Nous savons tous à quel point la «culture d’effacement» (cancel culture) peut être nuisible, par nature, mais cette tendance toxique est inutile.
Elle est, non seulement, contre-productive, mais elle met fin à la carrière des gens du jour au lendemain, et les participants tels les adolescents peuvent passer à autre chose sans répercussion.
La «culture de l’effacement» est un phénomène, destructeur, d’émancipation de personnes, de livres, d’œuvres artistiques, de statues, d’émissions et de films, considérés par certains comme des propos ou des idéologies offensantes ou suspectes.
Le terme « émancipation » joue un rôle énorme dans la haine car les adolescents font savoir sur les réseaux sociaux que la carrière de quelqu’un devrait être interrompue.
Il est parfaitement acceptable de ne pas soutenir un individu en raison de ses points de vue, mais prohiber la culture ne laisse pas la possibilité à l’influenceur d’apprendre, ou de s’expliquer, sur son point de vue. Ne pas suivre, ou vous abonner, à telle ou telle page est votre choix, mais une personne ne devrait pas voir sa carrière se terminer du jour au lendemain, conséquence d’une parole ou d’une action de sa part, sans la laisser se défendre et s’expliquer.
Il y a une grande différence entre annihiler un être et décider de ne pas le soutenir. Quelques clics suffisent pour cesser son adhésion ou ne pas encourager quelqu’un. La révocation implique des milliers, voire des millions de personnes, qui répandent, en quelques heures, envers un influenceur, haine et négativité alimentées de preuves dépourvues de sources. Le phénomène de «culture d’effacement» ne fait que créer un environnement empli d’hostilité sur diverses plateformes de médias sociaux.
Pour ceux qui ne connaissent pas le concept, cela implique d’interpeller publiquement, de faire honte et de boycotter les célébrités et leurs produits par exemple.
Cependant, son utilisation s’est étendue au-delà de ces célébrités ! Elle est, à présent, utilisée pour cibler le citoyen moyen. En raison de cette doctrine, les gens ordinaires ont dû faire face à des conséquences telles la perte de leur emploi, le rejet de leurs amis et de leur famille ou la suppression de leur présence en ligne.
On pense que la «culture d’effacement» crée un sentiment de responsabilité pour ceux qui disent ou font des choses controversées. Bien au contraire, cela crée un environnement où le harcèlement et l’intimidation sont acceptés et adoptés.
Les médias sociaux donnent à quiconque la possibilité de peser sur la personne qui est « prohibée », non seulement, cela met en péril la sécurité de cette personne, mais la met également en danger d’un devenir aliéné !! Malheureusement, c’est parfois le but dans ces types de situations où certains s’autorisent l’abolition de la culture.
Il y a quelques jours, je parcourais les réseaux sociaux et je suis tombé sur une photo republiée d’une femme portant une chemise disant ces mots :
« Les femmes ivres comptent » dans le style d’un « la vie des noirs comptent ».
Par curiosité, j’ai cliqué sur le post d’origine pour lire les commentaires. En quelques minutes, les personnes présentes sur cette plateforme se sont rassemblées pour retrouver l’employeur de cette femme, son propriétaire, sa famille élargie et même la personne qui surveille son chien. Plusieurs avaient déjà contacté son employeur et son propriétaire dans l’espoir de la faire licencier de son travail et de son appartement.
Même si sa décision d’acheter et de publier une photo de ce T-shirt était déplorable, ceux qui l’ont l’on jetée en pâture, à la vindicte populaire, semblent ne point vouloir la comprendre. Cela ne fait que créer un sentiment de ressentiment. Dans un pays (les USA) où la relance des relations humaines est déjà cruciale, il semble inutile de causer des dommages supplémentaires.
Cela ne crée pas un sentiment de responsabilité pour ses actions. C’est tout simplement du harcèlement!
Ceux qui ont participé à son « anathème » ont ressenti un sentiment de pouvoir, de jouissance en le faisant, mais l’action n’a abordé aucun des problèmes institutionnels qui l’accompagnaient.
Il y a une raison pour laquelle cette femme a décidé d’acheter la chemise et de la poster afin que tout le monde puisse la voir. Cela ne fait pas d’elle une suprématiste blanche!
Cela fait d’elle une personne outrageusement ignorante et sans instruction!
Il y a de fortes chances qu’elle ne comprenne pas pourquoi.
« L’ostraciser » est à l’opposé de la culture éducative que nous devons plutôt créer.
Lorsqu’une personne est victime de haine, en particulier sur les réseaux sociaux, son premier réflexe est de se défendre et de justifier ses actions. Elle ne pourra ni être ouverte, ni même entendre ce que les autres disent, elle sera plutôt sur la défensive, considérant chaque commentaire comme un péril. Si cette femme croit sincèrement qu’elle n’a rien fait de mal, elle va, soit garder le silence, soit chercher le soutien d’autres personnes qui appuient ses actions et ne les trouvent guère blâmables. Elle va, dorénavant, ignorer les commentateurs malveillants, devenus ses «ennemis jurés» ou ceux, tout simplement, trop sensibles au signifiant de cette chemise qu’elle trouvait drôle.
Demain, un autre sera vilipendé et condamné car il s’agit, à chaque fois, d’une situation transitoire pour chaque victime qui elle, reste à terre.
Les conjurations constantes de la «culture d’effacement» ne résolvent rien. Il y a de plus grands problèmes au-delà de cette femme célibataire qui achète une chemise. Les vêtements se moquent ouvertement de la lutte des Noirs américains pour la justice dans ce pays. Quelqu’un a décidé de créer, et de commercialiser ces chemises auprès du public, et une recherche rapide sur Google confirme combien de détaillants ont sauté sur la tendance et les bénéfices financiers.
L’occident a affaire non seulement à une suprématie blanche profondément enracinée, mais certaines phrases comme «privilège blanc» et «Black Lives Matter» provoquent ceux qui ne comprennent pas le fondement de ces slogans. Comme je l’ai mentionné précédemment, la première réaction est souvent la justification ou la dissidence, c’est pourquoi nous entendons :
« Je n’ai pas de privilège» et « Toutes les vies comptent » en réponse.
Il y a un fossé éducatif, manifestement évident, concernant la couverture de l’histoire en général. Les « non-personnes » de couleur, de genre et de croyances ont le devoir moral de comprendre pourquoi la discrimination systémique existe et persiste dans nos contrées.
La « culture d’effacement» doit devenir une culture éducative.
Ce n’est pas du militantisme que de participer au harcèlement public et à la vilénie des autres.
En tant qu’homme participant également à l’activisme de base, je suis profondément troublé d’entendre ce mouvement vouloir se revendiquer comme combattant. Au lieu de participer à une rhétorique haineuse, je nous exhorte tous à concentrer nos efforts sur les organisations de défense des sans grade, des affaiblis, des pauvres, la défense des droits civiques pour tous, partout où la passion nous pousse. Il y a trop de personnes confrontées à une ségrégation légale à ce jour, et l’accent doit être mis sur l’extension des droits d’équité, de parité et d’égalité vis-à-vis de chacun.
La proscription et l’ignorance ne méritent pas un devant de scène et la « culture d’effacement» agit grossièrement de cette manière.
Nous devons utiliser, en lieu et place, ces mêmes plates-formes pour amplifier les voix faisant pression pour un changement positif, plutôt que permettre aux autres de nous ramener aux calendes grecques.
Cependant, dans de nombreux pays occidentaux, le BDS (organisation antisioniste de boycott) est devenu un mouvement anarchiste et anticapitaliste, largement dirigé par des individus qui manipulent les personnes et nuisent au commerce, à la culture avec Israël et ce, afin d’exercer un contrôle politique sur l’opinion majoritaire.
Malheureusement, pavé des meilleures intentions, l’enfer joue sur la crédulité et nombreuses sont les personnes tombées dans ce piège manichéen.
Bouleversés par une réalité sociétale avérée, les messages diffusés par les minorités combattantes et militantes rencontrent une génération plus attentive. Toute tentative d’expliquer qu’il existe d’autres moyens de résoudre nos problèmes de société – par exemple par l’exercice de la tolérance et l’encouragement à un débat ouvert – est simplement écrasée par la menace d’accusations de racisme ou autres crimes de pensée tout aussi honteuse.
Aucune personne rationnelle ne peut contester les effets destructeurs des préjugés sur les individus et sur la société. Mais les extrémistes en charge de la «culture d’effacement» recherchent les préjugés et la discrimination souvent là où il n’y en a guère. Toutes leurs cibles sont coupables d’exprimer un point de vue inoffensif, mais incontestablement, différent.
Les annihilateurs étranglent le débat, tuent l’ethos de la société libérale, suppriment les idées et cherchent à uniformiser l’opinion.
Ce qui est si choquant ici, c’est le ton et l’attitude, accablants, conçus pour mettre fin au débat bien avant de commencer.
Tirer d’abord et poser des questions plus tard, c’est vraiment l’ordre du jour.
Jusqu’à présent, dans ce que nous pensions tous être des démocraties libérales, les dirigeants politiques refusent de prendre des mesures appropriées contre cet état d’esprit malveillant et antidémocratique.
Le message est clair et…bien entendu! Devant un tel délitement des pouvoirs, les extrémistes se déchaînent.
Beaucoup d’universités occidentales deviennent le fer de lance de ces outrages contre la liberté d’expression – en particulier dans des disciplines telles que l’enseignement des sciences politiques, des langues et de l’histoire – perpétrés quotidiennement. Elles produisent maintenant, régulièrement, une génération d’étudiants qui considèrent la liberté d’expression comme dispensable et les valeurs libérales comme intrinsèquement mauvaises.
Là, se trouve la principale raison pour encourager les politiciens responsables à agir et juguler cette hémorragie manipulatrice de nos valeurs comme la diffamation de ceux dont la seule offense est de ne pas être d’accord avec l’orthodoxie étouffante d’égalitarisme.
S’ils continuent à ne pas agir, si nous continuons de ne rien dire, de ne rien faire, la décadence de nos sociétés libérales sera inexorable.
Ne nous trompons point, il ne s’agit pas, ici, de luttes entre politiques partisanes. Nous assistons à une incontestable campagne contre l’intelligence, les savoirs et les connaissances.
Une campagne dont les penseurs éclairés risquent d’être les premières victimes. Raison pour laquelle, il est impérieux, pour tous ceux cherchant à encourager des discussions, à amorcer des pistes de réflexion et des suggestions de démarches, de prendre conscience de ce qui les rassemble et de ce à quoi ils font face: une nouvelle croisade de l’obscurantisme.
Rony Akrich pour ashdodcafe.com