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« LA FOSSE AUX LIONS » – Rony Akrich

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Une nouvelle génération dans la rue palestinienne a donné naissance à la «fosse aux lions» – un nouveau concept dans les glossaires israéliens et palestiniens.

L’absence d’affiliation à une quelconque organisation et la superficialité idéologique indiquent un changement dans l’état d’esprit de la protestation palestinienne – et l’activité continue de la « Fosse aux Lions » incarne trois menaces majeures en son sein.

Quelques minutes avant d’estimer que sa vie touchait à sa fin, Salman Imran, l’un des dirigeants de cette organisation, a envoyé un message vocal qui a rapidement « enflammé » les réseaux sociaux. Depuis une maison où il s’était barricadé dans le village de Deir al-Khattab près de Naplouse, Imran a encouragé les jeunes Palestiniens à suivre le chemin de la lutte et a expliqué qu’ils étaient confrontés à une « double occupation » : celle d’Israël et celle de l’autorité palestinienne.

Après avoir mené plusieurs attaques dans la région de Naplouse, Imran s’est finalement rendu aux forces de Tsahal, mais le groupe auquel il appartient grossit et constitue actuellement l’un des problèmes de sécurité les plus graves auxquels Israël est confronté dans l’arène palestinienne.

C’est une menace pour la sécurité, mais en même temps, une introduction aux processus profonds du système palestinien, à commencer par l’influence croissante de la jeune génération, aux caractéristiques uniques. Il s’agit d’un groupe actif dans la ville de Naplouse (en particulier dans la région de la Kasbah), mais il a, à une échelle plus limitée, des parallèles avec des institutions moins importantes comme la « Brigade de Jénine » et le « Nid de guêpe » opérant dans le camp de réfugiés de Jénine.

C’est une région avec une longue histoire très mouvementée, accompagnée par toutes sortes de violences – depuis l’époque ottomane, en passant par le mandat britannique, jusqu’à la « domination » israélienne.
L’analyse des portraits des militants du « Gov Aryot » fait apparaître plusieurs lignes saillantes.

La plupart d’entre eux sont nés autour de l’an 2000 (Génération Z), ils se souviennent donc de la deuxième intifada de manière relativement limitée.
Il y a 7 ans, ces jeunes étaient à la pointe de l’intifada au couteau et maintenant, devenus plus âgés, ils se sont « améliorés »: ils détiennent des armes et forment des organisations locales basées sur des connaissances et relations personnelles.
Une autre caractéristique importante de la bande et de ses semblables: le manque d’affiliation à une entité institutionnelle.
Les activistes montrent du mépris pour l’AP, considérée comme obéissante aux ordres d’Israël, et fait preuve d’une superficialité idéologique largement exprimée dans les messages et les vidéos distribués par l’organisation.

Les symboles du Mont du Temple, le fusil et la carte de toute la Palestine sont arborés ensemble, mais ne sont accompagnés d’aucun exposé idéologique. En pratique, une grande partie des membres de l’organisation n’a pas fait d’études supérieures, n’ont pas d’emplois permanents et sont connus pour leur activité criminelle ou leur implication dans des troubles et non pour une glorieuse « histoire » militaire ou politique.
Bien que l’organisation ne compte que quelques dizaines de membres, elle a une large résonance dans la jeunesse palestinienne. Cela est dû, entre autres, à son omniprésence dans l’espace en ligne, saturé de vidéos Tiktok dans lesquelles sont évoqués les attentats terroristes perpétrés par des membres de l’organisation et le « travail » de ses martyrs, dirigés par Ibrahim Navolsi, tué lors d’une opération de Tsahal au début du mois d’août et considéré comme l’un des pères de la « fosse aux lions« .
Elle reflète largement les anomalies de la vague d’escalade qui a eu lieu dans les territoires ces derniers mois, et il est encore trop tôt pour parler d’intifada.
La menace militaire qu’elle incarne est bien en deçà de celle du passé. La majorité absolue du public palestinien ne prend pas part à la lutte et préfère en général préserver le tissu stable de la vie civile. Les hostilités, elles-mêmes, sont surtout concentrées dans la région nord de la Samarie, tandis que d’autres parties des territoires, et en particulier les régions d’Hébron et de Bethléem, un calme et une stabilité relatives sont maintenues.
Pour l’instant « l’ennemi » est un ensemble de formations où des jeunes agissent de manière indépendante et non des organisations institutionnalisées et hiérarchisées.

La poursuite de l’activisme terroriste de la « fosse aux lions » incarne trois menaces majeures :
La première est, bien sûr, le préjudice continu causé aux forces de Tsahal et aux Israéliens résidants en Samarie.
La seconde est une copie possible en d’autres lieux et places, des territoires, par une génération qui aspire également à un « engagement non aligné ».
La troisième menace, et la plus sérieuse de toutes, reste la possibilité de voir le Hamas parrainer ces organisations, leur fournir une assistance financière, logistique et militaire et diriger leurs activités. Cela lui permettrait, une fois de plus, de promouvoir le terrorisme et la déstabilisation dans les territoires tout en maintenant la paix et la stabilité économique dans la bande de Gaza. Ce qui constitue en fait une application de la différenciation, mise en œuvre par Israël, entre les deux secteurs.

L’Etat Hébreu se trouve pris dans un véritable piège stratégique face à ces escalades.
Malgré une réalité politique plus que compliquée à la veille des élections, il semble que la nécessité d’une opération relativement etendue, dans le nord de la Samarie, pour éradiquer l’infrastructure terroriste qui s’y renforce, devienne irréversible.
Il y a environ un mois, l’Autorité Palestinienne a en effet commencé à vouloir faire respecter l’ordre public à Naplouse, mais s’est heurtée à l’opposition publique de Gaza. Il est peu probable qu’elle soit suffisamment puissante et énergique pour fournir une réponse adéquate.
Un vaste mouvement dans le nord de la Samarie devrait s’accompagner de plusieurs défis:
la possibilité que les troubles se propagent et mettent le feu a la poudrière; des effets secondaires dramatiques sur la bouillonnante Jérusalem et la bande de Gaza;
bien sûr – l’aggravation de la polémique politique, si tendue en Israël depuis ces dernières années et aggravée dernièrement, par les accords gaziers signés avec le Liban, comme toile de fond.
Si, et quand, Israël décidera d’un large mouvement militaire, il sera important de le mettre en œuvre tout en préservant un tissu de vie relativement stable dans d’autres parties des territoires, réduisant ainsi la possibilité d’extension du conflit. Essayer de maintenir une coordination régulière avec l’Autorité Palestinienne et la pousser, sur le plan sécuritaire et civil, dans les créneaux créés suite aux opérations de Tsahal. Il faudra s’assurer de l’affaiblissement, si ce n’est de l’éradication, du Hamas en Judée-Samarie et faire savoir à Gaza qu’Israël ne tolèrera plus aucune ingérence et promotion du terrorisme en Judée-Samarie et à Jérusalem.

A l’heure actuelle, il ne semble pas que des mouvements économiques à grande échelle, ou l’ouverture d’un horizon politique, puissent contribuer au renforcement de l’AP. Celle-ci souffre d’une image négative, non seulement pour ses liens avec Israël, mais aussi due à une très large corruption, un népotisme écrasant, une dégénérescence organisationnelle et un manque total de démocratie.
D’un point de vue stratégique, à mes yeux néophytes, tout gouvernement après les élections devra placer la question palestinienne en tête de son agenda en parallèle des questions socio-économiques. Nous ne pouvons plus continuer à supposer que les vieux paradigmes de « gestion des conflits » et de « paix économique » dans l’esprit du « le temps joue en notre faveur » permettront à la réalité existante de perdurer dans le temps.
Les événements de ces derniers mois fournissent des signaux d’alarme, autant par l’intensification des menaces sécuritaires, que pour la possibilité d’être forcés, par nos chers alliés, sans planification ni volonté, vers un État Palestinien. Après de nombreuses années, le gouvernement, la Knesset, sans oublier le public en Israël devront formuler, et assumer, une politique adaptée concernant la question palestinienne, comme celle des territoires.

Que ce soit à l’intérieur de la « ligne verte » ou au-delà, il faudra, « dare-dare », se préparer à prendre de franches décisions sur des sujets qui peuvent remettre en question une partie de notre pronostic vital.

Rony Akrich pour ashdodcafe.com

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