Souvent redoutée au moment du divorce par l’époux le plus aisé financièrement, parfois objet de fantasme de l’époux le moins fortuné, la prestation compensatoire est une notion juridique française qui n’a pas forcément son pendant à l’étranger. Comment peut elle être applicable lorsque vous vivez hors de nos frontières ?
La prestation Compensatoire renvoie à l’idée que le mariage est une entreprise commune à laquelle chacun des époux apporte son temps et son énergie, par son travail et/ou par sa participation aux conditions de vie de la famille.
Or, le divorce vient souvent mettre à mal l’équilibre financier des « associés » de cette « entreprise commune », d’autant plus dans un contexte d’expatriation où l’un des conjoints a sacrifié sa carrière au profit de celle de l’autre conjoint et se retrouve dépourvu de revenus ou de pension de retraite.
C’est précisément l’objet de la prestation compensatoire : compenser la disparité créée par la rupture du mariage. Elle doit permettre à l’époux dont les conditions de vie sont susceptibles de devenir nettement moins confortables, immédiatement et dans un avenir prévisible, de recevoir, le plus souvent, un capital versé en numéraire qui atténuera les effets du divorce.
Dans un cadre judiciaire, le juge examine les critères législatifs pour décider si la demande de prestation compensatoire est fondée et en fixer le montant.
Dans un cadre amiable, les époux, sur les conseils de leurs avocats, disposent d’une plus grande liberté pour déterminer son ampleur.
Les époux français qui vivent à l’étranger peuvent-ils solliciter une prestation compensatoire dans le cadre d’une procédure de divorce ?
Deux risques majeurs pèsent sur l’époux le plus démuni dans un contexte international.
- 1er risque lié à la compétence du juge :
Le juge du divorce français n’est pas toujours compétent pour statuer sur la demande de prestation compensatoire.
Si les époux sont tous les deux de nationalité française : le juge français est compétent pour connaitre à la fois du divorce et de la demande de prestation compensatoire.
En revanche, si un seul des époux est de nationalité française, par principe, le magistrat ne sera pas compétent pour connaitre de la demande de prestation compensatoire. Le divorce risquera ainsi d’être morcelé, le juge français ne pouvant trancher sur les conséquences du divorce relatives aux obligations alimentaires.
- 2ème risque lié à la loi applicable :
Même compétent, le juge français doit appliquer la loi du lieu de résidence de l’époux qui demande une prestation compensatoire.
Or, la prestation compensatoire est un concept de droit purement français qui n’existe pas dans tous les pays du monde.
Par exemple, si une épouse française attrait son mari français devant le juge français alors que leur résidence habituelle est fixée aux Etats-Unis, la loi applicable à la prestation compensatoire sera la loi américaine, loi du domicile de l’épouse qui est en demande.
Or, comme la plupart des pays du common law, les Etats-Unis ne connaissent pas la notion de prestation compensatoire puisqu’ils appliquent le concept de distributive law qui mêle notre notion de compensation financière avec la liquidation du régime matrimonial.
Les Français expatriés à l’étranger doivent donc rester très vigilants et soumettre par anticipation la question de la prestation compensatoire à la loi française.
1ère solution : la convention d’élection de for :
Les époux peuvent s’accorder pour désigner le juge français comme compétent pour connaitre de la demande de prestation compensatoire dans quatre hypothèses :
– si au moins l’un d’entre eux est de nationalité française ou
– si au moins l’un d’entre eux réside habituellement en France ou
– si la dernière résidence habituelle commune des époux était située en France, pour autant qu’elle ait duré au moins un an ou
– si le juge français est par ailleurs compétent pour statuer sur le divorce.
2ème solution : la convention de choix de loi applicable :
Les époux peuvent aussi se mettre d’accord pour désigner la loi française afin régir la demande de prestation compensatoire dans trois cas :
– si au moins l’un d’entre eux est de nationalité française ou,
– si au moins l’un d’entre eux réside habituellement en France ou
– si la loi choisie par les époux ou effectivement appliquée au divorce est la loi française.
Attention, les époux ne peuvent pas conclure de convention d’élection de for au cours de l’instance en divorce. La convention d’élection de for doit obligatoirement être conclue avant l’introduction de l’instance en divorce.
En revanche, ils peuvent signer une convention de choix de loi applicable à tout moment.
Ces conventions doivent être formulées par écrit, datées et signées par les deux époux.
3ème solution : l’outil incontournable, le contrat de mariage
Dans un contexte international, seul un contrat de mariage peut assurer aux époux une sécurité juridique en leur permettant de :
– choisir leur régime matrimonial (communauté réduite aux acquêts, séparation de biens, participation aux acquêts, communauté universelle etc..) ;
– prévoir des clauses d’élection de for en matière d’obligations alimentaires entre époux (pension alimentaire et prestation compensatoire) et de régime matrimonial ;
– prévoir des clauses de choix de loi applicable en matière de causes du divorce, d’obligations alimentaires entre époux et de régime matrimonial.
Afin de s’assurer que le contrat de mariage puisse être reconnu au gré des expatriations, les époux doivent veiller à respecter plusieurs conditions :
– être assisté de son propre avocat afin d’être pleinement informé sur les conséquences du ou des choix faits.
En France, les futurs époux doivent s’adresser à un notaire pour établir un contrat de mariage. La simple présence d’un notaire commun aux deux époux censé conseiller de façon indépendante les parties est suffisante.
Certains États, comme par exemple l’Allemagne, connaissent la figure du notaire. Un contrat passé devant une telle autorité devrait a priori avoir en Allemagne la même efficacité et aux mêmes conditions qu’en France.
Toutefois, dans d’autres pays, comme aux États-Unis, il faut que le contrat soit juste et raisonnable (fairness et absence de unconscionability). Ainsi, si les époux divorcent devant le juge américain, ce dernier vérifiera que les époux ont chacun bénéficié de conseils indépendants délivrés par des avocats et pourraient ne pas faire produire d’effet à un contrat passé devant une autorité unique, telle que le notaire.
– avoir été informé des éléments de patrimoine de l’autre (existence d’une financial disclosure dans les pays anglos saxons).
Le contrat doit mentionner ou être annexé d’une présentation détaillée du patrimoine et des revenus de chacun.
– Avoir fait traduire dans la langue maternelle de chacun le projet de contrat et le contrat de mariage définitif par un traducteur agréé lequel assistera au rendez-vous de signature.
Le contrat de mariage demeure la solution la plus adaptée pour protéger le régime matrimonial des époux nomades et réduire les risques liés à une éventuelle procédure de divorce engagée à l’étranger.