Pour résumer la première partie de cet article et en revenir à la question posée au départ, les schémas psycho-émotionnels que nous avons qualifié de « complexes », ne font pas seulement souffrir en tant que tels.
Disons-le d’un trait. Ils font souffrir parce qu’ils n’arrêtent pas de se manifester, ils se manifestent parce qu’ils ne sont pas démasqués, et ils ne sont pas démasqués parce qu’ils sont justement complexes. L’être intérieur est complexe et c’est cela, indirectement, qui peut parfois lui causer du tort[1]. Eh bien, quand l’être est dépassé par sa propre complexité, c’est un peu comme s’il sentait qu’il n’a pas le choix de subir, sans espoir de dominer. Et c’est au fond très compréhensible : allez donc combattre un ennemi invisible ou presque !
Fort heureusement, une lueur d’espoir existe.
Car ces schémas complexes recèlent une faiblesse. Ils ne bougent pas, ils ne changent pas. Notamment, et pour se mettre sur le même plan que ces pensées fantasmatiques personnelles si promptes à décourager, ils ne ressemblent absolument pas à ces créatures cauchemardesques issues des œuvres fantastiques, qui s’adaptent en permanence aux stratagèmes imaginés par les hommes qui les traquent.
Non, ces schémas s’avèrent extrêmement statiques. Les personnes qui vivent avec depuis des années peuvent en témoigner facilement. C’est d’ailleurs même cela, entre autres, qui afflige. Le fait d’avoir à subir un mécanisme inchangé, tellement prévisible qu’il en devient une sorte de fatalité morbide.
Le seul mécanisme de défense de ces schémas, auquel la psychanalyse a donné le nom de « résistance » depuis longtemps[2], n’est qu’une tentative de dissimulation, souvent très efficace, mais rien de plus. Bien qu’ils occasionnent la souffrance de manière tout à fait tangible, ces schémas ne sont donc essentiellement pas offensifs, mais bel et bien défensifs. Ils ressemblent à des créatures fantastiques de nouveau, mais sans être cauchemardesques, qui seraient incapables de se mouvoir mais qui auraient par contre la faculté de s’immiscer discrètement dans les pensées de l’être occupé à valider une stratégie pour les combattre. Il s’agirait donc d’un camouflage mental, si l’expression peut être permise, qui aboutirait à intégrer ces mécanismes dans les stratégies du sujet qui cherche à s’en débarrasser, et à son insu[3]. Le résultat est redoutable. Une fois la stratégie de construction de soi fièrement entérinée par le sujet, le mécanisme, qui s’y est mêlé, est laissée en paix.
Et c’est exactement ce que ces schémas complexes recherchent : à ce que la raison les accepte et, par corrollaire, détourne ses regards d’eux.
Au passage et encore une fois, ceci reste évidemment une manière de parler. Les schémas complexes ne « recherchent » rien. Ils n’ont ni conscience, ni autonomie. C’est de la partie malade de l’être, c’est l’être qui souffre qui recherche cela… sans l’admettre ni le savoir. Précisément, quand l’être se met à comprendre qu’il entretient lui-même ces schémas négatifs, il comprend par là même qu’il peut y échapper. Nous refermons la parenthèse.
Ce qui peut donner l’espoir d’une guérison donc, c’est le fait de savoir que l’on s’attaque à un schéma certes complexe, certes voilé, certes dérangeant, mais immuable. Quelles que soient les techniques employées pour l’approcher, il ne changera jamais dans son essence ou dans sa logique.
Nous le répétons, il n’y aura pas à craindre de devoir s’adapter à un phénomène qui se métamorphose sans arrêt, dans une sorte de cycle infernal. Rien de tout cela. Il « suffira » de planter méthodiquement des repères solides et clairs[4] autour de ce schéma, tout en s’en rapprochant petit à petit, inexorablement, jusqu’à le trahir, l’investir, ne lui laisser aucune autre possibilité que de se rendre… en se dévoilant entièrement.
Que cette mise à nu d’un nouveau genre puisse éventuellement prendre du temps, n’a aucune espèce d’importance. Seul compte le fait que la stratégie ait de bonnes chances d’aboutir. Seul compte le fait que l’on puisse, un jour prochain, se sentir mieux. Se sentir libre. Se sentir être.
[1] Pour l’anecdote, nous avions donné une conférence sur le thème de l’intelligence, au cours de laquelle nous démontrions que celle-ci peut, contre toute attente, parfois être un handicap.
[2] En deux mot, la résistance est un mécanisme qui s’oppose à l’accès à la conscience d’une information inconsciente.
[3] Evidemment, ces mécanismes n’ont pas d’autonomie propre. Le « camouflage » dont nous parlons est en vérité organisé inconsciemment par le sujet lui-même, procédé qui d’ailleurs dépasse le cadre de cet article.
[4] Qui ne sont autres de la réalité, laquelle demeure encore le meilleur moyen de terrasser le fantasme.
Analyste, je partage mon intérêt pour la construction de soi. J’aide par ailleurs des personnes en souffrance à se reconstruire.
david@torahcoach.fr