Actuellement, l’Administration fiscale peut demander des informations sur les comptes bancaires pour lesquels il existe des soupçons spécifiques et avec l’accord du Tribunal.
Un nouveau projet de loi permettra à l’Administration de recevoir des informations sur des comptes bancaires suspectés d’évasion ou de fraude fiscale, uniquement avec l’approbation du Médiateur.
Le secteur des affaires et le système financier sont en alerte en raison d’un projet de loi visant à ce que l’Administration fiscale puisse régulièrement recevoir des informations financières et bancaires d’entreprises israéliennes, mais également de particuliers, répondant à des critères qu’elle aura défini.
Il s’agit d’une énorme base d’informations, qui donnera un pouvoir important à l’Administration fiscale, et dont le but est de lutter contre l’évasion et la fraude fiscale en Israël.
Les informations qui seront transmises à l’Administration fiscale lui permettront de mieux surveiller les mouvements d’argent, tant dans le secteur des entreprises que dans le secteur privé, créant ainsi un effet dissuasif contre l’évasion fiscale et améliorant le recouvrement des impôts.
Pour peu que la Loi soit votée, elle devrait permettre au Gouvernement de percevoir environ 100 millions de shekels en 2024 et 800 millions de shekels par an après sa mise en œuvre complète.
La pression exercée par le ministère des Finances pour améliorer le recouvrement des impôts s’est dernièrement intensifiée à la lumière du ralentissement apparent de l’Économie, qui s’était déjà traduit par une baisse des recettes fiscales perçues de 4.40 % au cours du premier trimestre 2023.
Des inquiétudes ont récemment été exprimées quant au fait que la baisse continue attendue des recettes fiscales pourrait même conduire à la réouverture du budget de l’État, qui est actuellement en cours d’approbation.
En tout état de cause, la nécessité d’améliorer le recouvrement des recettes fiscales permet de faire avancer ce projet de loi à grands pas.
Au sein du système financier, l’on considère qu’il y a de fortes chances que cette proposition entre en vigueur, dans la mesure où le Comité de la Constitution est dirigé par le député Simcha Rothman, issu du parti sioniste religieux, celui de l’actuel ministre des Finances, Bezalel Smotrich.
Selon le projet de loi, les entités financières (banques, sociétés de cartes de crédit, sociétés d’investissement, etc.) seront tenues de transférer à l’Administration fiscale des informations concernant les activités financières de leurs clients.
La proposition prévoit entre autres le transfert régulier d’informations, qui impliquera que chaque entité financière devra transférer à l’Administration fiscale deux fois par an des informations sur les comptes bancaires des entreprises détaillant les montants portés au crédit et au débit des comptes bancaires.
Elle prévoit également – et c’est cette partie qui est la plus problématique – que l’Administration fiscale aura le pouvoir d’exiger des entités financières, en particulier des banques, le transfert d’informations sur leurs clients particuliers.
La demande d’informations se fera au cas par cas, dès lors que des suspicions planent sur le compte bancaire.
Ainsi, par exemple, l’Administration pourra demander des informations pour des particuliers recevant des fonds d’un montant inhabituel par le biais d’applications de paiements.
Le projet de loi prévoit cependant des gardes-fous permettant de limiter le pouvoir dont pourrait potentiellement disposer l’Administration.
Ainsi, ces demandes nécessiteront l’approbation d’un comité spécial et du Médiateur pour que le Gouvernement puisse recevoir les informations demandées.
Par ailleurs, est également discuté de qui seraient les fonctionnaires du Fisc habilités à avoir accès à l’information, combien de temps elle serait disponible et ce afin de tenter encore une fois de limiter leur pouvoir.
À noter que le ministère des Finances avait déjà tenté en 2015 de faire passer cette loi, avant d’être rejetée en raison de nombreuses objections de diverses entités juridiques.
Le ministère des Finances et l’Administration fiscale rejettent les allégations de violation de vie privée.
Selon eux, recevoir les informations bancaires des entreprises est légitime, dans la mesure où ces dernières sont tenues de déclarer leurs revenus et leurs dépenses ; les informations bancaires auront simplement pour finalité de s’assurer de la concordance de leurs déclarations et serviront à dissuader de l’évasion fiscale.
Pour ce qui est des particuliers, l’Administration rappelle qu’elles sont similaires à celles transmises dans le cadre des conventions FATCA et CRS (normes internationales portant sur l’échange d’informations avec les États-Unis et avec les pays membres de l’OCDE), aux termes desquelles les banques étrangères transfèrent les informations sur les comptes bancaires détenus en leur sein par des Israéliens à l’Administration fiscale.
Le but avoué de ces mesures est une guerre totale contre l’évasion fiscale, considérée comme l’un des points faibles de l’Économie israélienne : le ministère des Finances avait précédemment estimé qu’elle représentait un peu plus de 20 % du PIB et qu’elle avait considérablement augmenté pendant la période de Covid-19.
Actuellement, l’Administration fiscale doit obtenir l’approbation du Tribunal, ce qui implique qu’elle ait déjà des soupçons sur l’entreprise/le particulier.
Il ne fait aucun doute qu’une telle mesure améliorera considérablement la capacité de l’Administration fiscale à lutter contre l’évasion et la fraude fiscale (en supposant qu’elle développe des outils lui permettant de traiter les énormes quantités d’informations qui lui parviendront) et améliorera sa capacité de dissuasion.
En dépit des objectifs louables d’une telle mesure, la question se pose de savoir s’il ne s’agit pas d’un outil trop agressif pouvant porter atteinte à la vie privée.
Arnaud Sayegh
Avec l’aimable autorisation de KNE
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