Une fois l’affolement, l’affliction, la tempête mondiale de la pandémie du coronavirus finalement apaisés, notre plus grand défi, et le plus important, ne sera pas de nous réjouir d’être encore là, de retourner au quotidien festif, à la case départ des insuffisants que nous fûmes depuis les années 50 du dernier siècle.
Cette nouvelle survivance, ce sursis octroyé à notre inconstance et à notre inconsistance interpelle chacun de nous vers une toute nouvelle lecture de son entreprise. Embarqués aujourd’hui sur la plus grande embarcation de l’Histoire, « l’Arche de l’Humanité », les hommes voguent contre vents et marées, autant que faire se peut, vers une inconnue radicale emplie de cadavres et d’impossible.
Un jour, après les nuits où les corps se seront essoufflés, auront expié, rongés par l’invisible point d’exclamation, une colombe approchera.
Là encore, une nouvelle fois, elle tiendra dans son bec un rameau d’olivier prémonitoire, offrant à « l’Arche de l’Humanité » la vision du rivage enfin proposé.
Entendez-vous leurs cris de joie et de soulagement mêlés aux larmes et aux chagrins de tant d’amour confisqué et jeté aux abysses d’un temps irréversible. Ils se regardent tous, les uns et les autres, leurs regards hagards, délivrés de leurs masques, pouvant de nouveau palper, toucher, caresser, embrasser. Soudain presque naturellement la haie se forme et l’on offre aux héros et aux héroïnes reconnus, à un corps médical usé et fourbu, une haie d’honneur internationale, une ovation sous un tonnerre d’applaudissements.
Les soldats de la sante publique ont combattu, bec et ongles, nuit et jour, contre la fatalité, ils sont les biophiles du présent.
Alors mettre pied à terre exigera certainement un autre dénouement que celui de Noa’h, ni vignoble ni bacchanale mais une sobriété prudente à l’égard des lendemains.
L’oiseau blanc ouvrira son bec et laissera tomber le rameau d’olivier entre nos mains, symbole de paix et de devenir….
Allons-nous comprendre l’Histoire et son message ?
Portes ouvertes, après tant d’aurores et tant de crépuscules, isolés de nos prochains et de nos ailleurs, confinés au sein de notre fort intérieur.
Vivre les chambardements, supporter les désorganisations, saisir les non préparations, tout relativise à court terme nos vies, en tant qu’individus ou sociétés. Nous avalons les pilules amères de l’expérience douloureuse actuelle et saisissons parfaitement la nécessité vitale pour l’après de refuser un retour au monde spéculatif d’antan.
Sans tenter de minimiser le traumatisme individuel des personnes qui ont perdu ou perdent des êtres chers de manière inattendue, si nous voulons essayer de réduire la survenue d’événements futurs similaires, nous devons examiner les causes sous-jacentes de la pandémie actuelle.
Ce n’est pas la première épidémie de coronavirus, ni la dernière.
La physiologie humaine est telle que divers degrés de maladie dans nos vies sont inévitables, et finalement inéluctables.
Croire que nous sommes – ou même devrions être – à l’abri de maladies graves dans les temps modernes est une illusion particulièrement répandue dans les pays riches et développés, où nos modes de vie privilégiés et notre foi irréfléchie dans l’infaillibilité supposée de la science et de la médecine occidentale ont conduit à la complaisance et un déni insensé de la réalité.
Il n’est donc pas surprenant que le coronavirus ait été un tel choc pour tant de personnes, exposant brutalement la fragilité de leurs systèmes économiques, de leurs gouvernements, de leur mode de vie et même de leur propre mortalité.
À court terme au moins, malgré les inévitables théories complotistes, il semble probable que le coronavirus actuel (Covid-19), provienne de la région de Wuhan en Chine. Mais il n’y a là qu’une cause immédiate probable.
Plus sérieusement il s’agit d’un malaise symptomatique beaucoup plus profond qui nous infecte tous – et dont nous sommes tous responsables. Le vrai problème n’est pas le coronavirus, mais le fait que la grande majorité d’entre nous sur la planète vivons des modes de vie excessives et inadmissibles – une situation qui garantit quasiment la survenue d’une gamme d’événements comparables ou pires que le coronavirus dans un avenir probable.
Que ces événements se produisent en raison de l’accélération du changement climatique, des guerres, de la famine ou de la peste est, d’un point de vue planétaire plutôt qu’individuel, largement hors de propos. L’effet sur nos démographies et nos modes de vie actuels est susceptible d’être brutal et terrible, et pourrait faire en sorte que la pandémie actuelle de coronavirus – aussi grave soit-elle – ressemble à un jeu d’enfant.
Au niveau actuel d’environ 7,5 milliards de personnes, en perpétuelle augmentation, notre monde est gravement surpeuplé. Jamais auparavant, dans l’Histoire de l’Humanité, notre planète n’a dû essayer de maintenir un tel nombre – et jamais auparavant, les peuples du monde n’ont adopté des systèmes économiques et politiques aussi délurés et cruels pour consommer et détruire les ressources dont nous avons le plus besoin pour survivre.
Au lieu de contrarier ardemment nos politiciens et chefs d’entreprise, cupides et incompétents, de nous conduire à notre perte, nous les encourageons et fermons les yeux sur leurs agissements – puis nous nous affligeons désenchantés lorsque nos bâtisses soigneusement construites en cartons pâtes, nos rêves, nos espoirs, tout ce qui nous est cher s’effondre littéralement sous nos yeux.
Nous continuons à voter pour des politiciens qui, chaque année, réduisent budgets et ressources de nos hôpitaux et de nos systèmes de soins de santé, de sorte que lorsqu’un coronavirus ou quelque chose de similaire se présente, nous n’avons aucune chance d’y faire face et des dizaines de milliers de personnes meurent inutilement, victimes de notre apathie collective et de notre stupidité.
Que dire de nos gouvernants quand ils peuvent trouver instantanément des sommes astronomiques pour soutenir des économies corrompues, contraires à l’éthique et défaillantes sur le maintien de la vie lorsque la pandémie de coronavirus frappe. Mais tout autant refuser de trouver, même une parcelle de cela, pour faire face à l’imminence du changement climatique, qui menace de rendre le coronavirus insignifiant en comparaison?
L’Union Européenne, les Etats Unis et Israël viennent de débloquer des milliards d’euros. Cela nous permet aussi de réaliser combien les critères d’austérité, imposés à travers le pacte occidental de stabilité monétaire, sont arbitraires et dépendent des priorités qu’on se fixe.
Plus fâcheux encore, que dire de nous-mêmes, citoyens soudoyés et pourfendus par le marché, lorsque nous persistons à élire ces personnes, à croire à leurs mensonges et tergiversations?
Alors que nous contemplons actuellement les rues et les autoroutes étrangement désertes de nos mégapoles autrefois animées, allons-nous considérer cela comme un présage de notre avenir, si nous ne réparons pas nos chemins?
Ne ressentirons-nous simplement pas l’interruption de nos modes de vie égoïstes et non durables et rattraperons-nous le temps perdu en sautant de nouveau dans le «business as usual» lorsque le coronavirus disparaîtra?
Si c’est le cas, nous aurons gâché une chance opportune de reconsidérer le sens et le devenir de notre existence, nous aurons ignoré le tapotement courtois, et relativement suave, sur notre nous que Dieu ou Mère Nature, pour certains, nous a prestement soumis avec le coronavirus.
Comme nous devons œuvrer tous ensemble pour nous protéger contre le coronavirus, nous devons apprendre ensemble à changer nos comportements collectifs maintenant – et pour toujours – afin de prévenir un devenir qui risque d’être bien, bien pire que l’actuelle pandémie que nous vivons.
Je me demande ce que nous ferons alors?
Pourquoi Mère Nature nous a-t-elle fait cela?
Sans devoir se référer à la mythologie, notre représentation de la nature doit être intime, car de manière très réelle la respiration des forêts est une extension de notre souffle, ses rivières et ses océans sont représentatives de notre circulation sanguine, son existence est une conséquence de tout ce que nous mangeons et digérons. Aucune relation ne pourrait être plus étroite.
La société moderne a beaucoup fait pour ravager l’environnement, et maintenant il y a un effet engourdissant, la nature s’atrophie, qui peut être témoin de cela et rester de marbre, sans un cœur flétri?
Au-delà de nos ressentis sombres et coupables, nous pressentons assez clairement, aussi, un possible retournement de situation. La nature se soulèvera d’une façon ou d’une autre contre nous, l’élan vital intimement présent au sein de la Création, jamais n’acceptera une défaite quelconque! Une telle réflexion n’aura de sens que si vous croyez foncièrement que les êtres humains sont profondément liés à la nature.
Cette croyance est vieille de plusieurs siècles, lorsque les humains ont tout d’abord conçu la nature comme la mère et la pourvoyeuse. Il ne faisait aucun doute que la terre avait été offerte à l’Humanité comme une préséance et une bénédiction consubstantielles. Le Livre de la Genèse met explicitement Adam et Eve en charge de toutes les créatures, le même sentiment de domination imprègne toutes les traditions culturelles. La nature incarnait notre foyer, elle nous choyait, nous donnait avec abondance, elle prenait soin de nos besoins et n’avait de cesse de nous faire connaitre ses ressources inépuisables si et seulement si…
Rony Akrich pour ©ashdodcafe.com