En terminant la première partie de cet article, nous nous demandions jusqu’à quel point il faudrait renouer un contact perdu.
À ce sujet, beaucoup se trompent semble-t-il. Car il ne faut pas se leurrer et croire que rééquilibrer son couple équivaudrait à retrouver la passion originelle. Ce serait même dangereux, car il y a peu de chance d’y parvenir[1], aussi la déception puis l’abandon risqueraient fort de couronner les efforts entrepris.
S’il y a si peu de chances d’y parvenir, c’est que le romanesque et grandiloquent « Je t’aimerai toujours » n’est qu’un miroir aux alouettes[2]. Je t’aimerai toujours, fort bien. Mais pas parce que ta beauté, ton charme, ta vigueur demeureront à jamais. Ils déclineront tôt ou tard et, avant cela, il faudra bien avoir pavé ensemble d’autres chemins par lesquels faire transiter notre amour, pour l’inscrire dans l’éternité justement.
Faire que l’amour dure à jamais est en vérité à la fois facile et complexe. Nous aimerions proposer un conseil simple pour au moins, nous l’espérons, ne jamais en arriver à percevoir un jour son conjoint comme un étranger.
Pour rebondir sur la question charnière précédente, jusqu’à quel point faudrait-il renouer un contact rompu ? Eh bien, parlons de contact dans le cadre du couple justement. Le couple a besoin de contact, c’est une évidence, et ce à plusieurs niveaux. Pour autant, au fur à mesure que le couple évolue et se construit, la teneur de contact en lui-même évolue également. Au tout-début, le contact est permanent. Il y a derrière ceci un désir qui n’a en soi rien d’anormal, au contraire. On a tout naturellement besoin de se connaître, de se découvrir, d’échanger, de se livrer aussi, car le couple est alors pareil à un nouveau monde qu’il est à la fois grisant et nécessaire d’explorer. Les jeunes époux ont alors la sensation de ne pouvoir survivre l’un sans l’autre. De leur point de vue, maintenir le contact en permanence est vital.
Mais avec le temps, et de nouveau si le couple évolue dans le bon sens, la donne change.
Non pas que le contact devienne facultatif. Il demeure tout aussi nécessaire, mais autrement. Il s’adapte en fait aux nouveaux besoins relationnels du couple. Une fois le couple solidement lié, la relation est devenue plus profonde[3] et pour le dire d’une manière que le lecteur se gardera de prendre au pied de la lettre, un soupçon d’essentiel compense beaucoup de superficiel. En d’autres termes, un couple mature, une couple uni produit des époux plus autonomes. Car la connaissance mutuelle est alors présente, la confiance acquise, les valeurs fondamentales posées. Quand la trajectoire est sûre, les efforts et le temps que demandent une correction éventuelle sont minimes.
Cependant, autonomie ne signifie pas désertion. Pour évoquer l’image employée dans la première partie de cet article, quand on allume un feu il faut bien l’entretenir. Au départ, le tarde à partir, puis brusquement il produit des flammes généreuses qui consument le petit bois, facile à brûler. Il s’agit alors de déposer des branches moyennes régulièrement puis ensuite, plus rarement, des bûches. Mais on ne peut pas laisser un feu sans attention, on ne peut pas le priver serait-ce d’une bûche de temps à autre, sinon il s’éteint.
Un couple autonome est donc un couple qui se doit une attention mutuelle, même si celle-ci est relativement moindre comme nous venons de l’expliquer. Le seul fait de le souligner ouvre une porte de sortie à l’enjeu que nous savons. Ceci pourra évitera ces situations étranges, paradoxales et surtout douloureuses que vivent les couples déjà séparés tout en étant « techniquement » mariés, ces couples qui se côtoient sans jamais fusionner, ces couples qui partagent le même espace vital sans y créer de la vie.
Rétablir un contact rompu, et avant même cela entretenir le contact, peut n’exiger qu’un investissement de quelques minutes par jour. Un moment bref mais sacré, pour ne pas dire consacré, où l’on se retrouve, où l’on se parle, où l’on se regarde, où l’on se redécouvre en s’accordant le plaisir d’un moment de partage. Ces moments-là, petits par la durée, immenses par la portée, constituent pour le couple une sorte d’élixir d’éternelle jeunesse. Quel que soit l’âge du couple, il faudrait se garder de les mépriser. Il ne faudrait jamais les perdre. Il ne faudrait jamais perdre le contact.
[1] Le climat féerique que l’on expérimente au commencement du mariage est un cadeau du Ciel qui laisse au couple le temps de se lier solidement. Cet état, nommé ‘hen en hébreu (la grâce), a été abordé dans cet article, celui-ci et encore celui-ci.
[2] Par-dessus tout, ce principe est potentiellement déséquilibrant, puisqu’il repose surtout sur un attrait pulsionnel, laquelle pulsion, pour être seulement entretenue, pourra pousser l’époux ou l’épouse à des actes qui serviront cette pulsion, mais au détriment de leur couple.
[3] Ceci, en passant, prend entre 5 et 10 années environ dans nos générations.
David Benkoël
Analyste, je partage mon intérêt pour la construction de soi. J’aide par ailleurs des personnes en souffrance à se reconstruire.
david@torahcoach.fr
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