Selihot vient du mot « seliha » סליחה pardon. Pour demander à quelqu’un de nous excuser ou de nous pardonner pour un acte manqué, ou pour une faute, nous demandons pardon. סליחה Il existe un autre mot : « mehila » מחילה qui comporte une nuance plus appuyée : non pas seulement excuse, mais un pardon avec « effacement» …. C’est pourquoi dans les prières de pardon à Yom Kippour – ultime recours dont l’être humain dispose pour demander au Créateur d’effacer nos fautes nous demandons en chœur : תסלח ותמחל tislah vetimhol : pardonne [et efface nos fautes].
Les selihoth dans les communautés séfaradiot[1] comprennent de nombreuses poésies qui traduisent toutes le désir ardent de la créature humaine de se faire pardonner pour les fautes commises tout au long de l’année. Ces poésies – dont parfois l’auteur demeure inconnu[2] – émanent de merveilleux poètes de l’âge d’or espagnol.
Le poème cité ci-dessous a été composé par Yéhouda Halévy[3]. Il est chanté non seulement lors des selihot, mais aussi pour Minha de Kippour. Il dit toute la détresse de l’âme juive qui voit se rapprocher dans la fuite inexorable des jours le jour du Jugement : le jour de Kippour, et supplie le Tout Puissant de nous regarder et de considérer nos âmes et nos corps avec Miséricorde…
Au moment où nous entonnons tous ensemble : « Y-a shémâ évionékha… », nous ne pouvons que ressentir les sanglots secouer notre corps et notre âme : Oh Eternel ! (Y-a est une abréviation du Tétragramme) écoute ces (tes)misérables qui Te demandent pardon ! Notre Père, écoute Tes enfants et ne bouche pas Tes oreilles !
Eternel ! Un (Ton) peuple des profondeurs (des profondeurs de la terre) plongé dans les affres de l’angoisse T’implore ! Ne le laisse pas repartir les mains vides !
Efface leurs fautes, leurs péchés, leur duplicité et si Tu ne le fais pas pour eux fais le pour la Grandeur de Ton Nom !
(…..) Le visage baigné de larmes, nous T’implorons et donne nous un berger pour que Ton troupeau soit bien gardé.[4].
Et, annonce-leur le pardon et en cette prière de Minha montre leur la grâce que Tu leur accordes !
יָהּ שְׁמַע אֶבְיוֹנֶיךָ הַמְחַלִּים פָּנֶיךָ
אָבִינוּ לְבָנֶיךָ אַל תַּעְלֵם אָזְנֶךָ
יָהּ עַם מִמַּעֲמַקִּים יִקְרְאוּ מֵרוֹב מְצוּקִים
אַל נָא תְּשִׁיבֵם רֵקִים הַיּוֹם מִלְּפָנֶיךָ
הַוּוֹתָם וַעֲוֹנָם מְחֵה וְרֻבֵּי זְדוֹנָם
וְאִם לֹא תַעֲשֶׂה לְמַעֲנָם עֲשֵׂה צוּרִי לְמַעֲנֶךָ
וּמְחֵה הַיּוֹם חוֹבָם וּרְצֵה כְּמוֹ שַׁי נִיבָם
וּלְךָ תָּכִין לִבָּם וְגַם תַּקְשִׁיב אָזְנֶךָ
דִּמְעַת פְּנֵיהֶם תִשְׁעֶה וְתֶאֱסוֹף עֵדֶר תּוֹעֶה
וְתָקִים לְךָ רוֹעֶה וּפְקוֹד בְּטוֹב צֹאנֶךָ
הוֹלְכֵי בְּדֶרֶךְ נְכֹחָה תְּבַשְּׂרֵם הַיּוֹם סְלִיחָה
וּבִתְפִלַּת הַמִּנְחָה הַמְצִיאֵם חִנֶּךָ
Phonétique :
REFRAIN : Y-a shémâ évionékha, ‘hamehalim panékha, Avinou lévanékha, al téâlem oznékha !!
1 –Y-a âm mémaâmakim, yikréou mérov métsoukim, al na tashivénou rékim ‘hayom miléfanékha !
2 – ‘Havotam vaâvonam mehé véroubé zédonam, éim lo taâssé lémaânam, âssé tsouri lémaânekha !
3 – Oumehé ‘hayom hovam, ouretsé kemo shay nivam, oulekha takhin libam, vegam takshiv oznékha !
4 – Dimeâth pené’hem tishâ, vetéessof êder toê, vetakim lekha roê oufekad betov tsonékha !
5 – ‘Holekhé bederekh nekhoha tévassrem ‘hayom séliha, oubetefilath ‘haminha, ‘hametsiem hinekha !
Nous prenons pour les selihot la place qui nous convient, celle d’un enfant qui s’est mal conduit et demande à ses parents de « lever la punition », et en promettant de mieux nous conduire dorénavant. Et tenter d’arracher de notre être le mauvais penchant qui guette l’homme et lui tend des pièges.
Nous rappellerons que pour ceux qui ne peuvent se rendre dans un « minyane » et qui prient seul ils peuvent lire tous les textes en hébreu mais pas ceux en araméen car pour ceux-là, il convient d’être dans un quorum de 10 hommes pour que nos prières puissent intercéder pour nous directement auprès d’HaShem car pour les prières en hébreu nous sommes « pris en charge » ainsi que nos prières par les Anges du Service divin qui ne comprennent pas l’araméen.
Caroline Elishéva REBOUH
[1] – Il est utile de préciser ici que le mot SEFARADE qui signifie Espagne et qui désigne les Juifs d’Espagne présente deux acceptions : la première est Sefaradi/ sefaradite/ (pluriel sefaradim ou sefaradioth) concerne les Juifs qui ont fui l’Espagne (pour le Portugal c’est portougazith) après l’Inquisition espagnole et se sont réfugiés en Afrique du Nord, puis ont fui vers la Turquie, et vers la France, l’Italie et les pays des Balkans ou de l’Espagne sont remontés vers l’Angleterre et la Hollande. De là (de Hollande, une « branche » s’est éloignée encore vers la Pologne et la Lithuanie et obéissent au rite « sefarde » (qui s’écrit aussi séfarade en hébreu) mais ce rite est un peu différent du séfaradi.
[2] – Comme c’est le cas pour le célèbre « Ma lekha adam nirdam ».
[3] – 1075-1141. Né à Tolède, mort –selon la légende – piétiné par un cavalier arabe aux abords du Kotezl haMaâravi. Enterré à Kfar Kaboul en basse Galilée (territoire de la tribu d’Asher). Auteur de nombreuses poésies (chants d’amour, de vin mais aussi d’autres poèmes empreints d’un amour intense pour Sion tels « Yefé Nof mishosh tevel » ou « Libi bemizrah vaani bemaârav » (mon cœur est en Orient…) et Auteur du non moins célèbre Livre du Kouzari.
[4] – Volontairement la traduction a été « libre » pour rester belle et poétique en français.