Le Prof. Neta Erez, chef du laboratoire de biologie des tumeurs de la Faculté de médecine de l’Université de Tel-Aviv, et les membres de son équipe, le Dr. Noam Cohen et les doctorants Omer Adler et Yael Zait, ont découvert un mécanisme qui facilite la propagation des métastases cérébrales du cancer du sein et du mélanome, et montré que l’inhibition de son facteur-clé par des moyens génétiques réduit de manière significative la formation de ces métastases chez des souris. La découverte pourrait également aider à prédire la récidive métastatique dans le cerveau.
L’étude, réalisée en collaboration avec les Prof. Shlomit Yust Katz du Centre médical Rabin (Beilinson) et Tobias Pukrop de l’Hôpital universitaire de Regensburg en Allemagne, a été publiée dans la revue Nature Cancer.
Elle a été financée par l’Alliance de recherche sur le mélanome (MRA), le Centre de recherche sur la biologie du cancer de l’Université de Tel-Aviv, le programme de médecine personnalisée de la Fondation israélienne des sciences (ISF) et la Fondation allemande de recherche sur le cancer (DFG).
La grande responsable : la protéine LCN2
Les métastases cérébrales sont l’une des formes les plus mortelles de métastases cancéreuses, la durée de survie des patients atteints étant souvent de moins d’un an. Malgré les progrès réalisés ces dernières années pour le développement de nouveaux traitements du mélanome et du cancer du sein, l’incidence des métastases cérébrales ne fait qu’augmenter et le développement de meilleures stratégies thérapeutiques pour lutter contre elles devient urgent.
Dans cette nouvelle étude, les chercheurs de l’Université de Tel-Aviv ont identifié et caractérisé un mécanisme qui stimule la formation des métastases cérébrales, et découvert qu’une intervention modifiant ce mécanisme réduisait considérablement le développement de ces métastases dans des modèles murins.
Ils ont découvert qu’une protéine du nom de lipocaline-2 (LCN2) (codée par le gène LCN2), est en grande partie responsable de l’inflammation du cerveau, ou neuroinflammation, et que de plus, l’élévation du niveau de cette protéine dans le sang et dans les métastases cérébrales est associée à la progression de plusieurs types de cancer, et à des chances réduites de survie.
La LCN2 est une protéine du système immunitaire, produite par divers types de cellules et impliquée dans de nombreux processus liés au cancer, qui a été découverte grâce à sa capacité à se lier aux molécules de fer et à son rôle dans le processus inflammatoire de lutte contre les infections bactériennes.
« Nos découvertes ont révélé un mécanisme jusqu’à présent inconnu, passant par la protéine LCN2, qui joue un rôle central dans l’interaction entre les cellules immunitaires recrutées par le cerveau (granulocytes) et les cellules gliales cérébrales (astrocytes), et qui aboutit au processus inflammatoire et à la formation des métastases cérébrales. D’après nos résultats, la protéine LCN2 peut servir de nouveau marqueur pronostique et de cible thérapeutique potentielle », explique le Prof. Neta Erez.
Un nouveau marqueur pronostique des métastases cérébrales
Pour révéler ce mécanisme d’activation de l’inflammation cérébrale dans le micro-environnement (niche) métastatique du cerveau, les chercheurs ont tout d’abord utilisé des modèles de souris présentant des cellules de mélanome et des métastases cérébrales en provenance de cancer du sein.
« Nous avons montré que les signaux sécrétés dans le sang par la tumeur primaire stimulent l’activité inflammatoire des astrocytes dans le cerveau. Ceux-ci encouragent le recrutement vers le cerveau des cellules inflammatoires de la moelle osseuse (granulocytes), qui deviennent à leur tour la principale source de signalisation émise par la protéine LCN2 », explique-t-elle.
« Pour démontrer l’importance de cette protéine dans le développement des métastases, nous avons inhibé son expression chez les souris par des moyens génétiques, et avons alors constaté une diminution significative de la neuroinflammation et une réduction des métastases cérébrales. De plus, il s’est avéré que, dans les échantillons de sang et de tissus de patients présentant des métastases cérébrales de trois types de cancer, le niveau de la LCN2 était corrélé avec la progression de la maladie et des chances de survie écourtée, ce qui positionne le LCN2 comme un marqueur pronostique potentiel des métastases cérébrales ».
Vérifié sur des échantillons humains
« Nous avons de plus analysé le niveau de la protéine LCN2 dans le sang et le liquide céphalo-rachidien de souris présentant des métastases cérébrales et avons constaté qu’il augmentait considérablement chez les souris atteintes de mélanome et présentant des métastases du cancer du sein par rapport aux souris en bonne santé », ajoute le Prof. Erez. « Il est important de souligner que l’augmentation de la protéine dans le sang a précédé la détection des métastases cérébrales par IRM. De plus, les souris chez lesquelles les niveaux de LCN2 étaient très élevés ont développé par la suite des métastases cérébrales, renforçant encore la valeur de cette protéine comme marqueur prédictif de ces métastases ».
Les chercheurs ont également vérifié le taux de la protéine LCN2 dans le sang de patients atteints de mélanome au moment du diagnostic initial. Les résultats ont indiqué que ces patients présentaient des niveaux significativement plus élevés de LCN2 dans leur sang que les individus en bonne santé. De plus, les patients ayant développé des métastases cérébrales par la suite affichaient des niveaux beaucoup plus élevés de LCN2 dès le départ. Le niveau élevé de LCN2 dans le sang s’est également avéré corrélé avec des chances de survie plus faibles.
« Nous avons identifié un nouveau mécanisme lié à la protéine LCN2, qui assure la la communication entre les cellules immunitaires de la moelle osseuse et les astrocytes du cerveau et active les mécanismes inflammatoires, stimulant ainsi la progression des métastases dans le cerveau ; et avons démontré son importance. La valeur pronostique de la protéine LCN2, telle que nous l’avons identifiée à la fois dans des modèles murins et chez des patients cancéreux, suggère que la manipulation de cette protéine peut constituer une stratégie thérapeutique efficace pour retarder ou même prévenir la récurrence des métastases cérébrales », résume le Prof. Erez.
Photos :
1. Omer Adler, le Prof. Neta Erez, Yael Zait.
2. Le Dr; Noam Cohen
(Crédit: Université de Tel-Aviv)