Certains d’entre eux ont entrepris de se réapproprier un discours jugé partial dans lequel ils ne se reconnaissent pas, d’autres de partager le quotidien israélien qui n’est pas diffusé dans la sphère française.
Depuis un certain temps, les réseaux sociaux accueillent une nouvelle communauté de plus en plus active : les jeunes franco-israéliens. Ils sont étudiants pour la plupart ou viennent de terminer leurs études et ont un but : défendre le pays qu’ils ont rejoint plus jeunes avec leurs parents, ou seuls. Mais le combat ne se passe pas sur le front, il est présent et accessible partout, à portée de main via nos téléphones portables.
Certains scientifiques ont d’ailleurs déjà donné un autre nom au conflit israélo-palestinien : la guerre des mots. C’est effectivement ce qu’écrivait le professeur en communication Jérôme Bourdon (2009) : « le conflit est une affaire de mots et une confrontation interminable entre des points de vue incompatibles ».
Le souci de cette nouvelle forme de guerre est qu’elle fait surgir des récits si effroyables qu’ils en deviennent un vrai theatrum mundi. Ils déclenchent une réelle forme de catharsis et rassemblent des foules qui peuvent potentiellement se rebeller. Difficile de contrer les ardeurs de certains. On se souvient, par exemple, de la manifestation pro-Gaza en 2014 où des cris de « mort aux juifs » résonnaient en plein Paris.
Le conflit continue cependant et les querelles semblent interminables et se terminent souvent en insultes sur les réseaux sociaux. Mais il ne faut pas s’y méprendre : il s’agit d’abord bien d’une guerre qui impose à l’Autre une prise de position. C’est peut-être l’une des raisons pour laquelle ce conflit est disproportionnellement mis en avant dans la presse française.
En excitant les foules, comme écrivait Gustave Le Bon : « on élèverait une pyramide plus haute que celle du vieux Khéops avec les seuls ossements des hommes victimes de la puissance des mots et des formules ». Mais les mots ne sont pas les seuls moteurs de cette conflagration. Le Bon écrivait que les images sont aussi un facteur faisant surgir une forme de violence entre les hommes. Le conflit israélo-palestinien est loin d’être épargné de ce côté. Il n’y a qu’à simplement taper sur le moteur de recherche Google : « conflit israélo-palestinien » ou encore « Palestine » pour voir des photos de guerre remplies de violence.
Ainsi, des jeunes, d’Israël ou de France, ont pris la décision de contrecarrer certains narratifs médiatiques qui propagent des contenus haineux sur les réseaux sociaux et ralentissent les chances de créer un dialogue entre les opposants du conflit israélo-palestinien. Les nouveaux outils de dialogue contemporains sont nombreux, comme Facebook, Instagram ou encore TikTok.
Voici quelques comptes de jeunes et/ou d’associations francophones qui luttent contre la désinformation sur Instagram, devenu une plateforme idéale pour les jeunes leaders en quête d’impartialité.
Depuis plusieurs jours, je sillonne Instagram et les comptes qui sont impliqués dans des organisations telles que des ONG ou qui prennent l’initiative de leur propre chef. C’est le cas par exemple de Diploact France, qui dit lutter contre la désinformation et la diabolisation de l’État d’Israël.
Ces jeunes franco-israéliens s’envolent pour la France et partent à la découverte d’étudiants français dans les campus afin de les sensibiliser et d’ouvrir le dialogue avec eux. Mais d’abord, qu’est-ce que Diploact ?
Diploact est né grâce à une organisation israélienne appelée Reservists on Duty. Cette dernière a pour objectif de dénoncer la désinformation à propos d’Israël par des mouvements comme le puissant Boycott, Divestment, Sanctions (BDS).
Elle peut être définie comme l’antithèse d’autres ONG comme Breaking The Silence ou B’Tselem qui accusent Israël de crimes de guerre dans les territoires dits disputés. Elles sont, dans le cas contraire, critiquées pour leurs prises de position peu claires voire clémentes vis-à-vis du terrorisme palestinien. Reservists on Duty a été créé en 2014 par des réservistes israéliens qui ont constaté un écart entre ce qu’ils ont vu et enduré durant le conflit de 2014 (Tzuk Eitan, appelé aussi « Bordure protectrice ») et les récits retransmis par les médias internationaux et pro-palestiniens.
Ces derniers observaient une déformation des événements qui s’étaient produits et ne se reconnaissaient pas dans les récits publiés par la presse internationale, qui se montraient souvent partiaux et/ou renvoyaient une image déformée voire méphistophélique de l’État d’Israël.
Diploact est actif sur les campus américains et comprend également un programme qui vise à lutter contre un anti-sionisme adoptant un discours de haine allant jusqu’à employer une rhétorique antisémite.
Depuis plusieurs mois, Diploact s’est mobilisé dans les campus français dans lesquels certains incidents se sont produits. Ce fut le cas en 2018 où des tags pro-palestiniens et antisémites étaient inscrits à Paris-Sorbonne 1 dans un local de l’Union des Étudiants Juifs de France (UEJF) : « mort à Israël », « ici c’est laïc ».
Preuve s’il en est qu’il y a bien un travail à faire. Diploact travaille d’ailleurs avec l’UEJF afin de pouvoir rentrer dans les campus et mettre en action leur plan de lutte contre la désinformation et la haine d’Israël.
Deux étudiants franco-israéliens, Isaac Abessira et Raphael Bécache ont ainsi raconté leur expérience et leurs objectifs au micro de Radio J en mai dernier.
Ils y expliquent que leur motivation provient de la volonté de rétablir et de rééquilibrer la partialité des récits médiatiques sur le conflit qui ne collent pas à la réalité de leur quotidien. Il était donc important pour eux, en tant que protagonistes du conflit, de pouvoir faire entendre une autre voix et une autre opinion que celle des protagonistes pro-palestiniens dans la société française. Ils insistent également sur la fonction de leur engagement qui ne consiste pas en une apologie de l’État d’Israël mais en une restauration d’un dialogue équitable entre différents points de vue.
Diploact est maintenant actif sur les réseaux sociaux et met en avant des éléments qui ne sont pas forcément retransmis dans les médias français et qui ont pourtant toute leur importance. C’est le cas, par exemple, du journal l’Humanité qui a publié sur son site le nombre de morts Palestiniens depuis janvier. Diploact a analysé et apporté des informations capitales en rappelant le passé terroriste de la plupart d’entre eux. Ces derniers, rappelle l’organisation, s’identifiaient avant tout comme « des martyrs » et des « combattants » de la cause palestinienne et ont été authentifiés par les groupes terroristes palestiniens du Jihad islamique ou du Hamas avant et après leur mort comme faisant partie de leurs mouvances.
Pourtant, ces groupes sont bien classés sur la liste européenne des organismes terroristes, sans que l’Humanité n’en tienne compte ni ne le précise. La tâche d’un journaliste n’est pourtant pas seulement de transmettre une information, mais également de rendre compte d’un événement de manière la plus impartiale et la plus objective possible. Or, Diploact montre que derrière cette information se cache un effet pervers : la désinformation cruciale du lecteur, en manque de contexte. Elle l’amène à les identifier comme des simples civils alors qu’ils projetaient de commettre des attentats contre des civils israéliens.
Parmi d’autres influenceurs francophones qui montrent (ou ont déjà montré) le bout de leur nez et souhaitent contrer l’anti-sionisme et l’antisémitisme sur les réseaux sociaux, le compte Instagram d’une jeune israélo-canadienne, IsraelwithCindy suivi par près de dix mille followers. Cette dernière fournit un contenu essentiellement en anglais, mais peut aussi publier certains contenus en français. Son Instagram est dédié à la culture, au paysage, à l’architecture et la gastronomie israélienne. Au lieu de n’y voir qu’une représentation de la guerre, Cindy nous fait voyager à travers tout Israël sur un ton drôle et nous montre un nouveau visage contrastant avec l’image internationale souvent abîmée par le conflit. Elle rappelle au monde que cette terre est avant tout pleine de surprises et de belles découvertes et non la seule incarnation d’affrontements.
Une autre influenceuse, moins connue mais dont le contenu concerne également l’anti-sionisme, est une franco-israélienne en doctorat de linguistique et d’analyse du discours qui a créé sa propre organisation YoureTalkingAntisemitism. Elle reprend cette phrase au célèbre Martin Luther King qui l’aurait prononcé à un événement à Cambridge, à Massachussetts à la fin des années 1960. La jeune femme s’attarde sur les discours de certains médias qui se montrent souvent partiaux et subjectifs voire dépassent le cadre de la raison. Elle utilise dans ses analyses des théories académiques reliées à l’analyse du discours, à la rhétorique, à la linguistique et à l’argumentation. En ayant tous ces outils en main, elle démontre comment certains discours anti-sionistes sont pétris de jugements et de stéréotypes qui rappellent certaines thèses antisémites du temps jadis. Son but est de démontrer à ceux qui affirment catégoriquement que les discours anti-sionistes n’ont rien à voir avec les discours antisémites que l’anti-sionisme rejoint souvent l’antisémitisme. Elle a analysé, parmi plusieurs articles, des passages du rapport d’Amnesty International qualifiant Israël de pays d’apartheid, des articles de la presse française ainsi que des commentaires laissés par les internautes dans les réseaux sociaux comme YouTube.
D’autres pages sur Instagram et francophones existent comme le compte de Dhimmi Réfractaire. Ce dernier réagit aux informations sur l’instant concernant les nouvelles venant d’Israël et la communauté juive de France. Il se définit d’ailleurs dans sa biographie comme un « judéo-provocateur ». Cette description trouve son écho à travers ses activités qui sont publiées à chaud. Dhimmi Réfractaire ne fait pas dans la dentelle. Avec un ton souvent tranchant, il n’hésite pas à percuter son public et à dénoncer certains discours anti-sionistes subjectifs et partiaux. Il pratique souvent le sarcasme face à la désinformation. À titre d’exemple, il reprend une vidéo du réseau social chinois Tiktok où l’on aperçoit une jeune femme sanglotant après avoir eu connaissance d’un raid à Jénine et évoque un réel « massacre » de l’armée israélienne. Dhimmi Réfractaire a reposté cette vidéo via son compte Instagram en y ajoutant les photos des neuf civils israéliens assassinés le 27 janvier à Neve Yaakov. Son message vise à montrer que le conflit ne touche pas seulement un seul peuple mais un autre qui mérite tout autant l’attention.
D’autres comptes Instagram existent. Ils sont anglophones et ont bien plus d’impact dans l’univers des réseaux sociaux. Pour ne citer que les plus connus et suivi par plusieurs milliers d’abonnés on peut trouver : rudy_Israel, ThatSemite, Uricohn, AdielOfIsrael, Samantha_inisrael, motiankari, Noa Tishby, eliran-ben-yair, ivymayisrael, theamyalbertson, dr. Sheilan Nazarian, YsabellaHazan, Elizabeth Savetsky, Hen Mazzig, Hananya Naftali, Yosseph Haddad et peut-être encore bien d’autres.
Leur travail s’insère dans la même vocation que celles des francophones : faire accepter l’existence d’Israël au sein des communautés arabes, ouvrir le dialogue avec eux, déconstruire les images et les représentations monstrueuses largement prêtées aux juifs Israéliens, informer sur le conflit du point de vue israélien afin d’apaiser les animosités produites par une communication pro-palestinienne très relayée dans les médias mainstream, éduquer et employer un discours raisonné et non culpabilisant, tenter des approches pacifiques pouvant mener à des futures négociations avec des pays peu enclins à une quelconque normalisation.
Le dialogue a permis de mettre en place les accords d’Abraham et la normalisation avec cinq pays : le Maroc, le Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Soudan et le Bhoutan.
Peut-être, les futurs modèles de paix viendront de ces influenceurs qui sauront ouvrir encore plus le dialogue et contreront les menaces qui pèsent sur les réseaux sociaux et les sociétés contemporaines.
source – fr.timesofisrael.com