PARASHAT SHOFTIM 5782 – Vendredi 6 Eloul 5782 – 2 septembre 2022 –
Ashdod (entrée : 18h44 – sortie : 19h40)
Chaque personne doit faire rentrer Chabat avec les horaires de la communauté qu’il fréquente
Chers Amis
Nous voici entrés en Eloul, ce mois qui nous rapproche du mois de Tishré ou du mois plein de festivités. Dans les communautés séfarades ou de Edoth HaMizrah (les communautés d’Orient), on se rassemble chaque soir/nuit pour entamer le cérémonial des selihoth (ou prières composées de poèmes liturgiques pour faire notre examen de conscience et demander pardon à notre Créateur, l’Eternel plein de miséricorde toujours prêt à pardonner leurs fautes à Ses Enfants pourvu qu’ils se repentissent des manquements commis envers Lui et la Torah. Ainsi, le dernier jour d’Eloul sera la veille de Rosh HaShana, Nouvelle Année hébraïque.
La parasha commence par deux mots très importants
שופטים ושוטרים תיתן לך בכל-שעריך אשר ה’ אלקיך נתן לך לשבטיך ושפטו את-העם משפט-צדק :
Des juges et des policiers tu prendras pour toi dans tes portes que l’Eternel ton D t’a données pour tes tribus et ils jugeront le peuple et établiront des jugements équitables.
Pour le Shlah HaKadosh ou R’ Yisha’ya Horwitz auteur du SHné Louhoth HAbrith [1], le fait que la Torah dise POUR TOI (שֹׁפְטִים וְשֹׁטְרִים, תִּתֶּן-לְךָ בְּכָל-שְׁעָרֶיךָ ) soit tu posteras POUR TOI des Juges et des Policiers à chaque « porte » cela signifie d’après ce grand philosophe et cabbaliste juif de Prague des XVI-XVII èmes siècles que l’individu juif doit pouvoir diriger ses instincts/voir même son organisme tout entier pour pouvoir vivre son judaïsme en plein accord avec les lois inscrites dans la Torah.
Pour le Shlah HaKadosh[2], donc, les « portes » dont il s’agirait ici seraient les 7 ouvertures situées sur le visage : les 2 yeux, les 2 oreilles, les 2 narines et la bouche. Chacune de ses ouvertures commandant des « sens » qui, si nous ne les dominons pas, risquent d’entraîner l’homme loin de sa vocation par le biais de l’ouïe, de la vue, de l’odorat, du goût et de la parole.
Le système de gardiennage et de surveillance des litiges est, au niveau municipal effectivement, représenté par la police et le système judiciaire. Ce schéma se retrouve davantage structuré pour des domaines plus élargis.
Un peu plus loin dans la parasha nous trouverons aussi un verset très célèbre et ces deux versets nous permettront de comprendre l’esprit du premier des thèmes de la sidra :
צדק צדק תרדוף למען תחיה וירשת את הארץ.
Tu poursuivras la justice pour pouvoir vivre dans le pays dont tu hériteras.
La recommandation est d’instituer des juges et des policiers et de chercher la justice activement. En effet, D énonce un commandement : donne-toi des juges et des policiers. Dans un premier stade il nous faut comprendre la différence entre ces deux offices puis de saisir que nous assistons à une première esquisse de quadrillage de la société. En effet, de manière très schématique nous dirons que les juges sont là pour « faire » des lois et les policiers pour les faire appliquer. Où ? Dans « tes portes » est-ce dire dans tes villes ? Non, car il est écrit dans tes portes que l’Eternel ton D t’a donné pour tes tribus : cela donne une dimension: les juges seront nommés ainsi que les policiers dans chaque « agglomération » et dans chaque région que D a attribué à chaque tribu : agglomération, région, district…… et, avec des fonctionnaires qui seront supérieurs aux simples juges puis d’autres qui seront supérieurs aux derniers ou, si l’on préfère on possède ici un organigramme ou une structure élaborée du système judiciaire. Et, après que ce système a été imaginé, D demande : tsedek tsedek tirdof : poursuis la justice mais plus précisément : tu vas chercher et bien chercher pour extraire de la justice (tsedek) ce qui peut être encore plus juste. Ou, encore, il faut que tu t’attaches à ce qu’il y a de plus juste au sein de la justice. Chercher et fouiller encore et encore jusqu’à extirper de tout ce qui s’appelle système judiciaire la véritable justice morale, celle qui prend l’Autre en compte, chercher et écouter et aller vers l’autre pour que la véritable justice s’exerce.
Rashi explique : ce sera grâce aux bons juges et aux bons policiers que nous pourrons être dignes du pays d’Israël mais, pour cela il nous faut atteindre un degré tel de justice que nous vivrons dans une société juste véritablement.
Le « Sefat Emet » explique un peu différemment ce « shoftim veshoterim titen lekha ». Pour lui, si D ordonne « titen lekha » tu te donneras des juges et des policiers : le grand penseur s’exprime ainsi : ce n’est pas que tu doives toi en tant que peuple : nommer des juges et des policiers mais toi, prends toi, en tant qu’individu, pour toi-même ou envers toi-même, deviens un juge et un policier car tu as reçu des commandements applique les pour toi et fais les appliquer par les autres, et juge-toi toi-même !
Ceci est si aléatoire et difficile à réaliser que nous avons des exemples dans notre histoire d’une période où les juges étaient corrompus et qu’il fallait qu’eux-mêmes soient jugés ainsi, le livre de Ruth commence par les mots : ויהי בימי שפוט השופטים « Ceci se passait au temps où les Juges étaient jugés ». Cette corruption, ce manque de véritable justice n’est pas innocente et le peuple en pâtit : car la corruption des juges amène la guerre et la famine, conséquences directes de la corruption.
Le Or HaHayim dit à propos de ces versets que les juges et les policiers sont indissociables les uns des autres car s’il n’y a pas de juges pour faire des lois, il n’est nul besoin de policiers pour faire appliquer des lois qui n’existent pas ! Mais le grand penseur nous fait remarquer qu’il est possible qu’une « erreur grammaticale » se soit glissée dans le verset où D S’adresse au Juif à la deuxième personne du singulier pour ensuite parler de jugement au pluriel. L’explication est simple : si un juge peut être seul à juger, un témoignage ne peut être recueilli que s’il émane de deux personnes ainsi qu’il est dit : « על פי שני עדים יקום הדבר » Un témoignage ne peut être pris en considération que s’il provient de deux personnes.
Le juge devra enquêter et écouter, et chercher de manière à faire ressortir un détail qui pourrait être important.
De manière à ne pas défavoriser un pauvre vis-à-vis d’un riche, on aidera le pauvre à paraître de la même façon que son adversaire soit en priant le riche de s’habiller comme un pauvre ou en aidant un pauvre à s’acquitter de sa peine/dette en cas de besoin.
Le Zohar attire notre attention d’une manière que le jugement ne peut être que divin et l’on demande aux juges d’être circonspects en rendant la justice : « malheur aux juges d’en bas s’ils renient l’œuvre de la création et si un juge ne se prononce pas de la même manière que l’autre car « en-haut » existent aussi des juges et des policiers et il y en a qui jugent les âmes car les juges et les policiers « d’en bas » sont corporels, alors que ceux d’en haut sont liés aux âmes : l’un n’est pas mieux que l’autre, et les uns comme les autres doivent être égaux.
Lorsqu’il est question de משפט צדק c’est pour exprimer le fait que entre le moment où la justice va être rendue, on doit rechercher le lien qui existe entre les deux jugement et justice l’un n’étant pas l’autre.
Le mishpat est d’un degré supérieur au tsedek.
Lorsqu’on fait la tsedaka on fait ou bien on rétablit la justice au nom de HaShem car tsedaka c’est tsedek plus la lettre hé : HaShem.
En donnant de l’argent à quelqu’un, on répare une injustice et on enlève un peu de la part qui nous a été donnée pour agrandir la part de l’autre ou encore, pour radoucir le sort de quelqu’un qui n’a pas fait l’objet d’une répartition équitable pour des raisons qui nous échappent.
Caroline Elisheva REBOUH.
[1] Né à Prague vers 1558 et décédé vers 1630 (à 72 ans env.).
[1] On cite en général les grands Sages d’après le titre de leur œuvre maîtresse.