La Haute Cour de justice (HCJ) a décidé, ce mois-ci, d’autoriser le Conseil de l’Enseignement Supérieur (CES) à mettre en place des filières d’études où la séparation entre hommes et femmes permettrait d’accroître l’intégration du public ultra-orthodoxe dans le monde universitaire. Les juges ont, néanmoins, décidé que la politique interdisant aux enseignantes de professer dans un cadre réservées aux hommes devrait être immédiatement abrogée, ainsi que l’interdiction de ségrégation dans les espaces publics des campus. La décision de la H.C.J concerne uniquement les études du premier cycle et interdit son extension aux masters et à d’autres groupes religieux, contrairement aux desiderata du C.E.S.
Scandale, il y a tout juste quelques mois, un vol d’El Al en partance pour l’aéroport de Ben Gourion depuis New York fut retardé suite au refus de passagers ultra-orthodoxes de s’asseoir à côté de la gente féminine. Selon un passager, dont le post sur Facebook témoigne, l’équipage de l’avion dans l’impossibilité de trouver une solution fut finalement sauvé par des passagères qui acceptèrent de changer de place!
Scandale, Le tribunal du district de Tel-Aviv autorisa précédemment, la secte messianique du mouvement « loubavitch », l’organisation d’un événement sur la place Rabin à Tel-Aviv où hommes et femmes furent séparés.
Scandale, des lignes de bus où la séparation croissante des hommes et des femmes au sein du monde orthodoxe est devenue une réalité affligeante (à mon humble avis), et aussi un cheval de bataille permettant de se garder autant que possibles des influences maléfiques du monde extérieur.
Naomi Ragen, une romancière israélienne d’origine américaine, orthodoxe moderne, conteste farouchement la présence de bus séparés dans le paysage israélien. Sa colère fait suite à l’agression verbale dont elle fut la victime en 2004 alors qu’elle refusait de se rendre à l’arrière du bus.
À Jérusalem, les femmes sont exclues de la publicité sur les panneaux d’affichage, pas vraiment un mal mais quand même, du fait que toutes les extrêmes sont tentaculaires. Pour preuve, sur les paquets, boites et emballages destinés aux adultes comme aux enfants, fillettes ou femmes sont « persona non grata » afin de ne pas provoquer les pulsions interdites et libidineuses chez nos chers sapiens.
Depuis quelques années on peut également marcher entre nous, selon le sexe, sur les trottoirs de certains quartiers de certaines villes de jour comme de nuit pendant les vacances de Souccot et bientôt plus si affinités.
Ces dernières années, la séparation entre les sexes s’est étendue et annexe de plus en plus de lieux publics, de salles de mariage, de lieux de fête, dans certains quartiers orthodoxes, cela va jusqu’aux files d’attente devant les caisses d’épiceries, aux heures des cabinets dentaires et parfois lors des repas familiaux de Shabbat.
Quelques jardins d’enfants sont déjà séparés selon le sexe, et une ville, dont on taira le non, « innove » avec des heures de récréation séparées pour les garçons et les filles. Une koupat holim (dispensaire) séparée à Jérusalem avec des entrées partagées et des salles d’attente différentes pour hommes et femmes, un explicatif conseille à la gente féminine de n’être examinée que par des femmes médecins et au sexe fort, seulement par des médecins hommes.
Les dirigeants orthodoxes affirment que la séparation des sexes est essentielle pour maintenir les notions traditionnelles de modestie, et prévenir les hommes de toutes pensées rédhibitoires, de faits et gestes harcelants et protéger les femmes contre toutes attentions soutenues et indiscrètes.
Un tel accroissement de religiosité exacerbée touche directement le vestimentaire, c’est-à-dire vouloir encore et toujours camoufler plus la féminité, source du péché originel. Dans certaines régions, les femmes ont pris l’habitude de porter un vêtement de type poncho destiné à rendre la forme féminine aussi informelle que possible. Dans la banlieue de Jérusalem à Ramat Beit Shemesh, quelques femmes ont enfilé des burqas qui couvrent leur visage et leur corps totalement.
Autre exemple, du côté le plus austère et le plus strict, les couples mariés ne marchent pas ensemble en public, les jeunes hommes sont découragés de converser avec les femmes de leurs frères. Parmi les mouvances les plus libérales, les couples mariés sont assis ensemble dans les bus, et beaucoup m’expriment en privé leur malaise face à la distance grandissante entre les sexes.
Certes et disons-le, il existe une grande variété de Juifs religieux connu en Israël sous le nom de h’aredim (ultra-orthodoxe), depuis les ‘pin-up’ de Beit-Vagan à Jérusalem et Bnei-Brak jusqu’aux fondamentalistes-burqa à Ramat Beit-Shemesh.
A mon humble avis, il faut non seulement prendre en considération le nombre croissant de femmes orthodoxes entrées sur le marché du travail et des études mais aussi la révolution masculine permettant aux jeunes gens de s’engager dans les rangs de l’armée, de rejoindre le monde professionnel ou d’entamer un cursus scolaire. Tout cela entraine naturellement leurs dirigeants à plus de sévérité et de radicalité au vu et au su des dangers inhérents au brassage des populations.
Ce ne fut pas toujours ainsi, notent les chercheurs. En Europe avant la guerre, en Afrique du nord après la guerre, toutes les femmes religieuses ne se couvraient pas, en continu, les cheveux. Etonnantes, et non des moindres, sont ces photos des groupes de jeunes de ‘l’Agudat Israël’ datant des années 1920-30 où adolescentes et adolescents sont photographiés ensemble.
Comment, ce pan non négligeable du judaïsme, peut-il encore poursuivre une telle ségrégation envers les femmes? La requête féminine consiste à pouvoir s’asseoir autour d’une même table, aucune raison de percevoir cela comme un ultimatum. Il faut que les peurs, les aprioris, cessent, il faut endiguer cette sourde appréhension de l’inconnu. Les femmes alliées à l’orthodoxie moderne interpellent les hommes pour qu’ils finissent de se repaitre et de roucouler dans le confort des acquis. Ce confort-là est séparatiste à l’égard du genre humain qui se conjugue au féminin.
On constate toutefois que ces hommes et ces femmes partagent des prérogatives semblables et répondent aux mêmes défis quotidiens de la vie. Malgré cela, leurs rapports à la loi juive, leurs comportements sont différents, terminé la parité.
Empêcher la participation des femmes, aussi talentueuses soient-elles, reste une forme archaïque du protectionnisme masculin et que nous vivons encore à l’ère du rigorisme. Concernant le culte rituel, l’herméneutique la plus intransigeante est à jamais jugée comme la plus holistique. Toutefois et bizarrement, les partisans de la rigueur judaïque ne sont pratiquement jamais les adeptes d’un radicalisme commandant les relations interpersonnelles.
Les panneaux de séparation rehaussé et plus opulent sont appréhendés comme religieusement plus éminents, quand bien même ils froisseraient la sensibilité des femmes, et je ne parle pas de la séparation d’étage à la synagogue. Cela autorise, prétendument au nom de la Torah, l’orthodoxie juive à mépriser les aspirations légitimes des femmes.
Tous ceux qui parmi nous veulent encore honorer, de ses lettres de noblesse, la Torah et conservent pour notre chère Histoire une tendresse dorée poursuivront l’œuvre depuis l’intérieur. Notre peuple, notre nation et ses dirigeants reconnaitront un jour, plus très lointain, que les femmes sont des associées à part entière dans l’hébraïsme.
Tout cela m’exaspère, me révolte et me dépite: une mentalité religieuse individualiste et cultuelle qui ne se reconnait qu’au travers de pratiques minimalistes atrophiées. Si l’on n’ouvre pas l’ensemble des grandes questions que notre temps pose, nous allons nous fourvoyer, sans aucun doute, dans un obscurantisme des plus morbides. Cela suffit que tous ces gens sollicitent dieu ou le rav mais jamais leur détermination, leur inspiration, leur savoir, aucunement leur engagement moral.
Comment ne pas vouloir briser les carcans et s’envoler vers le projet humain de l’Eternel ? Posez des mézuzot, mettez les téphilines, faites shabat, nida, h’ala, ect… mais ne vous enfermez pas dans l’acte ou le geste, ils ne sont que les moyens de parvenir au mieux et au meilleur de la création! Conjurez votre être, votre moi, à s’engager vers et dans le projet nous impliquant tous et toutes. Cessez de vous effacer au sein de structures fantasmagoriques et crédules des figures flétries et avilies du seul culte religieux.
Rappelons sans ambages que la suprématie masculine a maintenu les femmes dans l’impéritie et c’est la l’une des plus grandes injustices de l’histoire humaine. Ces privations de droits élémentaires furent générées par des hommes qui voulaient imposer leur diktat sous couvert de traditions et de religions. Les femmes ont alors trouvé une auguste issue: remettre en question l’interdit, de lire tout, de savoir tout, de croire en leurs prédisposi-tions a s’élever aux plus hautes fonctions des savoirs. Elles devaient affirmer leur droit plein et entier à la connaissance et à la critique, et enfin, grâce à la littérature et les sciences, étudier et produire de la culture. Cette réparation grâce aux savoirs est la forme privilégiée de tout rapport à l’érudition et à l’expérience. Ainsi, aident-elles les femmes à ne plus douter d’elles-mêmes et à retrouver l’espérance et le devenir.
Rony Akrich pour Ashdodcafe.com