À cause d’un tweet ironique mal interprété, l’auteure prolifique de Harry Potter affronte depuis quelques années une campagne de haine sur les réseaux sociaux, récemment relayée par le New York Times. J.K. Rowling y fait face aussi courageusement qu’elle dénonce l’antisémitisme croissant au Royaume-Uni ou qu’elle refuse de soutenir les boycotts culturels contre Israël. Ce que ses détracteurs ne lui pardonnent pas. Sept décennies après le maccarthysme, assiste-t-on outre-Atlantique à une nouvelle chasse aux sorcières ?
Dans le cadre d’une campagne publicitaire, le New York Times, journal connu pour ses positions woke et progressiste, diffuse en ce moment le tweet d’une Afro-Américaine qui voudrait que « Harry Potter n’ait jamais été écrit par J.K. Rowling ». Mais que lui reproche cette femme ? Grande fan du réseau social Twitter, J.K. Rowling (14,4 millions d’abonnés) de son vrai nom Joanne Rowling (« Jo » pour les intimes) avait partagé en juin 2020 un article évoquant les «gens qui ont leurs règles», en le commentant ironiquement : «Je suis sûre qu’il y a un mot pour ces gens. Feum ? Famme ? Feemm ? ».
Pour elle, le mot « femme » est ce qui définit depuis toujours une personne ayant ses menstruations. Elle s’est ainsi attirée la fureur de milliers d’internautes et dit avoir reçu des menaces de mort provenant de militants pour les droits des transgenres appelant à brûler ses livres. lls l’accusent d’être une « sorcière », une « TERF », c’est-à-dire une féministe radicale qui s’oppose aux droits des personnes trans dans les espaces non mixtes. Dans son essai « La question Trans », Claude Habib, professeure émérite à l’université Sorbonne Nouvelle, note que : « ces dernières années, plusieurs conflits ont défrayé la chronique, opposant les tenants du sens commun et la communauté LGBTQ qui menace de représailles judiciaires tous ceux qu’elle juge être « transphobes », appelant à annuler les personnes désignées à la vindicte publique ».
L’essayiste Laetitia Strauch-Bonart estime que cette « vague effrayante de censure qui gangrène l’Amérique commence à sévir en France ». Les acteurs fétiches de la saga Harry Potter, Emma Watson et Daniel Radcliffe, qui doivent en grande partie leur carrière à Jo, se sont même dissociés de ses déclarations et avaient demandé à ce que son nom soit retiré des affiches des films. En revanche, l’acteur Ralph Fiennes, alias « Voldemort », s’est dit choqué et écœuré par les agressions verbales que subit l’écrivaine britannique.
Les nouveaux censeurs
La cancel culture*, en français « culture de l’effacement ou de l’annulation », est un mouvement né en 2010 aux États-Unis qui consiste à dénoncer publiquement, en direct ou sur les réseaux sociaux, les actes, comportements ou propos de groupes ou d’institutions, des livres, des films, des célébrités ou de simples citoyens, susceptibles de « blesser » les minorités, pour es expulser de milieux professionnels ou pour exiger le retrait d’œuvres majeures telles que « Autant en emporte le vent » des plateformes de streaming, comme sur HBO Max. Tous les moyens sont bons : cyberharcèlement, lynchage médiatique, calomnie, procès…
À l’ère des réseaux sociaux, cette culture de la dénonciation et de l’humiliation publiques a trouvé une capacité de réplication illimitée. Il faut « annuler », supprimer la personne en altérant son image, en entravant son activité, en menaçant ses clients ou sponsors, jusqu’à ce qu’elle demande pardon, souvent en vain car elle est frappée d’une marque indélébile. « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose », disait Francis Bacon. Sur son site, J.K. Rowling raconte : « J’ai reçu une avalanche de mails et de lettres, dont la grande majorité étaient reconnaissants et encourageants de la part de personnes empathiques et intelligentes. Certaines travaillant dans la dysphorie de genre et avec des personnes trans, sont très préoccupées par la façon dont ce concept sociopolitique influence la politique, la pratique médicale et la santé. Elles s’inquiètent des dangers pour les jeunes, les homosexuels, de l’érosion des droits des femmes et des filles et de ce climat de peur qui ne profite à personne, surtout pas aux jeunes trans ».
Une vague de folie
J.K. Rowling n’est pas la seule dans ce cas. Fin 2021, 200 universitaires britanniques accusés de « transphobie », avaient dénoncé dans le Sunday Times le harcèlement violent de militants «woke» et la passivité de leurs universités.
« Une vague de folie et d’intolérance submerge le monde occidental », constate Jean-François Braunstein, auteur de « La religion woke ». De leur côté, les Américains semblent n’avoir rien appris de la sombre période du maccarthysme, où des persécutions étaient menées dans les années 50 contre les individus soupçonnés d’être proches du communisme, dans les milieux intellectuels, artistiques et cinématographiques, détruisant à jamais des vies et des carrières. En 1941, dans une parabole prophétique sur la montée au pouvoir d’Hitler, l’écrivain Bertolt Brecht faisait dire à son personnage Arturo Ui
«puisque le peuple vote contre le gouvernement, il faut dissoudre le peuple». Un récent exemple est celui de l’enseignant juif en biologie, Bret Weinstein, forcé à la démission de l’université Evergreen (État de Washington) après avoir refusé d’observer une « journée d’exclusion des Blancs » par des étudiants woke. Mais peu importe à J.K. Rowling, femme richissime et écrivaine « la plus libre au monde », elle persiste et signe contre vents et marées. Ce qui fait d’autant plus enrager les woke. De nos jours, pour parler librement, il faut être riche, très riche.
Raphaëlle Mazal
source : www.actualitejuive.com