Ida Nudel est née en 1931 près de Moscou. Son père, soldat de l’Armée rouge, fut tué pendant la Seconde Guerre mondiale et son lieu de sépulture est inconnu. Sa mère est décédée en 1971.
Cette année-là, Nudel, sa sœur Ilana Friedman et le mari de celle-ci, ont demandé la permission de déménager en Israël. Elle déclara avoir été victime d’antisémitisme depuis sa tendre enfance. Les Friedman obtiendront leur visa d’immigration, mais pas Nudel.
Elle sera ensuite licenciée de son travail d’économiste pour ce qu’elle décrivit comme « une insulte à l’âme russe ».
Nudel deviendra une fieffée militante, luttant pour les Juifs arrêtés en raison de leur activité sioniste et de leur désir de vivre en Israël.
Elle a correspondu avec eux, leur a expédié de la nourriture, des médicaments et des livres, envoyant des pétitions pour plaider leur cause auprès des autorités et a organisé des manifestations et des réunions avec des visiteurs étrangers en Russie, pour mettre en lumière l’attitude des autorités russes envers les Juifs.
La lutte acharnée de Nudel pour permettre aux Juifs russes d’immigrer vers Israël l’a transformée en un symbole emblématique. En Occident, elle sera connue comme « l’ange des prisonniers de Sion ». En Israël, on la considéra comme « l’une des plus grandes héroïnes juives de notre génération ».
Nudel a été interrogée, surveillée et harcelée par le KGB.
En 1978, elle a accroché une pancarte revendicative à son balcon à Moscou y inscrivant ces mots: « KGB, donnez-moi mon autorisation de sortie »
En conséquence de quoi elle sera arrêtée, inculpée et condamnée pour « hooliganisme » à quatre ans d’exil en Sibérie. Lors de son procès, elle a déclaré: « Les années que j’ai passées sur le banc des accusés ont été les années les plus difficiles et les plus belles de ma vie. J’ai appris à marcher fièrement, la tête haute, en tant qu’être humain et en tant que Juive. »
Son emprisonnement, ses conditions de détention, font d’Ida Nudel une nouvelle passionaria, elle touche une corde sensible auprès des dirigeants mondiaux et des célébrités, notamment Ronald Reagan, Margaret Thatcher, Jane Fonda et Liv Ullman.
Pendant son incarcération, elle resta en contact avec sa sœur, Ilana Friedman, qui vivait en Israël, et réussit à la tenir informée de son état.
À partir de 1973, sa sœur devient son porte-parole auprès des medias et des personnalités influentes en Israël et dans le monde. Elle se bat, bec et ongles, pour l’amener en Israël.
En avril 1984, Jane Fonda lui rend visite, une réunion organisée par le militant politique et publiciste Stephen Rivers. Les deux femmes sont devenues très amies et Jane Fonda a lancé une campagne pour la libération de Nudel.
Parmi les autres personnes impliquées dans la campagne figuraient l’actrice Liv Ullmann et le président israélien, Chaim Herzog, lui, laissait une place vide à sa table de Pessah en son honneur.
« Le témoignage des prisonniers de Sion, des immigrés juifs et de leurs familles… révèle une héroïne juive [qui] entrera dans la grande galerie des héroïnes juives de Deborah la prophétesse à Hannah Senesh », écrivait le journal Davar à son sujet en 1981.
En 1982, Nudel sera libérée de prison mais bannie de Moscou. Elle déménage en Moldavie. Le 2 octobre 1987, on vient l’informer que son visa de sortie lui est enfin accordé.
Le 15 octobre 1987, Ida Nudel arrive en Israël. Elle a 55 ans !
À la fin de Simhat Torah, elle s’envolera, vers sa terre si attendue, Israël, dans l’avion privé d’un milliardaire juif.
Elle fut accueillie à l’aéroport international Ben Gourion par le Premier Ministre israélien Yitzhak Shamir, le ministre des Affaires étrangères Shimon Peres ainsi que Jane Fonda, sa sœur et des milliers d’Israéliens.
On lui remit immédiatement sa carte d’identité israélienne et ses papiers de nouvelle immigrante, puis eut une brève conversation téléphonique avec le Secrétaire d’État des États-Unis, George Shultz.
La cérémonie de bienvenue fut retransmise à la télévision israélienne.
« Je ne savais pas que je serais reçue avec une telle fanfare. … J’en suis arrivée au point où je serrais les mains de gens que je ne connaissais pas.
« Soudain, tellement d’amour, pas comme en Russie, où les gens avaient peur de moi parce que je me suis soulevée contre le gouvernement », a déclaré Ida Nudel dans une interview à Ma’ariv en 2017.
Elle n’a jamais fondé de famille, ni trouvé de travail régulier et déçue de voir de nombreuses promesses faites, jamais tenues. Elle a également été dépitée de la façon dont les Juifs russes ont été reçus en Israël, qualifiant cela de « désastre ».
Elle s’est installée à Karmei Yosef, une communauté agricole dans les contreforts de la Judée.
Elle a écrit une autobiographie: « Une main dans les ténèbres ».
Le film « Adieu Moscou » de Mauro Bolognini, avec Liv Ullmann, raconta dans une version dramatique le calvaire enduré.
En 1991, Nudel a créé « Mother to Mother », une organisation à but non lucratif financée par des dons de l’étranger, cherchant à sortir les enfants d’immigrants russes de la rue et à les faire participer à des activités parascolaires.
En 2001, elle a témoigné devant le tribunal de district de Jérusalem en faveur de Yuli Nudelman lors du procès en diffamation de Natan Sharansky contre lui. Il avait publié un livre affirmant que Sharansky était un ancien agent du KGB ayant des liens avec la mafia russe.
En 2005, elle a demandé à la Cour suprême d’Israël de forcer le Premier ministre Ariel Sharon à utiliser toutes les mesures nécessaires pour sauver la vie de quinze collaborateurs palestiniens emprisonnés et menacés d’exécution, et s’est prononcée contre le prochain plan de désengagement d’Israël de Gaza et d’une partie de la Cisjordanie.
En 2007, elle a déposé une requête auprès de la Haute Cour de justice exigeant du Ministre israélien de la Sécurité intérieure, Avi Dichter, le refus du droit de visite aux prisonniers du Hamas et du Hezbollah en Israël, si la Croix-Rouge etait empêchée de voir les soldats des Forces de défense israélienne kidnappés: Gilad Shalit, Eldad Regev et Ehud Goldwasser.
En 2008, elle s’installe à Rehovot.
« Héroïne juive, combattante pour la justice », elle fut l’un des symboles de l’immigration en provenance de l’Union soviétique.
Ida Nudel est décédée à Rehovot le mardi 14 septembre 2021 à l’âge de 90 ans, seules 40 personnes ont assisté aux obsèques de la célèbre Refuznik.
Le Premier ministre Bennett a écrit: « l’histoire de sa vie est l’histoire des immigrants et de tout le peuple juif ».
Rony Akrich