La notion clé réside ici-même, croyons-nous. Exactement là où nous en étions restés à la fin de la première partie.
Par le seul fait qu’une vie de couple soit devenue morne, pesante, insensée parfois[1], par le seul avènement d’un tel contexte de souffrance donc, il fallait une fenêtre ouverte sur la liberté, sur le bonheur d’exister auquel on avait cessé de croire. Dans un tel état, potentiellement instable comme on peut se le figurer, il suffisait d’une étincelle pour tout faire basculer et enflammer un désir qui n’attendait que cela, se languissait éperdument de cela. Il suffisait d’une étincelle pour propulser l’individu vers ces rêves si puissants justement parce qu’ils le rendent tout-puissants, lui laissant l’illusion d’une revanche sur la souffrance. Des rêves qui, d’un autre autre côté, méprisent un peu la raison, se rient du réel, chassent la maturité, eux qui, dans leur fulgurance, transpercent les obstacles à la vitesse de la pensée, transportent vers des domaines insoupçonnés, pourquoi pas s’il le faut au-delà du voile pudique de l’interdit.
Pourtant le monde n’est pas un rêve[2]. Quand nos Sages disent que le Maître de maison presse[3], ils parlent justement de la lucidité qui revient frapper à la porte, pour citer la précédente partie de cet article. Une conscience humaine, évidemment, mais qui existe comme corollaire de la Conscience divine. Et puisque le monde n’est pas un rêve, décider de vivre dans un rêve revient à initier un processus qui, un jour ou l’autre et malgré soi, s’achève forcément par un éveil. Cet éveil, nous le comprenons, n’est rien d’autre qu’un retour à la dimension originelle de la réalité[4]. C’est alors, au moment même où le rêve commence à s’évaporer, que l’enfer de l’adultère apparaît dans sa désagréable évidence.
Qu’un couple ne se comprenne pas ou ne se comprenne plus, cela peut arriver. Sans être ni une fatalité, ni une étape obligée, une telle éventualité peut se concevoir sans trop de peine. Après tout, les différences individuelles n’ont une chance de devenir complémentaires qu’après certains ajustements. Il faut parfois des heurts, mêlés à une volonté réciproque de comprendre et d’en sortir cela va sans dire, pour forger une dynamique plus fluide. Aussi, s’il doit advenir qu’un couple se dispute, voire se déchire, il importe alors de rappeler que dans la plupart des cas, des solutions existent. Elles demandent quelques efforts, c’est une certitude, et comme en toute situation un petit « coup de pouce » d’En-haut. Il importe absolument de passer par ces solutions, avec tout le sérieux requis.
Si après avoir sincèrement essayé plus rien ne fonctionne, le divorce, tout en étant un passage fort triste dont il faudra faire le deuil, peut aussi être l’occasion d’un nouveau départ pour les époux, chacun de son côté[5]. Par contre, initier une nouvelle union si l’on peut oser s’exprimer ainsi dans le cas de l’adultère, commencer une autre histoire alors que la présente est éventuellement dans l’impasse mais en aucun cas terminée, c’est à coup sûr tourner le dos au bonheur. Et puis, pourquoi multiplier les difficultés ? Celles inhérentes au couple n’étaient-elles donc pas suffisantes ? Mais non, on préférera sottement subir les conséquences d’une relation extra-conjugale qui, par nature, chasse la moindre bénédiction, les conséquences de ce qu’il faut bien nommer la profanation d’une union sacrée[6], et puis les conséquences d’une trahison en bonne et due forme vis-à-vis à la fois du conjoint et de sa propre personne, sans parler des conséquences dont les enfants auront à pâtir en termes de désordres intellectuel, psychique et émotionnel.
Combien de temps l’être humain se laissera-t-il encore berner ? Quand comprendrons-nous que le rêve n’est sain que lorsqu’il prolonge la réalité, et qu’à partir du moment où il vient s’y substituer, pire, la combattre, il la rend douloureuse ? L’enfer de l’adultère c’est, entre autres dimensions, l’histoire d’un rêve qui a livré l’homme à l’un des plus impitoyables bourreaux qui soient : le remords.
[1] La perte de sens n’est que subjective, encore et toujours. Il faut comprendre une fois pour toute qu’avoir le sentiment de perdre ses repères ne signifie pas leur absence véritable !
[2] Du fait qu’il existe au travers d’un certain principe de réalité, en l’occurrence une Conscience supérieure que nous autres, croyants, appelons D.ieu. D’un autre côté, c’est vrai, il ressemble cette fois à un rêve si on le compare aux temps messianiques et au monde à venir (voir Tehilim 126,1).
[4] À ce titre, le rêve exprimé par le verset Tehilim 126,1 ne fait pas exception…
[5] En espérant que les enfants, s’il y en a, n’aient pas à faire les frais d’une séparation dont, après tout, rien n’interdit qu’elle s’accompagne de respect mutuel.
[6] Sous la ‘houpa, on dira de la femme qu’elle est « mekoudechet », terme dont la racine est « kadoch », « sacré ».
David Benkoël
Analyste, je partage mon intérêt pour la construction de soi. J’aide par ailleurs des personnes en souffrance à se reconstruire.
david@torahcoach.fr
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