Une image sordide. Celle de plusieurs Sifrei Torah[1] jetés à même le sol d’une synagogue. C’est arrivé aujourd’hui-même. Dans une de ces villes françaises remplie d’immigrés, se dira-t-on ? Eh bien, non. C’est arrivé en plein Jérusalem.
Je l’ai su en recevant un message inquiétant, dont j’aurais bien voulu qu’il fasse partie de ces « fakes » à la mode, même si celui-ci aurait été du plus mauvais gout. D’ailleurs, le voici :
JOUR DE DEUIL
Par la demande du Grand rabbin d’israel Harav Itshak Yossef Chlita, Chaque personne du peuple Juif doit aujourd’hui s’adonner a la Torah en faisant Taanit Dibour.
Ce matin, la communauté Francophone de Kiryat Yovel, eurent pour horreur, en entrant a la Synagogue de voir que des mecreants étaient entré dans la Synagogue et avaient forcé le Eikhal, duquel ils ont sortie les 4 Sifrei Torah, les ont jeter à terre et jeter dessus du vinaigre.
« Psaume d’Assaph. O Dieu, des païens ont envahi ton héritage, souillé ton temple saint, réduit Jérusalem en un monceau de décombres » (Tehilim 79)
J’ai ensuite appris qu’un rassemblement aurait lieu à 17h30, non loin de la synagogue où l’acte abject avait été perpétré. Me trouvant à proximité, je décidais de m’y rentre. En chemin, je découvrais des photos de l’acte en question. Des photos révoltantes, aptes à susciter la peine et la colère tout à la fois, et qui témoignent d’un forfait s’ajoutant à la longue liste d’hostilités envers le peuple Juif à travers les âges – en fait, envers la Gloire de D.ieu.
En arrivant à l’endroit indiqué, peu après 17h30, j’avisais un groupe d’enfants tenant une grande pancarte noire où était écrit un verset poignant de la Meguilath Eikha[2] : « Je pleure sur ces choses-là »[3].
Le ton était donné. Les pleurs que toute âme juive en bonne santé déverse, par amour disons-le, à la seule pensée qu’un rouleau de Torah ait pu être profané. L’expression de la Volonté sacrée de Celui Qui nous a agréés aux pieds du Mont Sinaï, gisant piteusement à terre. Bien sûr, le sens et la vérité suscités par ces rouleaux n’en étaient pas pour autant diminués, au contraire même, ils n’en étaient que renforcés. Mais tout de même… quel spectacle pitoyable ! Voir ces lettres si familières, si chères, qui signent déjà notre identité puisqu’elles s’inscrivent dans les prénoms que nous portons et que nous donnons à nos enfants, les voir donc s’écouler dans une flaque de liquide acide qui les avaient arrachées à leur parchemin, ne peut qu’affliger.
Non loin des enfants à la pancarte, des enceintes diffusaient de la musique. « Si je t’oublie, Jérusalem »[4], et encore d’autres versets chantés, parcouraient l’air pour frapper moins les tympans que les consciences. Quant à moi, j’écoutais la musique et me demandais pourquoi il était utile de la diffuser. Dans les générations passées, sans remonter aussi loin que celle de l’exil de Babylone à laquelle fait référence le Tehilim 137 précité, réunissait-on donc un orchestre pour s’émouvoir et pleurer quand un événement tragique survenait ? Non. On pleurait, c’est tout. Alors, de nouveau, quelle idée de diffuser de la musique ?
Et puis, j’ai compris.
C’est pour attendrir nos cœurs. Oui, nos cœurs de pierre, qui ont tant de mal à lâcher quelques soupirs, et que dire de quelques larmes ! Cette musique était le moyen de nous plonger dans un état d’esprit adéquat, pour être ensuite à même d’entendre les mots qu’un orateur énonça en effet une demi-heure plus tard.
Quand j’eu réalisé cela, je m’affligeais plus encore. Comment ? Sommes-nous devenus insensibles au point qu’il soit nécessaire de diffuser une musique appropriée pour susciter un peu d’émotion ? On le dirait. Ah ! Mais que sommes-nous donc devenus, nous qui appartenons à l’une des dernières générations avant la venue de Machia’h, peut-être même la dernière, nous que nos Sages appellent « le talon du Machia’h »[5] ? Eh bien, nous sommes fort probablement devenus des cœurs durs. Durs et insensibles comme la peau qui recouvre le talon.
Ou peut-être des cœurs glacés ?
Notre peuple qui devrait être uni, et gagnerait d’ailleurs à l’être tant il est vrai que nos ennemis tirent leur force[6] de nos désunions, l’est-il autant que possible ? Certes, il y a de l’amour, il y a de l’entraide, il y a de la compassion chez nous, comme chez aucun peuple du reste. Et puis, il y a ce respect pour notre Torah, qui se manifeste par son étude, par sa transmission, et sans doute surtout par sa mise en pratique au travers de ces actes à moitié terrestres, à moitié célestes, que nous nommons « mitsvoth ». Il y a cette attention particulière portée à l’éducation des enfants, il y a le souci du travail sur soi, de l’accession à une maturité à la fois physique, psychique et spirituelle que l’on nomme plus simplement la sainteté.
Il y a tout cela, et plus encore. Mais il y a aussi la haine gratuite, le mépris, la dérision, l’indifférence, la vulgarité, la concupiscence, la médisance, le mensonge, et tous ces mauvais traits que chacun d’entre nous a 120 ans pour raffiner.
De telles manifestations existent aujourd’hui dans le peuple Juif. Le nier serait se voiler dangereusement la face. Or, est-ce cela que D.ieu attend de Son peuple ? Lui Qui nous aime n’aurait pas la volonté que nous nous aimions ? La question est bien sûr purement rhétorique. La réponse, chacun la sait.
Aussi peut-être, je dis bien peut-être, que ces événements glaçants tel celui d’aujourd’hui, sont suscités d’En-haut pour réchauffer nos cœurs de glace. Car alors, qu’advient-il ? On se réunit, on se regarde, on se considère, on se respecte, on se parle, on s’apprécie. En un mot, on s’aime. Et cela, sans nul doute possible cette fois, D.ieu l’exige certainement de nous.
Analyste, je partage mon intérêt pour la construction de soi. J’aide par ailleurs des personnes en souffrance à se reconstruire.
david@torahcoach.fr