Selon une étude menée sous la direction du Prof. Oded Rechavi et du Dr. Itai Toker, de l’École de neurobiologie et de l’École des neurosciences de l’Université de Tel-Aviv, l’attractivité sexuelle augmente avec la température, et passe d’une génération à l’autre. Selon les chercheurs l’étude, réalisée sur des vers, montre que l’hérédité épigénétique (celle qui n’implique pas de changements dans la séquence d’ADN) peut affecter la composition génétique d’une population pendant de nombreuses générations.
Elle a été réalisée par les Dr. Itamar Lev et Yael Mor dans le cadre de leur doctorat, en collaboration avec l’Université Rockefeller de New York, et été publiée récemment dans la prestigieuse revue Development Cell.
Qu’est-ce qui pousse un ver femelle à préférer la reproduction par accouplement avec un mâle alors qu’elle peut se féconder elle-même, et comment ce choix influence-t-il les générations suivantes ? « Nous avons cultivé des vers C. elegans en laboratoire, dans des conditions de chaleur légèrement supérieures à la normale », explique le Prof. Rechavi. « Le résultat a été que les vers femelles sont devenus plus attirants et se sont davantage accouplés avec des mâles. Cela en soi est intéressant, mais la découverte vraiment fascinante est que même après le retour des vers à des températures normales, leur progéniture, a, pendant plusieurs générations, continué d’attirer davantage les mâles. Lorsque les vers hermaphrodites s’accouplent avec les mâles au lieu de s’auto-féconder, ils ne transmettent que la moitié de leur génome à la génération suivante. Cette « dilution » de la contribution génétique est un tribut lourd à payer, mais elle présente l’avantage d’augmenter la diversité génétique. En menant des expériences en laboratoire, nous avons en effet découvert que cela pouvait être une stratégie adaptative utile pour l’évolution ».
De l’auto-fécondation à la reproduction par accouplement
Les femelles des vers de l’espèce C. elegans produisent à la fois leurs propres ovules et leurs propres spermatozoïdes, et peuvent ainsi s’auto-reproduire (aussi sont-elles considérées comme des hermaphrodites). Ces vers produisent du sperme uniquement lorsqu’ils sont jeunes, et par la suite ils produisent que des ovules. En parallèle, certains rares mâles de cette population sont capables de continuer de fournir du sperme pour l’accouplement ; c’est donc le choix de la femelle de se reproduire sexuellement en mélangeant ou non ses gènes avec ceux d’un mâle. Lors de l’expérience que nous avons menée en laboratoire, il s’est avéré que l’exposition à des températures élevées encourage les femelles à l’accouplement, et ce trait de préférence pour l’accouplement s’est préservé chez leur progéniture pendant plusieurs générations, même lorsqu’elle se trouvait dans des conditions de température normale sans subir le stress de l’augmentation de la chaleur.
L’environnement influence la diversité génétique
« Dans le passé, nous avons découvert un mécanisme de transmission héréditaire spécifique, basé sur de petites molécules d’ARN, qui se déroule en parallèle au mécanisme de transmission habituel par l’ADN, et différent de lui, permettant la transmission aux générations futures, de certains traits acquis. En inhibant ce mécanisme de transmission, nous avons démontré que la transmission héréditaire d’une plus grande attractivité sexuelle se faisait par le biais de ces petits ARN, qui contrôlent l’activité des spermatozoïdes. Plus tard, nous avons mené une expérience concernant l’évolution : nous avons suivi la progéniture de mères qui ont transmis le trait d’attractivité des mâles à l’aide de petits ARN, et les avons laisser rivaliser pour les mâles, pendant de nombreuses générations, contre la progéniture normale d’un groupe témoin. Nous avons vu que la transmission héréditaire de l’attractivité sexuelle conduisait à davantage d’accouplements dans ces conditions de compétition, et qu’en conséquence, la progéniture attirante était capable de propager ses gènes dans la population avec plus de succès ».
« L’épigénétique en général, et la transmission héréditaire par les petits ARN, des caractéristiques acquises, en particulier, est un nouveau domaine de recherche qui suscite beaucoup d’attention », relève le Dr. Lev. « Nous avons à présent prouvé pour la première fois, que l’environnement peut modifier non seulement l’expression des gènes, mais, indirectement, également l’hérédité génétique elle-même, et ce, pour de nombreuses générations. Généralement, l’héritage épigénétique réalisé par les petites molécules d’ARN est un phénomène transitoire : l’organisme est exposé à un environnement spécifique, et préserve les informations épigénétiques pendant 3 à 5 générations. En revanche, un changement dans l’évolution se produit sur des centaines de milliers de générations. Nous avons cherché un lien entre l’épigénétique et la génétique, et avons constaté qu’un changement de l’environnement, pertinent pour le réchauffement climatique, induit la transmission héréditaire d’un phénomène de sécrétion d’une phéromone qui attire les mâles, affectant ainsi l’évolution du génome des vers ».
Le Dr. Mor ajoute : « Nous pensons que c’est une façon pour l’environnement de réguler la diversité génétique. Après tout, l’évolution nécessite diversité et sélection. Selon la théorie classique, l’environnement peut influencer la sélection, mais n’a pas d’impact sur la diversité, qui se créée au hasard comme résultat des mutations. Nous avons montré que l’environnement peut au contraire avoir un impact sur la diversité génétique dans certaines conditions ».
Photos :
1. et 3 Le Prof. Oded Rechavi (Crédit : Yehonatan Zur Duvdevani).
2. Un ver hermaphrodite de type C. elegans après accouplement avec un mâle. Le sperme du mâle est coloré en rouge fluorescent, ce qui permet de détecter le circuit d’insémination (Crédit : Itai Toker).
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