Le parent d’un ou une enfant qui suit une psychothérapie peut-il et dans quelles conditions, exiger du psychologue qu’il lui révèle à lui, ou au tribunal, les détails de la thérapie de l’enfant, et notamment le contenu des conversations que le thérapeute a eues avec l’enfant lors de la thérapie, afin de prouver des prétentions juridiques du parent ? C’est cette question fondamentale qui a été entendue et tranchée par la Cour suprême au mois de juillet 2022.
L’affaire portée devant le tribunal concernait une enfant de 10 ans, dont le père est un résident de Jérusalem-Est, et dont la mère est norvégienne. En 2019, la mère a demandé à émigrer en Norvège avec sa fille afin de vivre près de sa famille, et le tribunal a nommé un psychologue en tant qu’expert, pour que celui-ci donne son avis sur la question de savoir si l’émigration convergeait avec l’intérêt supérieur de l’enfant.
L’expert a recommandé que « l’enfant ne soit pas déplacée de son environnement naturel et habituel depuis sa naissance », et qu’elle suive une thérapie émotionnelle au vu de son état. Suite à cela, l’enfant a commencé une thérapie émotionnelle chez une thérapeute, assistante sociale clinicienne et psychothérapeute, avec l’autorisation et le consentement des deux parents.
Au bout de trois ans, la question de l’émigration a été à nouveau soulevée, et l’expert a été invité à réexaminer le sujet. Afin de préparer l’avis actualisé, l’expert a obtenu du tribunal l’autorisation de recevoir des informations provenant de la thérapeute de l’enfant. Après réception des éléments, l’expert a annoncé qu’il avait changé d’avis, et qu’il recommandait à présent l’approbation de l’émigration, au vu du désir sans équivoque de l’enfant à ce sujet.
Au vu de cet avis, le père demanda à recevoir les notes concernant la thérapie sur lesquels se fondait l’expert, ce qui lui fut refusé. La thérapeute a expliqué qu’elle s’opposait à transmettre aux parents les notes concernant la thérapie, dans la mesure où cela nuirait à la confiance de l’enfant et à sa compréhension que la thérapie est confidentielle, et qu’elle peut donc parler avec elle librement et révéler son monde intérieur et émotionnel, y compris critiquer ses parents, sans craindre que cela ne leur soit révélé. Suite au refus de la thérapeute de divulguer les éléments, le père a annoncé qu’il ne faisait plus confiance à la thérapeute, et a ordonné l’interruption de la thérapie.
Les trois instances judiciaires devant lesquelles l’affaire a été portée ont confirmé la position de la thérapeute, pour la simple raison que dans ce cas précis, dès le moment où la thérapeute a accepté de suivre l’enfant en thérapie chez elle, cette dernière a pris soin de faire signer aux parents un formulaire, dans lequel ils ont déclaré comprendre le caractère confidentiel qui s’appliquerait à la thérapie.
Malgré cela, en raison de l’importance de la question, la Cour suprême a choisi d’établir également un arrêt de principe sur cette question, pour les cas dans lesquels la confidentialité du traitement n’a pas été expliquée ni convenue d’avance ainsi que l’indique la Cour suprême.
« Les traitements psychologiques et psychothérapies effectués par les enfants, adolescents et adolescentes, nécessitent souvent la révélation d’informations au thérapeute que le patient n’est pas prêt à partager avec ses parents… Dans de tels cas et dans un certain nombre d’autres, le succès du traitement dépend, dans une large mesure, du maintien d’une stricte confidentialité en tant que droit accordé au mineur traité de manière indépendante de la volonté de ses parents ».
Les règles de confidentialité déterminent que seul le patient dispose de la confidentialité, et par conséquent lui seul peut y renoncer, et ce même s’il est mineur. Bien que les parents agissent en tant que tuteurs de leurs enfants, cela ne saurait porter atteinte au droit indépendant de l’enfant à sa vie privée, tant que le maintien de ce droit ne met pas en danger sa vie ou sa santé.
A la lumière de ces éléments la Cour suprême a souligné les considérations dont les tribunaux devaient tenir compte lorsqu’ils sont saisis d’une demande de divulgation d’éléments concernant une thérapie d’un mineur :
L’incidence de la divulgation de la thérapie au parent face au bien-être mental de l’enfant
Dans quelle mesure la non-divulgation porte-t-elle atteinte à la capacité de garantir un procès équitable au parent de l’enfant au vu de l’importance des informations confidentielles dans le cadre de l’affaire
La possibilité d’obtenir l’information pertinente d’une autre source sans compromettre la confidentialité de la thérapie
Les conséquences du maintien de la confidentialité du traitement et sa suppression vis-à vis des tiers.
Article paru dans Israel Magazine et sur le site internet du cabinet d’avocats