La mitsva (le commandement) de Pessah ne réside pas seulement dans l’obligation de ne pas consommer de Hamets (levain ou pain levé) mais aussi dans celle d’enseigner en quoi consiste cette fête et, pour ce faire, certains gestes, textes, coutumes, aliments et attitudes doivent attiser la curiosité des commensaux.
La première des questions qui se posent est de comprendre pour quelle raison le récit de la haggada commence par un paragraphe rédigé en araméen à l’exception de deux mots (« leshana habaa » = l’année prochaine) ? En réalité, il faut savoir que le texte de la Haggada de Pessah a été conçu par les Tanaïm[1] de la Knesset Haguedola[2] et, donc, à l’époque, les Juifs qui avaient été exilés parlaient l’araméen ainsi que tous les occupants de la Terre d’Israël s’exprimaient désormais en cette langue, bien que des Grecs (Hellènes) ou des Romains succédèrent aux Babyloniens et qu’eurent lieu des influences linguistiques comme nous le verrons plus bas dans cet exposé. En lisant le premier paragraphe en araméen, les occupants pouvaient comprendre qu’ils remémoraient la sortie d’Egypte mais ils ne pouvaient comprendre que les Juifs portaient en eux le secret espoir (TIKVA en hébreu) de se retrouver libérés en Terre d’Israël l’année suivante. Il s’agit encore du même souhait que chaque Juif formule année après année d’être libre et sur la terre de nos Aïeux.
Et, pour apporter encore quelques précisions à propos de l’araméen, nous dirons ceci : certaines prières sont dites en araméen comme le kadish ou certaines suppliques de Yom Kippour et on ne peut les dire qu’à la condition d’être au minimum un quorum de 10 hommes. La raison en est la suivante : l’Univers a été entièrement créé en hébreu (y compris les Anges du Service divin appelés Mal’akhé HaSharet). De cette manière, lorsque des hommes se réunissent pour prier en Hébreu, les Anges accourent pour emporter les prières des fidèles vers HaShem. Au contraire, lorsque 10 hommes se réunissent et prient en Araméen, D reçoit ces prières Lui-Même[3] sans avoir recours au service des Anges[4]. HaShem est heureux de voir Ses enfants célébrer Pessah dans le monde entier pratiquement en même temps et IL montre ainsi aux Anges qui s’étaient montrés « réticents » lors de la Création de l’homme : « Voyez comment Mes Enfants me rendent hommage et Me remercient, en cette nuit où JE les ai fait sortir d’Egypte » !
Après ce premier paragraphe où chaque personne qui pourrait avoir faim est conviée à se joindre à l’assistance pour y manger à satiété du « pain de misère », l’on a coutume d’entendre le plus jeune enfant de l’assistance poser 4 questions sur les différences évidentes qui existent entre cette première nuit de Pessah et les nuits ordinaires. En effet, le devoir éducatif et didactique des parents s’exprime en l’illustration d’éléments concrets : la matsa, les herbes amères et l’agneau (sacrifice), le fait que d’ordinaire on mange rapidement (parfois même sans prendre le temps de s’asseoir) alors qu’en ce soir de séder chacun des commensaux consomme en s’accoudant (signe de liberté). Ce devoir d’enseigner les enfants doit perdurer malgré les évènements et les situations géographiques qui peuvent changer.
Se trouve un passage au cours duquel intervient l’un des Tanaîm qui atteignit une très haute fonction alors qu’il n’était âgé que de 18 ans : Rabbi Eléazar ben Azarya. Malgré son très jeune âge, il fut nommé Président (Nassi) de la Kenesseth Haguedola (la grande assemblée). Sa chevelure et sa barbe blanchirent tout-à-coup et, dans la Haggada est reportée son exclamation devenue très célèbre : « voici que je parais être un homme de 70 ans » L’explication de cette phrase est la suivante : Rabbi Eléazar ben Azarya est la réincarnation du Prophète Samuel qui est mort à 52 ans. 52 ans ajoutés aux 18 ans que le Tana avait à l’époque font bien 70 ans. La blancheur de la chevelure et de la barbe provient de l’amas de responsabilités échu à R’ Eléazar….
LES 4 FILS : Ce ne sont pas forcément des fils mais il peut s’agir tout simplement du « prochain ». Le conseil prodigué est de s’adresser à chacun selon ses facultés de compréhension et si la personne ne peut comprendre facilement, il appartient, à celui qui a le rôle d’enseigner, de s’adresser à celui qui pose une question selon ses facultés ou selon ses penchants mais surtout de ne pas l’attaquer de front, pour qu’il ne se sente pas renié, repoussé, pour qu’il ne se ferme pas aux allégations fournies et lorsqu’il est écrit « aiguise lui les dents » au sujet du deuxième fils (l’impie). En fait, la traduction n’est pas exacte : ce dont il est question, ici, c’est qu’il faut arriver à mettre cette personne en position de comprendre qu’au temps de la sortie d’Egypte, les Juifs qui s’étaient éloignés du Judaïsme sont morts pendant la plaie des ténèbres et que ce sont eux, que D a repoussés et ce n’est pas lui qui nous rejette en nous disant « lakhem » (à vous).
LES 10 PLAIES :
1 – DAM sang (דם) TSFARDEA grenouilles (צפרדע) KINIM poux ((כינים (DETSAKH דצ »כ)
2 – AROV bêtes féroces (ערוב) DEVER peste(דבר) SHEHIN ulcères (שחין) ( ADASH (עד »ש
3 – BARAD grêle(ברד) ARBEH sauterelles (ארבה) HOSHEKH ténèbres (חושך) MAKAT BEKHOROTH mort des premiers-nés (מכת בכורות) (BEAHAB באח »ב)
En Egypte, tout était transformé en divinité que ce soit des bêtes ou des insectes, et tout était prétexte à un culte. Aussi, Dieu a-t-IL voulu juger tout ce qui était de l’idolâtrie. Derrière les différentes plaies se cachait la volonté de montrer aux idolâtres que Dieu règne et dirige tout ce qui fait partie de la nature qu’il s’agisse des éléments, de la flore ou de la faune et même des créatures humaines. Les trois groupes de plaies sont désignés par des abréviations. Le premier groupe, DETSAKH sont trois plaies qu’Aharon a exécutées en frappant avec son bâton[5]. Le deuxième groupe concerne des plaies exécutées par Moïse sans son bâton. Le troisième groupe concerne trois plaies exécutées par Moïse avec son bâton et la dernière plaie celle de la mort des premiers nés ordonnée et exécutée sans aucune intervention humaine mais uniquement par DIEU Lui-Même sans autre intervention.
Le premier groupe concernait le Nil, fleuve, élément eau qui était une divinité en Egypte. Cette eau transformait en sang contenait une double allusion : d’une part l’être humain ne peut vivre sans son sang mais, lorsque le Nil qui était considéré comme un dieu car il traversait tout le pays et faisait fructifier tous les champs, fut transformé en sang, tout ce qui avait été planté dépérit, les poissons moururent et toute la faune aquatique avec et les hommes ne purent survivre sans eau. Les Egyptiens payaient l’eau au prix fort chez les Hébreux car chez eux, l’eau ne se transformait pas en sang ; en revanche, dès que les Egyptiens tenaient de l’eau dans leurs mains cela se transformait en sang.
Les grenouilles, idoles elles aussi, faisaient tant de tapage, qu’il était devenu impossible de s’entendre et elles envahissaient absolument tout y compris les ustensiles, les lits………
Les poux. La poussière, chaque grain de poussière se transformait en poux qui piquaient et transmettaient des maladies. Lors de ces trois plaies les éléments eau et terre ont été frappés.
Le deuxième groupe a atteint les animaux sauvages pouvant s’attaquer à l’homme et aux animaux avec ârov
Puis, avec la peste, cette plaie s’est attaquée encore une fois à l’homme et aux grands animaux de même que les ulcères ont touché les hommes. Avec ces trois plaies l’homme a été touché dans sa chair et entravé dans son labeur, dans sa force.
Pour le troisième groupe ce sont les éléments du feu et du vent qui sont touchés principalement puisqu’en tombant, la grêle, enflammait tout sur son passage. Les sauterelles transportées par le vent s’attaquèrent à tout ce qui existait et à tout ce qui poussait saccageant tout sur leur passage et ne laissant plus rien à consommer pour les êtres vivants humains ou animaux. Ainsi qu’il a été dit précédemment, D donnait Ses instructions à Moïse qui, en avertissant Pharaon de ce qui allait s’abattre sur l’Egypte, était avec Aharon l’illustration concrète de l’exécution des plaies mais, enfin, pour la dixième plaie, D n’a pas fait participer pour l’exemple ni Moïse ni Aharon, IL a agi par Lui-Même en envoyant l’Ange de la Mort recueillir ceux qui devaient payer pour l’impiété de Pharaon et de ses « officiers ».
Suivent de savants calculs concernant chacune des plaies où les tanayim[6] dénombrent de combien de plaies ont souffert réellement les Egyptiens en prenant en ligne de compte le fait que chacune des plaies s’est décomposée en plusieurs autres plaies « secondaires » découlant de la première. Ainsi, par exemple, le fait que le Nil ait été transformé en sang, les champs irrigués par le fleuve dépérirent, les poissons et les autres êtres aquatiques moururent etc…. Les Sages du Talmud, en partant de l’expression « la main de D » et en partant du fait que dans une main il y a 5 doigts que multiplient les 10 plaies arrivent à 50 plaies et d’autres en poursuivant d’autres calculs atteignent 200 ou 250 plaies…
L’AGNEAU PASCAL (PESSAH) : L’agneau comme beaucoup d’animaux et insectes était idolâtré par les Egyptiens. Aussi, prendre pour sacrifice emblème de la liberté à acquérir après la sortie d’Egypte était-il un acte destiné à détruire l’image de l’agneau aux yeux des Egyptiens mais encore et surtout aux yeux des Hébreux qui avaient été influencés par les habitudes païennes égyptiennes.
La mitsva pédagogique est de donner des réponses et même, d’aller au-devant de la curiosité et de parler des trois principaux symboles de Pâque : l’agneau pascal, les herbes amères et la matsa.
Le Saint béni soit-IL a opéré tous les prodiges et tous les miracles et a tout orchestré pour que Son peuple soit libéré de cet esclavage. C’est la raison pour laquelle écrit Rashi que de toute la Haggada, le nom de Moïse ne figure à aucun moment.
Quant aux personnes qui ne savent pas de quoi il s’agit en cette nuit de Pessah, il faut concrétiser les choses en leur montrant la matsa, l’os qui symbolise l’agneau et la salade (laitue/endives/chicorée) qui, de par son amertume, rappelle qu’en ce temps-là, l’existence était amère. Et ceux qui ne disposent pas même de mots pour s’exprimer il faut consacrer du temps pour leur expliquer jusqu’à ce qu’ils comprennent.
D’ordinaire, les fêtes et leur observance commencent au coucher du soleil alors que pour Pessah les choses sont différentes en raison de l’interdiction de consommer du hamets à partir du milieu de la matinée de la journée précédente.
Avant que de procéder au « motsi »[7] de la matsa et le reste des combinaisons d’aliments à goûter, un paragraphe très important est à lire : il y est question de notre généalogie : en effet, il est écrit : מתחילה, אבותינו היו עובדי עבודה זרה soit : « au début, nos ancêtres étaient idolâtres ». Nous savons que Térah, père d’Abraham était idolâtre et, qui plus est, vendait des idoles. Ce qui est important en ce point est bien autre chose dont il est question aujourd’hui encore d’avantage que jamais auparavant : la filiation directe avec Abraham ce que le texte biblique confirme : ainsi D dit-IL à Abraham : TA DESCENDANCE[8] sera exilée et esclave pendant 400 ans : il s’agit ici de JACOB fils d’ISAAC et il n’est nullement fait mention ni d’ISMAEL ni d’ESAÜ !!!! La DESCENDANCE d’Abraham est Isaac et celle d’Isaac est Jacob !
Pour terminer sur une note agréable ce séder de Pessah, après s’être délectés des mets finement apprêtés par la maîtresse de maison, le chef de famille qui a officié toute la soirée en dirigeant le cérémonial partage l’AFIKOMENE entre tous les convives. Afikomène est un mot qui provient du grec Api komèné qui signifie « ce qui vient après » ou en dernier comme un dessert (dont l’étymologie est en fait : desservir ou si l’on préfère le plat que l’on présente avant de desservir la table). Après avoir consommé l’afikomène on ne doit plus rien manger ni boire à l’exception d’un café, thé ou infusion si cela est nécessaire pour se sentir mieux ou faciliter la digestion.
Caroline Elishéva REBOUH.
[1] – Sages de l’époque de la Mishna. Aux Tanaïm ont succédé les Amo
raïm.
[2] La « Kenesseth Haguedola » est la « Grande Assemblée » ou synode qui fut constituée au retour de Babylone par Ezra le Prophète vers -520 et jusqu’en l’an 70 de l’ère vulgaire. Ce synode comptait 120 personnes : rabbins, scribes, prophètes.
[3] Il est évident, que D comprenant toutes les langues, IL est à l’écoute des prières de tout un chacun dans n’importe quelle langue et en particulier des prières provenant d’un cœur brisé.
[4] Les Anges ne « comprennent » pas l’Araméen.
[5] Rappelons que ce bâton était celui qui avait appartenu à Adam, …… à Noé…… aux trois patriarches et il était en saphirs et le Nom de D y était gravé ainsi que les trois sigles de plaies. Ce bâton était « planté » dans un champ appartenant à Ytro et personne ne parvenait à le « déraciner » pourtant, lorsque Moïse s’approcha et vit le bâton, il le saisit et le bâton se laissa prendre. Ytro sut alors que Moïse devait sauver le peuple.
[6] Rabbins du Talmud. Les Tanayim constituent la première période de sages du Talmud de l’an 10 à l’an 220 de l’ère vulgaire et les Amorayim qui succédèrent aux premiers jusque vers l’an 500.
[7] Au début d’un repas, on doit se laver les mains (netilat yadayim) et rompre le pain sur lequel on prononce la bénédiction de « hamotsi » (qui fait sortir le pain de la terre)
[8] . ידע תדע כי גר יהיה זרעך בארץ לא להם ועבדום וענו אתם ארבע מאות שנה .Bereshit (genèse) XV, 13 « Sache-le bien, ta postérité séjournera sur une terre étrangère, où elle sera asservie et opprimée, durant quatre cents ans.