque la maladie s’aggrave, s’accompagnant alors de crises convulsives spontanées sévères et d’un retard du développement », disent-ils.
Autre problème soulevé par les chercheurs : « Bien que la détection précoce soit très importante, le diagnostic est bien souvent retardé, et la plupart des enfants ne sont diagnostiqués qu’à l’âge d’un ou deux ans et parfois même plus tard. Des traitements récemment développés sur des souris se sont avérés efficaces, et certains d’entre eux sont déjà en phase d’essais cliniques chez l’homme. Cependant, ces traitements ne se sont montrés efficaces qu’à stades très précoces de la maladie, avant même l’apparition des symptômes. La thérapie génique étant une procédure complexe et invasive, elle ne peut être administrée aux enfants qui n’ont pas été diagnostiqués avec sûreté. Par conséquent, dans cette étude, et en tenant compte de l’âge du diagnostic final, nous nous sommes concentrés sur le développement d’un traitement efficace après l’apparition des crises convulsives, et même à un âge plus avancé. De plus, puisque le syndrome comprend également un retard de développement, nous avons cherché à développer un traitement qui soulagerait à la fois l’épilepsie et les symptômes cognitifs ».
Des résultats prometteurs
« Dans les thérapies géniques, il est d’usage d’utiliser des virus qui transportent du matériel génétique sain dans le corps du patient, afin qu’il s’ajoute à l’ADN endommagé et permette un retour à une activité normale. Dans ce but, le virus est modifié : on en retire le matériel génétique d’origine afin qu’il ne puisse pas provoquer de maladie ni se répliquer, et on le remplace par un gène sain pertinent. Dans le cas du syndrome de Dravet, il s’agit du gène SCN1A, qui est un gène très volumineux, et il n’était pas possible d’utiliser les virus communs qui sont habituellement utilisés à cette fin. Il fallait donc un virus capable de transporter et de transférer de gros gènes. Dans notre étude, nous avons résolu le problème en utilisant un virus appelé Adénovirus canin de type 2, pour transporter le gène sain », explique le Dr. Rubinstein.
Dans le cadre de l’étude, les souris malades ont été traitées au moyen du virus porteur d’un gène SCN1A sain, et le traitement s’est avéré efficace sous plusieurs aspects essentiels : amélioration de l’épilepsie, protection contre une mort précoce et correction significative des capacités cognitives.
Lors de l’étape suivante, les chercheurs ont injecté le virus porteur du gène sain dans plusieurs zones du cerveau des souris malades afin de le transmettre aux cellules nerveuses endommagées. 31 souris ont été traitées à l’âge de 3 semaines, après le début des convulsions spontanées (équivalent à l’âge d’un 1 à 2 ans chez les enfants malades), et 13 souris ont été traitées à l’âge de 5 semaines (équivalent à environ 6 à 8 ans chez les enfants). De plus, un virus vide a été injecté dans le cerveau de 48 souris à des fins de contrôle.
Les résultats se sont avérés prometteurs. L’efficacité la plus élevée a été observée lorsque le traitement a été injecté à l’âge de 3 semaines. Dans ce cas, les convulsions se sont complètement arrêtées seulement 60 heures après l’injection, l’espérance de vie a augmenté de manière significative et les troubles cognitifs (diagnostiqués à l’aide de tests de mémoire spatiale) ont été entièrement réparés.
Une plateforme génétique utilisable pour d’autres maladies rares
Même chez les souris traitées à l’âge de 5 semaines, une amélioration significative a été observée, se manifestant par une diminution de l’activité épileptique et une protection contre les convulsions fébriles. Chez les souris du groupe témoin qui ont reçu un virus vide, aucune amélioration n’a été observée, elles ont continué de souffrir des symptômes de la maladie comme si elles n’avaient pas été traitées du tout, et environ 50 % d’entre elles sont mortes prématurément à la suite d’une crise épileptique grave. De plus, le traitement a été injecté à des souris saines et ne leur créé aucun dommage, preuve qu’il n’est pas nocif.
« Dans le cadre de notre traitement, nous avons ajouté un gène sain aux cellules nerveuses endommagées du cerveau, ce qui a été suffisant pour leur rendre un fonctionnement normal. L’ajout du gène normal dans son intégralité est particulièrement important dans le cas du syndrome de Dravet, car la mutation se produit dans différents endroits du gène selon les enfants, et seul le gène complet constitue un traitement adapté à tous les patients. De plus, nous avons constaté que le virus choisi pour l’étude se transmets à de nombreuses cellules nerveuses dans le cerveau, et se propage largement au-delà du site d’injection », expliquent les chercheurs.
« Le traitement que nous avons développé est le premier à s’être révélé efficace pour le syndrome de Dravet lorsqu’il est administré après le début de crises convulsives spontanées, et le premier ayant conduit à une amélioration de la fonction cognitive des souris malades. Nous avons déposé un brevet, et nous espérons que dans l’avenir, il parviendra jusqu’à la clinique et aidera les enfants qui souffrent de cette maladie grave. En outre, nous examinons actuellement s’il peut également convenir à d’autres maladies génétiques neuro-développementales. La plate-forme que nous avons développée est une plate-forme plug & play (prête à l’emploi) pour les thérapies génétiques, et peut-être que dans l’avenir nous pourrons également utiliser le virus porteur pour transporter du matériel génétique normal d’un autre type, afin de traiter d’autres maladies », conclut le Dr. Rubinstein.
Photos:
1. Le Dr. Moran Rubinstein
2. La doctorante Saja Fadila
(Crédit: Université de Tel-Aviv)
https://www.ami-universite-telaviv.com