De nombreux rabbins du sionisme religieux ont signé des lettres appelant à ne pas se fier aux livres du Rav de Har Bracha (« Pninei Haalacha » du Rav Eliezer Melamed) pour légiférer. Dans une deuxième lettre, publiée au même moment, des rabbins appellent à s’abstenir de lire les écrits d’un « rabbin anonyme » (entendez: «Pninei Haalacha» du Rav Eliezer Melamed) et l’accusent implicitement d’agir sans aucune autorité.
Vous l’avez compris les tribunaux de l’inquisition sont de retour ! Alléluia Israël !
Est-il essentiel d’altérer la raison pour légitimer une approche de la ‘religion’ ?
Désavouer la première c’est finalement autoriser l’intolérance vis-à-vis de la vie des individus en société, de leurs valeurs, de leurs normes, tout cela reste absolument inadmissible.
Il est inutile d’imaginer une critique aussi drastique entre la raison et la ‘religion’, nul ne peut vouloir déposer son esprit au creuset du seul caprice mystique. Il parait donc évident que l’intellect peut prendre part à la foi pratique et que la ‘religion’ réserve un sens plausible aux vues de la raison.
Le Rav Kook affirme que le chemin de la piété religieuse ne peut dédaigner les réalités de ce monde mais, bien au contraire, participer à leur plein essor au travers d’une totale reconnaissance.
Comment est-il possible d’être l’élève d’un savoir ‘religieux’ et exhiber une telle aversion envers les valeurs humaines, proscrire tous ceux qui ne pensent pas comme nous?
L’évolution inéluctable des sciences de la connaissance, les lumières projetées sur l’inconnu de nous-mêmes et de notre monde, les révolutions sociales et scientifiques contribuent au développement de notre Humanité, au sens propre comme au sens figuré du sacré.
Si les religions sont ainsi mises au défi de la conjugaison, foi et raison, qu’en est-il du ‘Judaïsme’ au vu et au su de la nouvelle indépendance et souveraineté d’Israël, témoin obvie du début des réalisations prophétiques?
Nos propos ne pourront, certes, être exhaustifs mais nous tenterons de toucher à l’essentiel.
Certains clercs de la pensée juive moderne voulurent éliminer toute référence à une dimension religieuse transcendante pour définir le Sacré, ce dernier ne pouvant être perçu qu’à travers les seules valeurs humaines comme identité morale. Une telle éthique est pourtant bien volonté Divine et son réalisme, l’expression du Créateur, en elle et par elle, le fidèle doit s’y solliciter et, ainsi, contribuer à l’ouvrage.
Le philosophe juif et néo-kantien, Hermann Cohen, fit partie de ceux qui engagèrent un mouvement de pensée où le Judaïsme était saisi comme l’unique religion capable de rompre avec cette propension irrationnelle au dogmatisme doctrinal de l’idée Divine.
L’harmonie s’entend dans la nature, la foi en un Dieu unique ne témoigne pas uniquement des accords Divins, mais aussi, et surtout, de sa consonance. Si l’homme aspire nécessairement à la vertu, il en devient l’activiste mesuré, il persévère dans cet héritage inhérent à la nature potentielle de son être.
Cette identité morale, il doit non seulement la faire sienne mais aussi l’établir dans sa relation avec les autres hommes, l’épreuve l’exige. Il faut édifier une société au sein de laquelle les individus ne seront plus jamais vus comme de simples moyens mais comme une fin en soi où pourra se révéler l’image Divine. Certes, en aucun cas il ne s’agit de rejoindre Dieu. Lui appartient à une transcendance toute irrésistible. De son côté, l’homme, allié à l’infini Divin, travaille et prend la peine de s’auto proclamer ‘être incommensurable’ et, donc, en perpétuelle perfectibilité. Et si l’immortalité ne signifie guère le « monde futur« , ce bien-être acquis par le labeur de toute une vie, elle se rapporte, toutefois, à l’ouvrage en tant que tel, cette identité morale intimement liée à la Création de l’être humain, dont ce dernier ne peut se défaire, ici et maintenant. Elle témoigne d’une aspiration incessante vers l’absolu, l’élaboration d’un modèle idéal où la seule certitude évidente demeure que le ‘Tout crée’ répond à une totalité bien supérieure à la simple ordonnance matérielle, ‘la Volonté divine’.
D’après le Rambam, dans son ‘Guide des perplexes’, le credo de la religion exprime, sans l’ombre d’un doute, la volonté de voir le croyant s’épancher totalement sur le champ de la moralité. L’essentiel du Monothéisme repose sur cette merveilleuse idée selon laquelle l’homme reste maitre de son devenir, et la valeur des vertus demeure à jamais rivée au cœur de l’Humanité. L’individu est, simultanément, le bâtisseur, l’essence et la finalité.
La « déontologie » Divine tend à assurer la conjoncture des évènements aux seules fins d’une moralité achevée. Le Créateur soutient tous les efforts de l’homme, quels qu’ils soient, peut-être aussi, afin de le préserver, de lui éviter de succomber au désespoir, au vu et au su de l’immensité de l’œuvre morale à accomplir.
N’ayons crainte de le dire, nous affublons copieusement Dieu de toutes nos propriétés humaines, une manifestation, bien égoïste, mue par un ensemble d’espérances, d’envies, de souhaits et de besoins. Tout du long de ces chemins où la bigoterie ingénue, la piété émotive, ergotent et palabrent sur un avenir incertain, celui de l’homme, en guise de prière, la duplicité dévote éteint une lueur Divine générée par des esprits erronés et intéressés. Ce Dieu vertueux n’est là que pour donner, offrir et octroyer et, nous l’avons clairement conçu, aux seules fins de ces deux données primaires: sa serviabilité et son obligeance.
Faut-il peut-être y voir la raison foncière pour laquelle l’autorité de la ‘religion’ perdit, et continue de perdre, sa prépondérance au profit d’une quête plus abyssale de la vérité ‘toranique’ ?
Nietzsche dirait ceci: « c’est la religion qui a fait de Dieu un mortel, en lui prêtant toutes les caractéristiques de l’homme, pour le mettre finalement sur un trône et en faire un Dieu le Père ». Freud nous dirait : « un substitut névrotique de nos attentes infantiles ».
Lier Dieu à la seule histoire matérielle, lui dessiner une ressemblance avec l’Histoire humaine, c’est avoir, un tant soit peu, de négligence quant à l’attribut Divin, l’apprécier comme un simple objet précipité dans l’avenir. Qui plus est, comment est-ce possible de vouloir transformer le Créateur en un personnage qui, depuis son firmament, détermine les mortels, cautionne le pouvoir des uns et le malheur des autres ? La ‘foi du charbonnier’ serait-elle devenue la référence inextinguible de la foi ? Dieu n’est guère l’objet, il est ce par quoi, et en quoi, les choses sont et se donnent à l’entendement, Il transcende forcément toute dimension personnel, Il ne se constitue ni n’existe en tant que personne.
Il faut maintenant assurer une approche de la connaissance puisée aux sources de l’idée d’attributs Divins, d’un Dieu qui, dans son essence, contient l’infini comme l’absolu. L’existence humaine se produit dans l’infinitésimale de son temps, elle survient, se réalise ou non, puis disparait à jamais.
Alors mes amis, nantir l’Eternel d’un état spatio-temporel, similaire au destin de l’individu, serait comme une négligence, comme un objet mis dans les oubliettes de son possible devenir. S’Il relève d’une transcendance omnipotente et omnisciente, ce n’est certes pas pour demeurer au-delà des nimbus et autres stratus, ni uniquement évaluer les pérégrinations de l’homme. Le Créateur n’est nullement l’objet mais bel et bien Le sujet de toute origine, à l’ontologie de la Création et de ses créatures, Il excède tout naturellement la dimension métaphysique mais, pareillement, son opposée, la matière.
Rony Akrich